Streaming musical : L’application Spotify pourrait bientôt vous écouter
Le streaming musical et Spotify en tête, ont sauvé l’industrie de la musique, en permettant, à travers les abonnements aux plateformes de streaming, de monétiser les créations musicales sur le numérique. Depuis 2015, l’industrie musicale a connu une hausse constante de son chiffre d’affaires, et en 2018, le numérique a dépassé le physique pour la première fois, le streaming étant responsable de plus de la moitié du chiffre d’affaires. Avec la numérisation de la consommation de la musique, un énorme volume de données, du big data, est à disposition des plateformes pour connaître les auditeurs, leurs chansons et artistes préférées.Mais Spotify souhaite aller plus loin: récemment, un brevet permettant d’écouter les voix des auditeurs et de traiter les données associées, a été accordé à la plateforme. L’objectif serait de mieux adapter les propositions de chansons aux goûts et la personnalité des utilisateurs.
Une avalanche de brevets pour Spotify ces derniers mois
Les développeurs de Spotify se surpassent en créant toujours plus de fonctionnalités, pour rendre la plateforme incontournable pour les amateurs de musique.
Selon le site “Music business worldwide” la plate-forme a obtenu en septembre un brevet pour une nouvelle fonctionnalité de type karaoké qui permet aux utilisateurs de «superposer une piste musicale avec leur propre voix», et début octobre, un autre brevet américain pour la personnalisation de l'expérience utilisateur en fonction des leurs traits de personnalité. Ce dernier brevet soulève quelques questions: pourquoi un utilisateur devrait-il se laisser écouter par Spotify?
La personnalité, l’humeur, et nos caractéristiques démographiques jouent en effet un rôle important dans les préférences musicales
L’objectif de Spotify de proposer à chaque utilisateur la playlist parfaite, en échange son autorisation d’écouter sa voix. Grâce à cette écoute, Spotify espère pouvoir identifier les caractéristiques de chaque personne: age, sexe, origine sociale et demographique, pour proposer des morceaux de musique qui pourraient leur correspondre. Cette technologie ne s'arrête pas là, car elle pourrait aussi enregistrer les sons d'ambiance pour déduire toute une série d’informations: si la personne est à l'extérieur, si elle est accompagnée, si elle se promène en ville ou dans la nature. Toutes ces informations pourraient permettre de faire des suggestions adaptées au contexte dans lequel évolue l’utilisateur.
Une technologie pour connaître l’utilisateur mieux que lui-même
On peut être déprimé, sans s’en rendre compte. Avec sa fonctionnalité d’écoute, Spotify pourrait détecter cela dans la voix de l’utilisateur et lui proposer instantanément une chanson pour lui remonter le moral.
Même si cette technologie en est pour l’instant au stade du brevet, et n’a pas encore été proposée aux utilisateurs, elle ne relève pas de la science fiction pour autant, car des entreprises comme Amazon proposent déjà de l’analyse vocale, concrètement avec les montres connectées Halo pour proposer des bilans de santé. Autre exemple, en Chine on peut scanner son visage pour se faire détecter une cardiopathie, ou pour se faire proposer un menu compatible avec son état d’esprit.
De son côté, grâce à ce nouveau brevet, Spotify pourrait facilement classer les utilisateurs dans des catégories prédéfinies: si le ton de votre voix est optimiste, aigu et / ou excité, cela correspondra à une personnalité extravertie; au contraire, si l’on parle calmement, avec une voix douce, cela correspondra à une personnalité introvertie. Grâce à ces catégories, Spotify pourra savoir quelles chansons ou podcasts recommander. Peut-être qu'une personne introvertie se verra recommander un podcast “comment réussir à parler en public sans se cacher sous la table”, par exemple.
Quelles limites éthiques?
Les auteurs de l'article de Music Business Worldwide préviennent que «ces recherches et applications futures doivent être menées dans les limites strictes des politiques éthiques d'utilisation, de collecte et de stockage des données». Ils ajoutent: «L’historique numérique d’un utilisateur est extrêmement personnel et sensible et doit être traité en tenant dûment compte des abus et des externalités non intentionnelles envisageables.»
Spotify pourra-t-il se baser sur les émotions pour nous proposer des publicités opportunistes? Les utilisateurs ont-ils intérêt à ce que Spotify leur remonte le moral avec une chanson “feel good”? Ou bien est-il préférable, lorsque l’on est triste, de garder cela pour soi? Dans tous les cas, l’application d’une telle technologie ne pourra pas se faire sans le consentement éclairé de l’utilisateur.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.