L'adoption, une voie souvent sans issue pour les couples homosexuels
Avec le mariage, la loi Taubira promettait l'adoption pour tous. Mais depuis 2013, seule une poignée de couples homosexuels ont accueilli un enfant, confrontés parfois à des discriminations en France et au nombre réduit de pays étrangers acceptant leurs dossiers.
"Il n'existe pas de chiffres officiels, mais le nombre de couples qui ont pu adopter en France ou à l'étranger est inférieur à dix", assure Nicolas Faget, porte-parole de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL).
Thomas, 40 ans, et son mari, 43 ans, en font partie. Ce couple de Parisiens, salariés dans l'audiovisuel, élève depuis 2016 une petite fille, ancienne pupille de l’État. Thomas dit avoir eu "beaucoup de chance" d'être allé au bout de cette "super aventure".
Parmi les candidats à l'adoption, peu de femmes : elles privilégient d'autres solutions comme la coparentalité ou la procréation médicalement assistée (PMA) à l'étranger. Pour les hommes, le chemin vers l'adoption ressemble à une voie sans issue, insiste Nicolas Faget.
Il faut d'abord décrocher le sésame indispensable : l'agrément. Cette étape, qui dure en moyenne neuf mois, est le plus souvent franchie sans difficultés, après des rendez-vous avec des assistantes sociales et des psychologues. C'est ensuite que le parcours se complique.
Les couples qui choisissent d'adopter en France doivent passer devant un "conseil de famille", véritable épreuve.
L'instance, composée d'élus du conseil départemental, de membres d'associations de pupilles de l’État et de familles adoptantes ainsi que de professionnels de la protection de l'enfance, est chargée d'évaluer les candidats à l'adoption.
"Certains conseils acceptent moins que d'autres les dossiers de couples de même sexe. Il y a de grandes disparités selon les départements, ça crée des injustices", affirme Nicolas Faget.
"Le président de notre département a signé des communiqués de la Manif pour tous. Forcément, on se demande si on va être traité différemment", glisse Damien, dont le dossier est en attente depuis deux ans.
"On n'a rien contre les couples de mêmes sexe, mais tant qu'on aura des couples jeunes, stables, avec un père et une mère, on les privilégie", assume Jean-Marie Müller, qui préside le conseil de famille de Meurthe-et-Moselle.
Pour éviter ces discriminations, "il faudrait anonymiser les requérants, comme cela se fait déjà pour l'attribution de logements sociaux à Paris", suggère Alexandre Urwicz, président de l'Association des familles homoparentales (ADFH).
- "Droit inexploitable" -
Les couples qui préfèrent se tourner vers l'étranger n'ont pas l'assurance d'une voie plus dégagée.
Il leur faut d'abord composer avec un nombre restreint de pays. Actuellement, seuls le Brésil, la Colombie, l'Afrique du Sud, le Portugal, l’État de Mexico et quelques États des États-Unis acceptent l'adoption par des couples de même sexe.
A cet éventail réduit s'ajoute le contexte défavorable de l'adoption internationale. Depuis 2013, le nombre d'enfants adoptés à l'étranger a chuté de 50 %, tombant à 685 l'an passé, selon les chiffres du ministère des Affaires étrangères.
Pierre (prénom modifié), 30 ans, et son époux franco-mexicain attendent un agrément pour adopter au Mexique. "Nous avons des contacts sur place et mon mari a travaillé dans des orphelinats là-bas. Mais on nous a dit que ce serait très difficile", confie-t-il. Aucun enfant n'y a été adopté depuis 2014.
Pour faire accélérer leurs dossiers, il est conseillé aux couples homosexuels d'accepter des enfants à "particularités" (plus âgés, en fratrie, avec handicap ou maladie grave), moins demandés par les couples hétérosexuels ou les célibataires.
Pour échapper à ces difficultés, certains couples empruntent des chemins détournés.
Xavier et Julien ont adopté séparément, en célibataires. "Le droit à l'adoption pour les couples homos est inexploitable", constate Xavier, amer. Mariés depuis deux mois, ils pourront bientôt adopter leurs enfants respectifs et ainsi "former une famille tout à fait ordinaire".
D'autres hommes "se tournent vers la GPA" à l'étranger, affirme Alexandre Urwicz. "Si l'État ne joue pas le jeu, on y réfléchira", confie Richard (prénom modifié), 36 ans, dont la validité de l'agrément expire dans deux ans. Mais, pour l'instant, "on souhaite aller au bout de la démarche pour qu'on ne nous reproche pas de ne pas avoir essayé".
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.