Europe : l'Allemagne freine les grands desseins de Macron

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Par Yacine LE FORESTIER - Berlin (AFP)
Publié le 18 avril 2018 - 09:24
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Le président Emmanuel Macron prononce un discours devant les membres du Parlement européen, le 17 avril 2018 à Strasbourg
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© Frederick FLORIN / AFP
Le président Emmanuel Macron prononce un discours devant les membres du Parlement européen, le 17 avril 2018 à Strasbourg
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Emmanuel Macron voit ses vastes projets de refondation de l'Europe de plus en plus remis en cause par des blocages avec l'Allemagne d'Angela Merkel, qu'il s'agisse de la défense commune ou de la zone euro.

Près d'un an après son élection comme chef de l'Etat français sur un crédo très pro-européen, suivie de proclamations de part et d'autre du Rhin sur un sursaut nécessaire de l'UE post-Brexit, le temps de la gueule de bois est venu.

"Cela s'annonce très laborieux et devrait à mon sens au mieux n’accoucher que de réformettes", dit à l'AFP Stefani Weiss, analyste à la Fondation allemande Bertelsmann. Le magazine Der Spiegel va plus loin: "L'initiative européenne du président français est morte et enterrée au bout de seulement sept mois".

La venue jeudi à Berlin d'Emmanuel Macron, dans le sillage de son discours au Parlement européen, sera l'occasion de constater la profondeur du fossé. Et cela concerne d'abord le chantier du renforcement de l'Europe de la Défense.

- Révélateur syrien -

Plus que des grands discours, les frappes en Syrie ont servi de révélateur.

Au sein de l'UE, seule la France et le Royaume-Uni - pays qui se prépare à quitter le bloc - se sont associés aux Etats-Unis pour les bombardements. L'Allemagne a d'emblée refusé toute participation, tout en soutenant l'action.

Cette position d'Angela Merkel, si elle s'explique par de strictes contraintes parlementaires allemandes et le pacifisme profondément ancré de l'opinion, n'en fait pas moins débat. Comme en 2011, lorsque l'Allemagne s'était abstenue lors d'un vote au conseil de sécurité de l'ONU autorisant l'usage de la force pour protéger les populations civiles en Libye.

"Quand des hommes sont massacrés, il faut aussi à un moment passer à l'offensive", a critiqué un ancien ministre de la Défense de la chancelière, Karl-Theodor zu Guttenberg.

Il a dénoncé dans le quotidien Bild les "mots creux" d'un gouvernement qui répète vouloir assumer davantage de responsabilités internationales mais "laisse aux autres le sale boulot".

Pour le quotidien Die Welt, "Macron se tourne vers Trump dans le conflit en Syrie, pas vers Merkel", qui avait pourtant clamé il y a peu la nécessité pour l'Europe de compter sur elle-même face à l'isolationnisme américain.

Problème: dans son pays la question du recours à la force militaire reste un sujet tabou, malgré des missions communes avec la France sur des théâtres dangereux comme au Mali.

Sans compter que même si l'Allemagne le voulait, le mauvais état de ses équipements militaires en raison de sous-investissements limite de toute façon ses moyens d'actions. Ce dont Paris se plaint en privé.

- Blocages sur l'euro -

"L'Allemagne est coincée entre une absence de volonté et de capacité à agir" et avec la Syrie "a montré qu'elle ne peut prétendre au statut de puissance dominante en Europe", estime Thomas Jäger, professeur de relations internationales à Cologne.

L'autre grand chantier d'Emmanuel Macron, la réforme de la zone euro, avec la création d'un budget autonome pour aider l'investissement ou un ministre des Finances n'est guère mieux en point.

Le nouveau gouvernement allemand, politiquement très fragile et du coup peu enclin à brusquer son opinion, affiche un scepticisme croissant. Il campe sur son aversion traditionnelle à l'idée de devoir payer pour les autres.

La famille conservatrice d'Angela Merkel a dit cette semaine tout le mal qu'elle pensait des projets du président français et posé de strictes conditions à celui visant à créer un Fonds monétaire européen.

"Je ne vois pas pourquoi je ferais du bonheur de Macron le coeur de mon programme politique", a ironisé mardi un des cadres du groupe parlementaire conservateur, Alexander Dobrindt.

"Est-ce qu'on saute de joie comme des cabris à Berlin en disant +Un budget de la zone euro !+ ? Sans doute pas", reconnait un haut responsable français sous couvert d'anonymat.

"Mais ce n'est pas à cause d'un plaisir malsain bien français de créer de la dépense publique, c'est parce qu'on en a besoin, et la notion d'insuffisance d'investissements dans la zone euro elle est partagée partout, y compris en Allemagne", ajoute-t-il.

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