Fait religieux et laïcité : des formateurs bien rodés pour aider les agents publics
Vendredi Saint. Dysfonctionnement en cuisine à Bercy: la cantine ne peut servir que du porc, privant chrétiens, musulmans et juifs de déjeuner... A l'appui de cet exemple et de nombreux autres, des formateurs spécialistes de la laïcité expliquent comment ils l'enseignent aux fonctionnaires, désormais obligés de se former sur le sujet.
Cet exemple est "fantaisiste" mais il permet "d'apprendre beaucoup et de procéder à une déconstruction dans les esprits en inculquant des notions de tolérance et de respect", dit Jean Rochet, formateur auprès de l'institut de formation du ministère de l'économie et des finances et de l'AP-HP, qui participait jeudi à une table-ronde sur le sujet au ministère de la fonction publique.
Pour "chasser les stéréotypes", il travaille notamment en ateliers avec des agents de 16 à 26 ans, "très représentatifs de la diversité", recrutés sur dossier grâce à un dispositif dérogatoire facilitant l'accès des jeunes à la fonction publique. Pour leur parler de laïcité, il "évite de stigmatiser" et replace le sujet, né il y a 200 ans, "dans son cadre historique".
"Les gens croient à tort que la laïcité c'est la négation de la religion; or, c'est la conciliation de trois principes: la liberté de conscience et de croyance, l'égalité de droit et la neutralitré de l'Etat", rappelle-t-il.
Questions d'ordre vestimentaire, port de signes religieux, demandes d'absences, refus de soins ou de médecin, revendications alimentaires...: les incidents qui mettent en cause la laïcité sont "exclusivement liés au fait religieux", dit M. Rochet. Mais ils "demeurent rares", ce qui "ne veut pas dire qu'ils ne sont pas graves".
Pour les fonctionnaires, la laïcité est, comme la neutralité, une obligation statutaire et ils ont désormais le devoir de s'y former. Une circulaire ministérielle publiée cette semaine, complétant la Charte sur la laïcité de 2007, le leur rappelle.
Les agents publics vont aussi recevoir un "mode d'emploi laïcité", édité dans une brochure, afin de les aider à faire face aux difficultés liées au fait religieux qu'ils rencontrent au quotidien.
Ce petit document synthétique leur rappelle entre autres que contrairement à l'agent public, qui a interdiction de promouvoir une religion sur son temps et lieu de travail au nom du principe de neutralité, l'usager peut tout à fait porter un signe religieux au sein d'un service ou d'une administration publics.
Vierge, prière et hurlements
Dans les établissements hospitaliers, soignants et infirmiers sont parmi les plus concernés par des situations litigieuses liées au fait religieux, qui vont du "refus de soins au choix du médecin en fonction du sexe, des menus casher ou halal aux pratiques religieuses en chambre double", explique Catherine Meyson-Renoux, professeur de droit et formatrice laïcité qui dispensera à partir de mai une formation aux agents de la fonction publique hospitalière.
Elle insiste sur "l'importance de revenir sans cesse au socle juridique" car, souligne-t-elle, "la laïcité est basée sur les principes d'égalité et de liberté et c'est un pilier de la cohésion sociale".
S'agissant des "cas pratiques" rencontrés dans son parcours, M. Rochet évoque ceux d'un patient musulman "s'étant servi de son drap d'hôpital comme tapis de prière" et d'un patient juif, "qui, hospitalisé mais ne pouvant actionner de boîtier électrique pendant shabbat, hurlait pour appeler les infirmières".
Formatrice à la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de Normandie, Laure Jordan-Auboiroux cite le cas d'un homme voulant faire inhumer sa mère le jour de son décès et menaçant les agents des services funéraires de faire un scandale auprès d'un élu. Son binôme, Arnaud Crochard, évoque celui d'un jeune homme refusant de monter à bord d'un vieux gréement en raison d'une statue de la Vierge à bord du voilier.
"Nous sommes tous porteurs de stéréotypes et il est important de les combattre", dit Jean-Luc Guillemoto, directeur de l'IRA de Nantes, une école de service public.
C'est souvent, dit-il, "en rappelant les définitions du sexisme, du racisme ou de la discrimination qu'on débouche, assez naturellement, sur la laïcité".
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