"Samba", le retour des Intouchables

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 14 octobre 2014 - 09:04
Mis à jour le 05 novembre 2014 - 18:43
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Tahar Rahim et Omar Sy dans le film "Samba"
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©Gaumont Distribution.
Tahar Rahim et Omar Sy, deux immigrés sans papier, se débrouillent comme ils peuvent.
©Gaumont Distribution.
Les réalisateurs et l'acteur principal du film "Intouchables" reviennent à la conquête du public avec "Samba", sur les écrans ce mercredi 15 octobre. Un film qui montre le quotidien des travailleurs immigrés sans papiers, sur le ton de la comédie sentimentale, avec Charlotte Gainsbourg comme partenaire d'Omar Sy.

Les revoilà. Trois ans après le phénoménal succès du film Intouchables et ses 19,4 millions de spectateurs, deuxième plus gros succès de l'histoire du cinéma (derrière Bienvenue chez les Ch'tis, 20,5 millions), ses coréalisateurs Olivier Nakache et Eric Toledano et leur acteur fétiche Omar Sy remettent ça.

Dans Samba, l'acteur préféré des Français joue un immigré sénégalais du même nom, en France depuis 10 ans, qui a un travail régulier dans les cuisines d'un grand restaurant mais n'a pas de carte de séjour. Un jour, il est arrêté, conduit en centre de détention et relâché avec une OQTF: obligation de quitter le territoire français.

Fini, donc, le job régulier comme plongeur dans les cuisines. S'il se fait arrêter de nouveau, "pour lui c'est direct Dakar et sans passer par le duty free", comme l'explique une jeune avocate, Manu (Izïa Higelin), à une amie venue l'aider à défendre les sans-papiers, Alice (Charlotte Gainsbourg).

Alice est en arrêt maladie suite à un burn out, après 15 ans de surmenage dans un cabinet de recrutement. Somnifères, anxiolitiques, antidépresseurs: elle a du mal à dormir la nuit. Le jour, elle est bénévole dans une association qui aide les immigrés, en situation irrégulière ou non.

C'est là qu'elle a rencontré Manu, avocate stagiaire, qui lui a conseillé de ne pas trop s'attacher aux personnes qu'elle rencontre et qu'elle défend, de laisser de la distance. Malgré cela, Alice a un petit faible pour Samba, qui de son côté la trouve sympathique et pas comme les autres.

Samba, qui habite chez son oncle et envoie régulièrement de l'argent à sa mère au Sénégal, continue de gagner sa vie comme il le peut, en accumulant désormais les petits boulots clandestins et les intérims avec une fausse carte de séjour. Pour éviter d'être contrôlé, il reste discret, met une veste et une cravate, paye son ticket de métro, évite les gares et les correspondances de RER, traverse dans les clous.

Alice, de son côté, lui a laissé son numéro de portable –contrairement aux conseils de Manu. Et un soir, quand il a besoin d'aide après une bagarre, elle vient à son secours. Ils se revoient régulièrement, elle l'aide autant qu'elle peut, entre eux se noue une relation d'amitié. Et peut-être plus...

Le thème principal du film, explique Eric Toledano, est "le rapport au travail, du plus bas au plus haut de l’échelle. D’un côté, Samba, un travailleur clandestin qui a quitté son pays et cherche à régulariser sa situation pour honorer la promesse d’emploi qu’il a décrochée; de l’autre, Alice, cadre supérieure qui a tout pour être heureuse, mais souffre de surmenage qui a débouché sur un pétage de plomb. Ils considèrent tous les deux le travail comme la valeur suprême mais, en se rencontrant, ils vont découvrir de nouveaux horizons, et tenter de se frayer un autre chemin vers le bonheur que celui imposé par le monde du travail et la réussite sociale".

Mais surtout, en douceur, à hauteur d'homme et y mettant tout l'humour nécessaire pour en faire un film grand public, les deux coréalisateurs illustrent, sans misérabilisme mais avec réalisme, le quotidien des immigrés sans papiers.

"En fait, nous avons mis des visages sur des statistiques", poursuit Eric Toledano. "Aborder le côté politique du sujet, ce n’est pas notre rôle, pas plus que de faire passer un message. En revanche, le cinéma permet au spectateur de découvrir, par des personnages et leur quotidien, un monde que souvent il ne connaît pas autrement que par le débat public et les médias. Et à partir de là, cela peut lui donner matière à réfléchir différemment".

Des échafaudages, des chantiers, des centres de tri à ordures, des fonds de cuisines de restaurants, des immigrés sur les quais d’Aubervilliers en train d’attendre à 5h du matin que des contremaîtres les embauchent pour la journée et les choisissent comme du bétail: ces images de la réalité ne sont pas souvent montrées dans les comédies à la française –tout comme la vie quotidienne d'un handicapé servait de toile de fond à Intouchables.

Mais tout cela s'enrobe continuellement d'humour, de dialogues drôles, d'histoires amusantes et de gags. C'est parfois très réussi, parfois un peu lourd, les coréalisateurs caricaturent gentiment les bénévoles des associations, en se gardant à chaque fois d'aller trop loin dans le dramatique, le social, le réel.

"Quelles que soient les situations, nous ne fermons jamais la porte au registre de la comédie", explique Eric Toledano. "Lorsqu’une scène est chargée dans sa dramaturgie, nous n’hésitons pas à tenter d’y glisser de l’humour derrière: c’est l’arme la plus efficace".

Alors ça marche, on rit beaucoup, on s'émeut, on voit d'un autre oeil les immigrés et leurs problèmes, le racisme perd un tout petit peu de terrain dans la tête de certains spectateurs –comme y avait contribué, il y a quelques mois, le film Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu?

Omar Sy –dont le seul défaut est d'exagérer son accent sénégalais– est pour beaucoup dans ce savant équilibre du film entre sérieux et rigolade. A ses côtés, Charlotte Gainsbourg est très crédible dans un rôle qui ne déborde pas d'originalité, un peu à la mode, mais utile pour le développement du scénario.
Et tous deux sont entourés de deux très bons seconds rôles: la chanteuse Izïa Higelin, qui commence à se faire remarquer au cinéma, après son César du meilleur espoir féminin l'an dernier; et le beau gosse Tahar Rahim, attirant naturellement la sympathie dans le rôle du meilleur pote de Samba, immigré algérien qui se fait passer pour un Brésilien –parce que, "pour le boulot comme pour les nanas, c'est beaucoup plus facile".

 

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