"Tout nous sépare" : Nekfeu fait chanter Catherine Deneuve (Vidéo)
Le rappeur Nekfeu fait des débuts réussis au cinéma et donne la réplique à Catherine Deneuve dans Tout nous sépare, film policier de Thierry Klifa hélas moins convaincant et qui sort ce mercredi 8 sur les écrans.
À 35 ans, Julia (Diane Kruger) vit toujours chez sa mère Louise (Catherine Deneuve), une riche bourgeoise qui a repris l'entreprise de travaux publics de son défunt mari, dans la région de Sète. Julia, qui boite et marche avec une canne à cause d'une blessure due à un accident, ne fait rien de ses journées sinon d'avoir des pensées suicidaires et de fréquenter un petit délinquant des environs, Rodolphe (Nicolas Duvauchelle).
Elle est accro à lui: il lui procure frissons sexuels et drogues pour calmer ses douleurs. Mais cette fréquentation ne plaît pas à sa mère, qui demande à Rodolphe d'arrêter de voir sa fille. "30.000 euros et je disparais", lui répond celui-ci, qui a des ennuis d'argent avec ses copains voyous et doit une grosse somme à un caïd local.
Mais une nuit, un événement imprévu change la donne. Ce n'est plus Rodolphe mais son meilleur pote, Ben (Nekfeu), qui prend le relais et fait chanter Louise. Entre la femme d'affaires qui veut protéger sa fille et le petit délinquant sans scrupules, les premiers contacts sont brutaux mais peu à peu se noue entre eux un lien mystérieux…
"Il y a longtemps que je voulais me frotter au genre, mettre en scène un polar avec disparition, maîtres-chanteurs, flingues, bagarres, suspense…", dit le réalisateur Thierry Klifa, dont c'est le quatrième long métrage après des histoires plus familiales et des films plus choraux, et qui a voulu changer de genre et s'encanailler en allant voir du côté des banlieues difficiles. "La réalité actuelle, avec ce qu’elle a de violent et de trivial, me permet de m’approprier les codes du film noir en les adaptant à notre contexte social", explique-t-il. "J’avais envie de rendre compte du monde dans lequel on vit aujourd’hui: fracturé, explosif. En forçant mon héroïne à pénétrer le milieu des malfrats pour protéger sa fille, je voyais l’occasion de confronter deux mondes à la fois proches et complètement étanches".
Hélas le résultat est peu convaincant, et confirme que sa filmographie est de moins en moins attractive: après le séduisant Une vie à t'attendre (2004), Le héros de la famille (2006) était un peu moins bien et Les yeux de sa mère (2011) plus décevant encore. Depuis, Thierry Klifa s'est consacré au théâtre en mettant en scène trois pièces avec Fanny Ardant, avant de revenir au cinéma, attiré par l'idée de diriger à nouveau Catherine Deneuve, pour qui il a écrit ce rôle.
Mais est-ce un crime de lèse-majesté que de trouver que celle-ci n'est pas au mieux de sa forme, tout comme Diane Kruger? La faute à des personnages qui sonnent faux, malgré les aspérités qu'on leur donne pour échapper à la caricature et au cliché de la bourgeoise (la mère, la fille) à la fois effrayée et fascinée par le voyou.
Et les invraisemblances du scénario, les rapports peu crédibles qui se nouent entre les personnages de Louise et de Ben, les dialogues postiches (une conversation entre les deux sur le toit d'un immeuble sonne complètement faux) font que le film s'enfonce peu à peu –sous prétexte d'aller décrire le milieu des petits délinquants et de créer un semblant de suspense. Dommage pour Thierry Klifa désireux, tout en changeant de genre, de continuer à explorer les thèmes qui lui sont chers: liens et secrets familiaux, incommunicabilité entre les personnes, culpabilité.
Paradoxalement, c'est Nekfeu, dont le métier n'était pas d'être acteur jusqu'à présent, qui s'en tire le mieux dans ce Tout nous sépare et, loin d'être ridicule, donne un peu de crédibilité à son personnage, à défaut d'en donner au film et à son scénario. C'est mieux que rien, mais c'est très insuffisant.
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