L'OCDE soutient Emmanuel Macron dans son rapport : l'analyse manque de rigueur et de compréhension des réalités françaises

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 20 septembre 2017 - 18:56
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Emmanuel Macron au Touquet, le 18 juin 2017
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© Philippe HUGUEN / AFP/Archives
L'OCDE soutient sans détour les réformes voulues par Emmanuel Macron.
© Philippe HUGUEN / AFP/Archives
Jeudi 14, l'OCDE a apporté dans un rapport son soutien et son jugement positif aux projets de réformes d'Emmanuel Macron, emboîtant ainsi le pas au FMI. Mais l'argumentaire de l'organisation est étrange, entre conclusions précipitées –alors que les ordonnances ne sont pas encore adoptées– et courte vue dans l'analyse. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, décrypte pour "FranceSoir" les "bizarreries" de cette étude.

L'OCDE a publié début septembre une étude sur la situation de la France: son Secrétaire général Angel Gurria l'a remise au ministre Bruno Le Maire. Ses conclusions visent à donner un satisfecit à l'équipe Macron ce qui est –pour moi et quelques autres– une bizarrerie intellectuelle.

Prenons un exemple important et démonstratif: l'OCDE est favorable à la flexibilité du marché du travail et le souligne avec force dans son texte. Un point juridique ne doit cependant pas nous échapper: ce jugement de valeur des rédacteurs éminents de l'étude est émis avant que le texte définitif des ordonnances ait été présenté, fin septembre, et avant que le Conseil constitutionnel –probablement saisi– ait émis son analyse et formulé un avis à force juridictionnelle. Il y a donc "charrue avant les bœufs" comme si ce que l'exécutif annonçait suffisait pour créer le droit. C'est évidemment faux en régime parlementaire même via le recours aux ordonnances et d'autant que des mouvements sociaux peuvent toujours modifier l'ordre des choses.

Autre exemple démonstratif : l'OCDE énonce: "Les réformes déjà engagées comme la réduction de l'impôt sur le travail commence à porter leurs fruits" en faisant ici allusion à la montée en puissance du CICE alors que nombre d'économistes ( y compris ceux de l'OFCE) ont d'ores et déjà démontré que la restauration des marges qui a découlé du CICE n'a pas forcément stimulé significativement les embauches. L'OCDE se sert de son aura pour clouer au pilori les oppositions sur le fond.

Mieux, on embrouille le lecteur entre un acte de politique économique de François Hollande et un résultat contrasté au moins autant que contesté car ce type d'analyse gomme les fondements externes de l'embellie conjoncturelle que la zone euro connaît depuis quelques mois. Clairement, l'étude OCDE s'étend sur un espace-temps qui enjambe l'élection présidentielle ce qui est, là encore, une bizarrerie et une erreur méthodologique dans la mesure où un rapport OCDE sur les réformes structurelles et la croissance situent ces deux variables dans un lien effectivement complexe.

Autre élément, il y a un sérieux débat chez les économistes pour savoir si nous sommes en mesure de quantifier les nouveaux gains de productivité liés à la digitalisation accélérée de l'économie occidentale. L'OCDE n'a cure de cette question de fond et concernant la France, elle affirme que "les gains de productivité sont trop modestes pour maintenir à long terme le niveau de protection sociale". Cette affirmation péremptoire mérite d'être passée au scanner des rapports de la Cour des comptes qui ont, par exemple, évalué à 43 milliards d'euros le coût intrinsèque de la seule gestion de l'ensemble des Caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM). Il est évident que d'ici à cinq ans, ce chiffre aura baissé du fait de la numérisation et de l'automatisation de certaines tâches.

Stigmatiser de front le modèle social français (qui est perfectible) comme le fait l'OCDE est un affront à l'intelligence des lecteurs et de l'auditoire. Il faut dire ici que Bruno Le Maire se rêvait en diplomate et non à Bercy où ses pures compétences macro-économiques demeurent à inscrire dans le granit. Ses réactions passives au rapport de l'OCDE qui emboîte le pas de travaux du FMI ont un parfum politicien et non marqué par la rigueur.

> Les valeurs de l'OCDE

"Les valeurs fondamentales de l'OCDE sont l'objectivité (nos analyses et nos recommandations sont indépendantes et factuelles), l'ouverture (nous encourageons le débat et la compréhension mutuelle sur des questions cruciales pour le monde), l'audace (nous osons mettre en question les idées reçues, à commencer par les nôtres), la prospective (nous identifions et abordons les défis nouveaux et les enjeux à long terme), l'éthique (notre crédibilité est bâtie sur la confiance, l'intégrité et la transparence"  nous annonce l'organisation.

A la lumière du texte récemment formulé sur le devenir de la France, on ne retrouve pas la pleine puissance des valeurs revendiquées par l'OCDE dont certaines sont hélas réduites à l'état de fines dentelles ajourées.

> Trois points-clefs qui interpellent

Tout d'abord, l'OCDE souligne à raison la grave crise de notre commerce extérieur mais ne l'impute qu'au coût horaire moyen du travail supérieur à celui de nos partenaires de la zone euro. 

Et la qualité des produits made in France? Et le niveau de gamme? Regardez ce qu'était Skoda il y a quinze ans et les modèles qu'ils fabriquent désormais. Regardez le succès de l'arrimage d'un constructeur haut de gamme (Audi) à un assembleur de renom (Volkswagen). Où en est la fusion Volvo – Renault tant désiré par Raymond Lévy? Où nous situons-nous en matière de SAV, de maintenance sur produits vendus, de délais de livraison? Autant de sujets que l'OCDE néglige pour pointer un doigt accusateur sur le seul facteur travail et en oubliant que bien des entreprises françaises ont d'autres types de difficultés à résoudre et à surmonter.

Puis, l'analyse des 160 pages du rapport dévoile les vrais défis de la France. Ainsi, ce texte confirme que notre pays est désormais celui où la dépense publique est la plus importante des 35 pays membres de l'OCDE créée en 1961 à la suite de l'Organisation chargée du suivi du plan Marshall. Voilà un état des lieux objectif que certains médias ont peu mis en exergue. Dont acte.

Enfin, alors que la dette a cru de 364 milliards d'euros pendant le quinquennat de François Hollande et que la dette hors-bilan est passée de 3.200 à 4.070 milliards en 2016, l'OCDE d'une voix fluette à force d'être pondérée écrit: "La faiblesse des taux d'intérêt a permis de ralentir la progression de la dette publique ces dernières années".

Ralentir une hausse qui plombe nos comptes publics est un euphémisme de salon, pas une aide à la décision publique. De ce rapport, le président Macron a dû bien vite en faire une cale pour équilibrer un meuble ce qui pose, par symétrie, la question des coûts de fonctionnement de l'OCDE au regard d'autres entités publiques dont les écrits sont remarquables. Je songe particulièrement à ceux émis par la BRI, la Banque des règlements internationaux.

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