L'ex-cheffe du PNF et son adjoint blanchis par le CSM, revers pour Dupond-Moretti

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Anne-Sophie LASSERRE, Jeremy TORDJMAN - Paris
Publié le 19 octobre 2022 - 19:25
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
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AFP - Ludovic MARIN
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, à l'Elysée, le 19 octobre 2022
AFP - Ludovic MARIN

Nouveau revers pour le garde des Sceaux: l'ex-cheffe du parquet national financier (PNF) Eliane Houlette et son actuel numéro 2 Patrice Amar ont été blanchis mercredi de poursuites disciplinaires initiées par Eric Dupond-Moretti et qui valent à celui-ci d'être renvoyé en procès.

Dans deux avis distincts, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a estimé que ces deux hauts magistrats, auxquels l'exécutif reprochait des "manquements" liés notamment à l'affaire des "fadettes", n'avaient "commis aucune faute disciplinaire" et qu'il "n'y a pas lieu" de les sanctionner.

La décision finale appartient désormais à la Première ministre Elisabeth Borne, mais ce double avis sonne déjà comme un désaveu pour M. Dupond-Moretti, à l'origine de ces poursuites peu après son entrée au gouvernement en juillet 2020.

En prenant ces décisions, "le garde des Sceaux, ministre de la justice, s'est trouvé dans une situation objective de conflit d'intérêts", écrit le CSM dans les avis publiés mercredi.

Juste avant d'arriver Place Vendôme, Me Eric Dupond-Moretti avait dénoncé les méthodes de "barbouzes" du PNF, qui avait épluché certains de ses relevés téléphoniques ("fadettes") dans le cadre d'investigations visant à débusquer une taupe ayant pu informer Nicolas Sarkozy qu'il était sur écoute.

Ouverte sous la supervision de Mme Houlette et classée sans suite en 2019, cette enquête controversée était menée en marge de l'affaire de corruption dite "Bismuth", impliquant l'ex-chef de l'Etat, son avocat Thierry Herzog et un haut magistrat.

Tous trois ont été condamnés en première instance et seront rejugés à la fin de l'année.

Accusant M. Dupond-Moretti d'avoir usé de ses fonctions ministérielles pour régler des comptes liés à son passé d'avocat, des syndicats de magistrats et l'association Anticor avaient porté plainte contre lui fin 2020, déclenchant l'ouverture d'une enquête qui a conduit à son renvoi devant la Cour de justice de la République pour "prises illégales d'intérêts".

Le ministre a formé un pourvoi contre cette décision inédite et affirmé que sa démission n'était "pas à l'ordre du jour".

Emmanuel Macron a, de son côté, pris sa défense en estimant que les poursuites qui le visent ne concernaient "en rien évidemment, ce qu'il a fait en tant que ministre".

- Poursuites "injustifiées" -

Dénonçant une nouvelle fois les poursuites "injustifiées" initiées par le garde des Sceaux, le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) a déploré qu'"aucune conséquence ne soit tirée" des désaveux infligés au ministre.

"Il est désolant de constater que les conflits d'intérêts du garde de Sceaux (...) n'indignent pas beaucoup dans notre démocratie qui devrait pourtant s'alerter de telles pratiques", a déclaré à l'AFP sa présidente, Kim Reuflet.

Le garde de Sceaux est à l'origine de poursuites contre quatre magistrats, dont aucune n'a prospéré.

Mi-septembre, le CSM avait ainsi déjà dédouané l'ancien juge d'instruction de Monaco Edouard Levrault, qui avait mis en examen un client de Me Dupond-Moretti.

Dans un communiqué, l'Union syndicale des magistrats (majoritaire) s'est félicitée mercredi de l'avis du CSM en affirmant que le "disciplinaire ne saurait constituer une arme contre l'indépendance des magistrats".

Lors de sa comparution devant le CSM en septembre, Eliane Houlette s'était notamment vu reprocher deux situations de conflits d'intérêts pendant son mandat à la tête du PNF (2014-2019), où elle a connu des enquêtes ultrasensibles (affaire Fillon, financement libyen...).

Si le CSM reconnaît que la magistrate, retraitée depuis mi-2019, avait pu manquer de "transparence" vis-à-vis de certains de ses collègues, il considère que "ces manquements déontologiques n'atteignent pas un niveau de gravité les rendant constitutifs de fautes disciplinaires".

Les griefs retenus contre M. Amar s'étaient focalisés sur une lettre dénonçant le management de Mme Houlette.

Si ces dénonciations "contreviennent indubitablement aux obligations de délicatesse, de respect et de loyauté", elles s'inscrivent dans un "contexte professionnel délétère" entre Patrice Amar et Eliane Houlette dont les relations étaient à couteaux tirés, et ne sont pas suffisantes pour caractériser une faute, a estimé le CSM.

"Patrice Amar devrait retrouver maintenant le cours normal de sa carrière", a déclaré à l'AFP son avocat François Saint-Pierre.

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