"Pourquoi j'ai pas mangé mon père" : les débuts réussis de Jamel Debbouze comme réalisateur (VIDEO)
Comment le singe est devenu un homme: Jamel Debbouze résume l'évolution de l'humanité en une heure et demie, de façon pédagogue, iconoclaste, très schématique et très drôle, dans son premier film comme réalisateur, Pourquoi j'ai pas mangé mon père.
Il interprète lui-même le personnage principal, celui d'Edouard, fils aîné du roi des simiens qui, considéré à la naissance comme trop malingre, est rejeté par sa tribu. Il trouve refuge auprès d'un autre singe plus âgé, Ian, lui aussi mis à l'écart parce qu'un peu simple d'esprit.
Edouard grandit loin des siens, sans que ni lui ni eux ne sachent qui il est vraiment. Mais il revient les voir de temps à autre et, à la mort du roi, leur explique que ce n'est pas correct de manger le défunt, comme c'est la coutume.
C'est le premier pas vers l'humanité. Ingénieux et courageux, Edouard, au fil de ses aventures, va découvrir ‒et faire découvrir aux autres‒ la marche, le miroir, la chasse, la cuisine, le feu, la musique ...et l'amour, en rencontrant Lucy, presque aussi évoluée lui.
Très librement inspiré du livre de l'auteur britannique Roy Lewis Pourquoi j'ai mangé mon père paru dans les années 60, le film est pour Jamel Debbouze l'aboutissement d'un projet de sept ans. Au départ il avait été pressenti pour faire une doublure de voix, mais on l'a sollicité pour des dialogues, puis de fil en aiguille il a repris le projet, en a écrit le scénario et s'est lancé dans la réalisation.
"Ce n’est pas moi qui ai fait ce film, c’est ce film qui m’a fait", explique-t-il. "Entre le moment où je venais pour un simple doublage et aujourd’hui, il s’est passé sept ans. C’est la plus grande aventure de ma vie. Je n’ai jamais autant travaillé sur un projet, avec autant d’intensité et d’envie".
Jérôme Seydoux, le PDG de Pathé, a décidé que le film se ferait avec la technique de "performance capture", à mi-chemin entre film traditionnel et dessin animé: des acteurs jouent réellement les scènes, corps et visages recouverts de capteurs, et ensuite l'ordinateur leur donne l'apparence d'animaux ou de personnages fictifs, en gardant leurs expressions et leurs mouvements originaux. Le procédé a été utilisé ces dernières années par de grosses prdouctions hollywoodiennes (Avatar, Le Seigneur des Anneaux, Le Hobbit, King Kong, La planète des singes, Les aventures de Tintin) mais c'est une première pour un film européen.
Sous les traits du personnage d'Edouard, on reconnaît tout de suite Jamel Debbouze. Pas seulement par sa voix, mais par son physique, caractérisé par son bras droit paralysé. Dans le film, Edouard a été mordu par un animal et va conserver un handicap au bras droit. "Puisque la performance capture avait été choisie comme technique de tournage et qu’elle restitue absolument tout, je savais que je ne pourrais tricher à aucun moment. Il fallait donc que ce soit moi tel que je suis, dès l’écriture", explique Jamel Debbouze. "J’y ai mis beaucoup de ma personne, tant sur la forme que sur le fond. Ce film n’est pas loin d’être une métaphore de mon existence".
Tant qu'à faire, pour symboliser l'amour et interpréter Lucy, il a choisi son épouse, Melissa Theuriau, qui fait ses débuts au cinéma. Arié Elmaleh interprète Ian et les autres personnages sont joués par des pantomimes, des danseurs, des cascadeurs capables de prendre des postures et des allures de singes.
Parmi eux Patrice Thibaud, un ancien de la troupe de Jérôme Deschamps, tient les rôles de deux conseillers du roi, serviles et sournois, qui ont les expressions, les tics et même la voix de Louis de Funès, reconstituée en partie par l'IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique/musique). Jamel Debbouze a ainsi voulu rendre hommage au grand acteur, et notamment au film La folie des grandeurs, un de ses préférés.
Avec des dialogues drôles, des anachronismes façon Astérix, un ton moderne, une bande originale très soul (Nina Simone, Barry White, Aretha Franklin, Stevie Wonder), Djamel Debouze a fait un film qui lui ressemble. Il y met un message quasiment politique, où les progressistes l'emportent sur les conservateurs pour faire avancer le monde, et où la tolérance et l'espoir sont les seuls moyens d'y parvenir.
"Nous devons faire l’effort d’être civilisés. Le respect, la politesse, la compréhension sont comme des muscles qui se travaillent", dit-il, multipliant les exemples tout au long du film. "On devrait s’empêcher tous ensemble d’aller trop loin, au-delà de certaines limites, et décider ensemble du chemin à prendre. Les singes de mon histoire deviennent solidaires après la destruction de leur arbre, qui leur sert d’habitation. Faut-il vraiment attendre d’en arriver là?"
(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):
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