"Avant, j'étais vieux..." : le "bien vieillir" brûle les planches en tournée
"Avant, j'étais vieux...": une pièce de théâtre singulière, financée par des caisses de retraite, sillonne depuis cinq mois les salles d'Aquitaine, faisant rire des travées entières de cheveux blancs pour mieux faire passer de tendres mais piquants messages sur le "bien vieillir".
Au début, un murmure, des grommellements entendus, parcourent les rangs. Puis des coudes se poussent avec un clin d'oeil, des têtes opinent, entre deux gloussements: "Ça te rappelle pas quelqu'un?" A mesure, les éclats de rire, mais aussi quelques raclements de gorge, ponctuent les avatars de Pierre, personnage principal, retraité désœuvré et ronchon majuscule, qui avoue: "Je sais plus faire, rien n'est comme hier..."
A la retraite depuis deux mois, Pierre (Christian Loustau) a fait jusqu'ici du canapé son activité principale. La retraite imminente de son épouse, l'aiguillon incarné par son meilleur ami, néo-retraité débridé (et amoureux), envoient Pierre dans un abîme de questionnements portés par "Conscience", sa conscience féroce mais bienveillante qui lui apparaît, le malmène et le "coache".
C'est gratuit, c'est drôle, c'est touchant. Mais pour la CARSAT (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail) qui finance la pièce avec la MSA (Mutualité sociale agricole) de Gironde et le SSI (Sécurité sociale des indépendants) d'Aquitaine, l'objectif est très sérieux: "capter, drainer nos publics retraités vers nos ateliers de prévention (sur les chutes, la mémoire, la nutrition, la voiture, etc.)", explique Pierrick Chaussée, directeur-adjoint de la CARSAT-Aquitaine.
- Bien vieillir = bien vivre -
Il y a trois ans, une pièce plus didactique, plus "orientée conseils pratiques" initiée déjà par la CARSAT, l'avait épatée par son succès: 30% du public s'était inscrit aussi sec en ateliers prévention. Au point que le spectacle avait été "exporté" vers d'autres régions. L'organisme a voulu cette fois frapper plus fort, avec "Avant, j'étais vieux...", un "objet théâtral" atypique (du théâtre musical) mais une "vraie" pièce, commanditée à des auteurs et acteurs professionnels.
D'Arcachon à Mourenx, de Nérac à Bordeaux, une quarantaine de dates sont déjà calées jusqu'en janvier 2019 pour le spectacle qui espère toucher plus de 20.000 retraités invités. En "matinée" (15H00) forcément, mais bientôt aussi en soirée, visant un public-cible plus large, plus jeune, "pas seulement retraité mais aussi retraitable".
De fait, la pièce "parle de bien vieillir, mais au-delà en fait, elle parle de bien vivre, tout simplement", estime l'auteur Julien Bastière. "Elle parle de couple, de sexualité, d'activité, de relations sociales... Donc elle parle à tout le monde, à tout âge", abonde Jean-Jacques Amyot, sociologue spécialiste des personnes âgées, qui intervient à l'issue de chaque pièce et enfonce quelques clous, études scientifiques et chiffres à l'appui.
- 'Apprentis vieillards pleins d'avenir' -
"Oui, il fait plutôt bon vieillir au 21e siècle: plus que jamais par le passé en fait, avec devant soi 25-30 ans potentiels sans incapacité majeure". "Oui, on parle beaucoup d'alimentation, d'activité physique, mais le plus grand facteur-risque, c'est prouvé, c'est la solitude et l'isolement". "Non, ce n'est pas notre cerveau qui détermine notre activité, c'est notre activité qui détermine notre cerveau", lequel "continue de produire neurones et synapses tant qu'il continue d'apprendre".
"Et quand je leur dis ça, ça change un peu tout, quand même...", décrypte M. Amyot, par ailleurs directeur de l'Université du temps libre à Bordeaux. "Car le message est difficile à faire passer. On doit se battre contre un discours dominant qui pose que vieillir, c'est se désadapter. Alors que c'est une fabuleuse adaptation, au contraire".
"Car le passage à la retraite est un événement absolument crucial, sans équivalent dans une vie, où l'on fait le bilan de 40 années pour les 30 suivantes. C'est là que se prépare ce que sera sa +grande vieillesse+".
C'est le moment "des apprentis vieillards plein d'avenir", comme le chante le personnage de Pierre, qui finit par délaisser son canapé pour de premiers projets et un premier voyage: Saint-Jacques-de-Compostelle.
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