Chimiothérapies : un "Big Brother" pour traquer les erreurs de fabrication d'anti-cancéreux

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Par AFP
Publié le 29 mars 2017 - 13:34
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Une préparatrice élabore une chimiothérapie en utilisant le système Drugcam, à La Rochelle le 17 mar
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© Xavier LEOTY / AFP
Une préparatrice élabore une chimiothérapie en utilisant le système Drugcam, à La Rochelle le 17 mars 2017
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Flacons, seringues, étiquettes... le système d'analyse vidéo Drugcam imaginé au Centre hospitalier de La Rochelle traque la moindre faille dans l'élaboration des chimiothérapies, un "Big Brother" capable de stopper net le préparateur en cas d'erreur, potentiellement fatale pour le patient.

En matière de traitements anti-cancéreux, cocktails de produits particulièrement toxiques réalisés "à la demande", "le préparateur en pharmacie travaille sans filet", souligne Benoît Le Franc, inventeur du procédé Drugcam et lui-même pharmacien hospitalier à La Rochelle. "Les préparations se font à l'unité, selon une posologie adaptée à l'état de santé du patient. Il n'y a pas de standardisation possible. Et c'est pareil dans toutes les unités de France", explique-t-il.

Seul devant sa fiche comportant la formule du traitement, le préparateur en est réduit à appeler un collègue pour s'assurer de visu qu'il a scrupuleusement suivi la recette.

"Du moins en théorie, parce que certaines unités ne le peuvent pas, faute de personnel suffisant", déplore M. Le Franc. Résultat, selon lui, un taux d'erreurs médicamenteuses qui s'établit "autour de 5% chaque année" en pharmacie hospitalière.

Pour sécuriser le processus, M. Le Franc a donc imaginé un dispositif de surveillance vidéo. Un prototype a été créé avec l'université de La Rochelle avant d'être testé dans les hôpitaux Jacques-Monod au Havre et à l'institut Paoli-Calmettes de Marseille.

Drugcam repose sur l'analyse des images à l'aide de caméras miniatures: flacons, seringues, étiquettes, etc. le préparateur présente obligatoirement tous les éléments devant une caméra équipée d'un lecteur numérique capable de lire un QR code, un code barre ou s'il n'y a rien, de s'assurer qu'il s'agit du bon produit en le comparant à une base de données.

"Drugcam est procédurier", résume Loïc Tamarelle, informaticien qui a développé les algorithmes nécessaires au système et qui a fondé la société Eurékam en 2012 avec Benoît Le Franc. "Il faut lui présenter le flacon pour vérifier que c'est le bon produit, puis la dose prélevée et enfin l'étiquetage au nom du patient apposé sur le protocole."

- Archivées après administration -

S'il détecte un problème, Drugcam bloque immédiatement le processus: une tête de mort rouge surmontant deux tibias entrecroisés apparaît sur l'écran. Impossible de s'en débarrasser tant que la correction n'a pas été effectuée.

Tous les éléments sont ensuite transmis au pharmacien chargé de superviser les préparateurs, qui est responsable de la délivrance du médicament. Celui-ci peut voir la synthèse de préparation en vidéo et, en cas de problème, savoir précisément quelles erreurs ont été commises et quelles corrections ont été apportées. Des images qui sont archivées et conservées après administration pour un meilleur suivi des préparations, 120 à 130 chaque jour à La Rochelle mais jusqu'à 400 quotidiennement dans les plus grands hôpitaux.

Grâce à Drugcam, "depuis 2015, on a détecté 35 erreurs par an, mais aucune n'est parvenue jusqu'au patient", souligne Benoît Le Franc. "Avant on n'avait pas les moyens de quantifier les erreurs. C'est ça le gros problème des Unité de reconstitution des cytotoxiques (URC) où sont fabriqués les protocoles", estime-t-il.

"Drugcam apporte de la sérénité pour le pharmacien comme pour le préparateur", selon Benoît Dalifaud, pharmacien et responsable de l'URC de l'hôpital de La Rochelle. Sabrina, préparatrice en pharmacie de l'URC, confirme: "On est indépendant. Avant il fallait attendre un collègue pour assurer le contrôle. Maintenant il n'y en a plus besoin, on gagne aussi du temps."

Le Drugcam devrait être étendu à la pédiatrie et à l'anesthésie d'ici la fin de l'année.

Une quinzaine de centres hospitaliers français se sont déjà équipés, comme la Pitié Salpêtrière (Paris), Clermont-Ferrand, Le Havre, Marseille ou encore l'Oncopole de Toulouse. Des hôpitaux canadiens et américains s'y intéressent à présent, "mais ils ont parfois du mal à croire que c'est possible", affirme Loïc Tamarelle.

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