En matière d'immigration, la France est "un pays accueillant", estime Didier Leschi
La France est "un pays accueillant" pour l'immigration, un thème qu'il faut aborder sans "angélisme ni cynisme", estime Didier Leschi, patron de l’organe chargé d'orchestrer l'accueil et l'intégration, dans un livre en forme de réponse aux camps des pro et des anti-migrants.
"Les débats autour de l'immigration sont piégés par des postures d'un côté comme de l'autre, qui empêchent de voir les faits et de raisonner", explique dans un entretien avec l'AFP le directeur général de l'Office français de l'immigration de l'intégration (OFII), qui publie jeudi "Ce grand dérangement, l'immigration en face" (Gallimard, 64 p.).
"Forteresse" pour les uns, "passoire" pour les autres: aux fantasmes et approximations, l'ancien préfet oppose une "mise au point" factuelle, chiffrée, historique, qui balaye autant l'héritage colonial français que les difficultés d'intégration.
"Il ne faut ni faire preuve d'angélisme, ni de cynisme. Il ne s'agit pas de dire qu'on est pour ou contre. L'immigration est un fait. La question est de savoir comment on la prend en charge", souligne Didier Leschi dans son bureau de l'OFII.
A ceux qui pensent que l'Etat "en fait trop" en faveur des migrants, le haut-fonctionnaire rappelle les logiques démographiques et le "poids de l'histoire". "C'est le retour vers nous des descendants (...) de l'Empire colonial français", écrit-il.
"Il y a des personnes qui ont un droit au séjour qui est acquis. Par exemple, l'immigration familiale, c'est un des premiers postes d'immigration. Et puis on a des liens historiques avec certains pays, qui ont généré au fil du temps une immigration. C'est quelque chose qu'on ne peut pas arrêter et qu'il serait inhumain de vouloir absolument arrêter. Il faut l'assumer", juge-t-il.
- "Islam intégriste" -
A l'inverse, la France manquerait d'humanité ? Le patron de l'OFII oppose les 274.000 nouveaux titres de séjour accordés l'an dernier, le statut de réfugié "plus facilement" obtenu en France que chez les voisins européens, la couverture maladie offerte même aux personnes en situation irrégulière (l'Aide médicale d’État), le doublement des places d'hébergement consacrées aux demandeurs d’asile en cinq ans...
"Notre pays a mis en place des dispositifs qui n'ont rien à envier à ceux qu'on rencontre dans d'autres pays d'Europe, tout au contraire. Nous sommes un pays accueillant, il faut le dire !"
"Il y a toujours cette critique de dire que la France ou l'Europe seraient une forteresse. D'abord l'Europe fait partie des zones du monde où il y a le plus d'immigrants qui arrivent. Au début des années 2000, la France était le premier pays pour l'accueil des demandeurs d'asile, à peu près 20% de ceux qui entraient en Europe. Aujourd'hui, nous sommes, avec l'Allemagne, le premier pays destinataire des demandeurs d'asile (150.000 en 2019). Donc quand on regarde les chiffres, on ne peut pas dire que la France est fermée", expose Didier Leschi.
Restent les nouveaux défis qui émergent, à commencer par le parcours d’intégration, "devenu plus long et plus difficile sous la pression de l'islam intégriste".
- "Minorité qui pèse" -
"Les cadres qui permettaient cette intégration se sont en partie effondrés. C'était le christianisme social, c'était le mouvement ouvrier (...), c'était l'obligation absolue d'apprendre le français", autant de repères que contribuent à faire disparaître les nouvelles technologies, qui permettent de "baigner complètement" dans la culture d'origine, analyse celui qui est également président de l'Institut européen en sciences des religions de l'Ecole pratique des hautes études.
Les écarts, en termes d'égalité ou de diversité, "se sont durcis entre les sociétés d'accueil et de départ". "Cela pose des difficultés nouvelles. C'est pour ça qu'on parle aujourd'hui du séparatisme et qu'on a, parmi les dernières vagues d'arrivants, malheureusement, des personnes qui ne comprennent pas exactement ce que nous sommes et commettent des actes terribles", poursuit Didier Leschi, en référence à la récente série d'attaques perpétrées par des ressortissants étrangers.
"Il ne faut pas considérer que tous les migrants sont marqués par des identités religieuses qui excluent les autres. Mais on a dans ces immigrations une quantité non négligeable de personnes qui considèrent cela et leur comportement est problématique pour la société et pour les autres immigrants."
Car, dit-il, "il s'agit d'une minorité qui pèse sur le regard que tout le monde porte sur l'ensemble de l'immigration".
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