Dans l'Aube, drones et balises scrutent une ferme sous toutes ses coutures
Dans la paisible campagne auboise, pas un bruit ne sourd, jusqu'à ce que surgisse un drone vrombissant: à l'aide de cet appareil bardé de capteurs, Cédric Jullien, agriculteur, va cartographier son champ de colza pour produire de manière plus rentable, voire plus vertueuse.
"J'ai deux sites d'exploitation à 25 kilomètres l'un de l'autre. Avec mon téléphone, je les surveille d'un simple clic", explique fièrement M. Jullien, 39 ans, qui cultive sur des champs à perte de vue colza, blé, orge, betteraves et pommes de terre dans la petite commune de Semoine.
"Ca fait quatre ans que je fais de l'agriculture connectée", explique-t-il, espérant ainsi "améliorer la rentabilité" de son exploitation et "récupérer un maximum d'informations" sur les parcelles qui la composent.
"Aujourd'hui, on essaye de réduire notre empreinte sur les cultures, d'apporter le produit au bon endroit, au bon moment. Les résultats commencent à arriver, on commence à avoir une base de données", explique-t-il.
Sous le soleil qui baigne les feuilles de ses plants de colza, le passage du drone lui permet d'obtenir sur son ordinateur une carte de sa parcelle. La couleur sur l'écran varie du vert au rouge en passant par le jaune, en fonction de l'état d'avancement des cultures.
"La plante, selon le sol, va pousser de manière hétérogène", explique Emeric Oudin, directeur général d'Axe Environnement, une PME de la région qui conçoit et commercialise des outils d'agriculture connectée et de protection, et dont est client Cédric Jullien.
"On va pouvoir voir quelles plantes sont malades, quelles plantes le sont moins. L'objectif, c'est d'utiliser moins de produits phytosanitaires, de mieux les utiliser", affirme M. Oudin.
"J'utilise 20% d'engrais en moins", affirme effectivement Cédric Jullien. Il apprécie l'économie pour son portefeuille, d'autant plus que les cours des céréales sont plus que jamais déprimés par la concurrence effrénée des producteurs russes.
Outre une meilleure connaissance de ses parcelles, l'agriculture connectée lui permet aussi de contrôler au plus près sa consommation de pesticides.
- Agriculture haute couture -
Chez Cédric Jullien, une balise vert pomme a succédé aux traditionnels cahiers de culture, dans lesquels les cultivateurs devaient patiemment noter les produits phytosanitaires utilisés dans chaque parcelle. Elle lui permet de scanner le code-barre du bidon de produit qu'il épand dans son champ et de stocker les données dans son ordinateur.
"La balise permet de savoir la quantité de produit utilisé sur chaque parcelle, ce qu'on a apporté à quel endroit et à quel moment", explique Emeric Oudin. Il rappelle que la traçabilité des produits qu'on utilise pour traiter le blé est une exigence des grands groupes agroalimentaires, qui souhaitent pouvoir remonter au producteur responsable en cas de problème sanitaire.
"Quand on interdit le glyphosate, on génère du dumping économique. L'agriculture française a tout intérêt à se positionner comme une agriculture haute couture. Je suis convaincu que du blé tracé sera vendu plus cher", estime M. Oudin.
"Moi, ça me va très bien, parce que les solutions qu'on propose accompagneront très bien ces évolutions... A condition que les agriculteurs aient les moyens de se les offrir", explique-t-il avec un sourire en coin.
"Ce sont des investissements supplémentaires qui ont un coût", confirme Cédric Jullien. Il faut compter en effet environ 5.000 euros rien que pour un drone. Un problème dans une agriculture en crise.
"En payant un service 10 euros à l'hectare, on économise jusqu'à 100 euros à l'hectare", relativise M. Oudin, ajoutant que "l'agriculteur gagne du temps et gagne en confort".
Une aubaine pour Cédric Jullien. Même s'il est "connecté", il couve du regard le châssis nu du vieux tracteur d'un de ses aïeuls, abrité dans son hangar et qu'il retape avec son frère lorsque son exploitation lui en laisse le temps.
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