Débat houleux à l'Assemblée sur l'expulsion des étrangers fichés pour radicalisation
Des amendements de la droite et du Front national pour expulser les étrangers fichés pour radicalisation ont envenimé les débats jeudi à l'Assemblée lors de l'examen du projet de loi antiterroriste, la majorité et La France insoumise y voyant "une sortie de l'Etat de droit".
Le ton a monté quand la ministre Jacqueline Gourault, en réponse à une question du LR Eric Ciotti, a indiqué que "15%" des 16 à 18.000 personnes inscrites sur le fichier de traitement des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) sont de nationalité étrangère.
"Pourquoi ces personnes restent-elles sur le territoire français ?", a lancé Valérie Boyer (LR). "Leur expulsion est une évidence", pour l'UDI Mayer Habib, "une question de bon sens dans le contexte actuel" pour Eric Ciotti. Pour le FN Sébastien Chenu, il faut expulser ces étrangers "au nom du principe de précaution".
Mme Gourault, qui supplée le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, a appelé la droite et le FN "à ne pas tout mélanger", ce fichier "de renseignement" extrêmement large "étant constitué à partir d'un numéro vert" à l'attention des proches de personnes radicalisées, ainsi que par les signalements des services de l'Etat (police, éducation nationale, hôpitaux…).
"Vous proposez d'expulser quelqu'un sans jugement, c'est une logique folle, une victoire idéologique de Daech, on sort de l'Etat de droit", s'est indigné Eric Coquerel (LFI).
Même argumentation de Manuel Valls (apparenté LREM). "Dans les fichiers, ce sont des informations, pas des jugements, alors oui ce serait la République des suspects" si une telle disposition était votée, a estimé l'ancien Premier ministre et ministre de l'Intérieur socialiste. "On ne peut pas être dans l'approximation dans la lutte contre le terrorisme. Cela mettrait en cause l'efficacité du travail des services de renseignement", a-t-il ajouté.
"Un jour, on entre dans un fichier, un autre jour on en sort", a fait remarquer Eric Bothorel (LREM).
Le FN Bruno Bilde s'en est alors pris aux "islamo-gauchistes de la France si soumise", se faisant traiter de "pagano-fasciste" en retour par Alexis Corbière (LFI). Sébastien Chenu a qualifié de "Bisounours" le MoDem Erwann Balanant.
La communauté de pensées entre les Insoumis et Manuel Valls a été de courte durée. Alexis Corbière a reproché à l'ex-Premier ministre de "parler comme le FN quand il s'agit de taper sur La France insoumise dans les médias". Manuel Valls a alors dénoncé des "liens" selon lui entre LFI et "ceux qui représentent un danger dans les quartiers".
Les députés ont par ailleurs rejeté un amendements de Marine Brenier (Constructifs) sur l'information des maires de la présence de fichés S sur leur commune.
"Ce renseignement, qu'est-ce qu'un maire en fera ? Il va le porter lourdement tout seul", a jugé Joaquim Pueyo (Nouvelle Gauche), disant s'être posé la question lorsqu'il était maire d'Alençon (Orne).
Ils ont également rejeté des amendements de droite pour interdire le retour en France de Français partis combattre en Syrie, jugés par le rapporteur Raphaël Gauvain (LREM) contraires à la Convention européenne des droits de l'Homme. Guillaume Larrivé (LR) a jugé qu'il serait temps "d'actualiser" cette Convention.
Marine Le Pen a également suggéré, en vain, d'autoriser les anciens policiers et gendarmes à porter une arme.
En réponse au FN, Mme Gourault a par ailleurs assuré que "plus aucune personne" fichée n'avait un permis de port d'arme. En juin, l'attentat raté sur les Champs-Elysées avait nourri une polémique sur les conditions de détention d'armes par l'assaillant, fiché S.
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