Contre la malbouffe, une autre agriculture fleurit à New York
Dix conteneurs plantés sur un parking au coeur de Brooklyn. Dix jeunes triés sur le volet pour cultiver salades et herbes aromatiques dans ces boîtes qui sont autant de "fermes urbaines", où les plantes poussent hors-sol, baignées d'une lumière psychédélique.
Une vraie "pépinière d'entreprises": ces jeunes font non seulement pousser leurs plantes, ils doivent aussi trouver des clients locaux pour les écouler. Le tout dans un esprit combinant incubateur de jeunes pousses et rejet de la nourriture industrielle, qui voyage souvent des milliers de kilomètres avant d'arriver dans l'assiette.
Bienvenue chez Square Roots ("Racines carrées"), une de ces jeunes entreprises au marketing aiguisé qui font du quartier new-yorkais une capitale de l'innovation, toujours prête à surfer sur les nouvelles tendances.
"Ce n'est pas juste le dernier truc à la mode, il n'y a aucun doute que le mouvement pour une nourriture vraie et locale, où les consommateurs connaissent leurs cultivateurs, est une méga-tendance", explique le co-fondateur du projet, Tobias Peggs, un Britannique de 45 ans venu de l'industrie du logiciel.
- Un terreau idéal -
Depuis novembre, ce projet qu'il a lancé avec Kimbal Musk, frère du fondateur de Tesla Elon Musk, forme ces jeunes à une technologie déjà bien avancée ailleurs, surtout aux Pays-Bas, mais encore pionnière aux Etats-Unis: les plantes grandissent dans un environnement entièrement clos et parfaitement contrôlable, disposées en étages et alimentées par un système hydroponique - de l'eau mélangée à une combinaison de sels minéraux et de nutriments essentiels aux plantes.
New York et ses millions de consommateurs "hautement diplômés et aisés prêts à payer cher pour de la nourriture locale de qualité" - sept dollars pour un petit sachet de feuilles de salade fraîche - constituent un terreau idéal pour ce genre d'agriculture urbaine, explique Wylie Goodman, qui achève un mémoire sur ces projets à l'université de Cornell.
La capitale financière américaine voit sans cesse éclore de nouveaux projets, dit-elle: de jardins traditionnels sur les toits d'immeubles à l'immense ferme verticale d'AeroFarms, installée depuis 2015 à Newark, dans la banlieue de New York, en passant par Gotham Greens, une entreprise qui fait pousser sur les toits, dans des serres ultra-modernes, des herbes disponibles le jour de leur récolte dans de nombreux supermarchés new-yorkais.
Les jeunes de Square Roots ont démarré leur année de formation en novembre et à mi-parcours, Tobias Peggs estime avoir remporté un premier succès. "Nous avons montré que nous pouvions prendre 10 jeunes et leur apprendre comment cultiver de la nourriture que les gens aient envie d'acheter", dit-il.
L'étape suivante sera d'ouvrir, "d'ici un an", explique Tobias Peggs, d'autres "campus" comme celui de Brooklyn dans d'autres grandes villes américaines, de perfectionner le processus de production - notamment l'éclairage, encore très coûteux - avant de lancer ça "partout".
Son enthousiasme semble contagieux. La centaine de personnes qui assistaient cette semaine à une présentation des conteneurs étaient pour la plupart non seulement prêtes à acheter leur production, mais beaucoup semblaient aussi envisager de se lancer eux-mêmes sur ce créneau.
- 50 dollars la betterave -
Pourtant, si les fermes verticales ont un avenir pour les plantes haut de gamme, "personne dans le milieu agricole ne pense qu'elles peuvent supplanter" l'agriculture faite de terre et de lumière naturelle, souligne Mme Goodman.
L'éclairage artificiel est trop coûteux, dit-elle, et les espèces cultivables à des coûts raisonnables restent très "limitées".
Tout ce qui requiert une biomasse importante, comme les céréales ou les betteraves, reconnaît Tobias Peggs, est hors d'atteinte pour l'instant: "Si je plantais des betteraves, je devrais les vendre 50 dollars l'unité !"
Autre hic: "Qui voudrait travailler dans un environnement de conteneurs ?", s'interroge Mme Goodman.
Une question que se posent déjà certains jeunes apprentis-fermiers de Square Roots, comme Electra Jarvis, 27 ans, sélectionnée pour cette formation après avoir décroché un master d'environnement durable.
La jeune fille, qui n'avait "jamais rien fait pousser", a en quelques mois maîtrisé le processus et trouvé vingt clients pour ses sachets de salades étiquetés "Cultivés avec amour par Electra Jarvis".
Si elle entend bien transformer des "espaces morts" en "espaces verts productifs", elle ignore encore ce qu'elle fera ensuite, car "la nature me manque, je préfère pouvoir faire pousser des choses dehors".
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