Colombie : défigurées par l'acide et réparées par un "ange" chirurgien
En passant devant un chantier en Colombie, elle avait reçu au visage de l'acide nitrique, lancé par des ouvriers peut-être commandités par son ex-compagnon: dix ans plus tard, Angeles commence à retrouver le sourire grâce à un chirurgien qui l'opère gratuitement.
Depuis ce jour fatidique de février 2007, cette femme de 32 ans vit avec de lourdes cicatrices. Selon les autorités, la Colombie est l'un des pays les plus touchés dans le monde par ces attaques.
Pour Angeles Borda, c'est la neuvième intervention visant à reconstruire son visage. "Je sais que dans quelques mois j'aurai un meilleur aspect", assure-t-elle, reconnaissante envers celui que de nombreuses femmes appellent un "ange", Alan Gonzalez.
Chirurgien plastique reconnu en Colombie, M. Gonzalez consacre depuis 2010 une partie de son temps et de ses ressources à opérer celles qui ont été défigurées par des agressions à l'acide.
"Je n'aurais jamais pensé que ce que je commençais alors à faire, avec du temps et des moyens limités, pouvait avoir tant de répercussion", confie-t-il à l'AFP.
Ce chirurgien de 46 ans, qui opère dans un quartier cossu du nord de Bogota, avoue qu'il ignorait l'ampleur de ces attaques en Colombie, qui font chaque année une centaine de victimes selon les chiffres officiels.
"J'avais vu que cela arrivait au Pakistan, mais pas ici", raconte-t-il, encore choqué par cette forme de violence, généralement motivée par une déception amoureuse mais derrière laquelle il ne voit qu'"ignorance" et "intolérance".
Ces attaques ont été recensées en Colombie à partir de la moitié des années 1990. Le pic a été atteint, selon M. Gonzalez, entre 2014 et 2015, avant la promulgation en 2016 d'une loi définissant ce crime, puni de jusqu'à 30 ans de prison, et réglementant la vente d'acide.
Depuis fin 2010, Alan Gonzalez a reçu 24 victimes en consultation et opéré 15 d'entre elles, soit près de 300 interventions.
Convaincu que "la chirurgie plastique n'est pas la chirurgie de la vanité, mais de la vie", il a opéré des soldats et policiers blessés dans le conflit armé déchirant la Colombie, avant de s'occuper de ces femmes marquées par le "désespoir" et les "idées suicidaires".
"Le défi, c'est de leur rendre leurs rêves et leurs espoirs, et surtout leur sourire. Nous ne reconstruisons pas seulement des visages: nous reconstruisons des vies".
- 'Continuer de l'avant' -
Mère de trois enfants et vendeuse de bonbons dans les bus de Bogota, Angeles raconte qu'après l'attaque, elle avait "deux options: rester à pleurer ou sortir au grand jour pour montrer comment je suis. (...) Ce qui m'est arrivé est très triste, mais on peut vivre avec ces séquelles".
Aujourd'hui, "j'ai des rêves, j'ai des objectifs et j'ai la force pour continuer de l'avant".
Mais difficile de se confronter à une société qui ne la voit que comme une victime et ne lui offre pas d'opportunités d'insertion. "Qu'ils nous voient pour notre force", lance-t-elle, ajoutant: "Je me sens bien quand on me dit +Oh je vous admire+".
Car "la dure réalité" pour les victimes de ces attaques c'est que 99% d'entre elles viennent des milieux socio-économiques les plus défavorisés.
Luz Nidia Mendoza et Silvia Julio Jiménez, elles aussi patientes du docteur Gonzalez, avouent que, sans leurs enfants, elles auraient sans doute mis fin à leur vie.
"C'est pour eux que je suis là", dit Luz, qui a déjà eu 25 opérations et "il en reste encore", pour lui refaire les joues, le front, la bouche, le nez. A 37 ans, elle n'a jamais retravaillé depuis son agression en 2011.
Elle souffre surtout de ne pas avoir vu grandir ses enfants. "Je les entends, je les sens, je les touche, mais je ne les vois pas", déplore-t-elle, gardant l'espoir qu'une greffe de cornée l'aide à retrouver un peu de vision.
Silvia, 29 ans, mère célibataire et sans emploi de quatre enfants, attend elle aussi une telle greffe, ainsi qu'une nouvelle opération au cou... encore une fois avec l'aide précieuse du chirurgien.
"Le docteur Alan est un ange pour nous. Nous lui devons beaucoup. Il nous donne du courage, du bonheur", se réjouit Luz.
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