Haute-Vienne : le cirque contemporain sur "La Route du Sirque" de Nexon
Dans un nuage de magnésie, le visage fermé, une jeune trapéziste résolue à défier le soleil brûlant du mois d’août étire ses jambes à l'infini: dix jours par an, le temps d’un festival dédié à l’excellence du cirque contemporain, se répand en Haute-Vienne la magie de "La Route du Sirque" de Nexon.
Les artistes ont planté leurs chapiteaux dans le parc du château de Nexon, à une dizaine de kilomètres aus sud de Limoges, comme l'avait fait avant eux, trente ans auparavant, Annie Fratellini en posant ses valises et sa caravane pour inaugurer cette histoire singulière avec cette petite commune de 2.500 habitants.
Car la figure tutélaire du cirque contemporain, la première à en avoir ouvert la pratique et l’enseignement aux artistes non issus de famille de circassiens en créant sa célèbre école, est intimement liée au Limousin. "Elle cherchait un endroit où délocaliser son école l’été. A la faveur d’une rencontre elle a découvert Nexon et est tombée amoureuse du lieu", conte Cynthia Miguel, salariée du festival depuis plus de dix ans.
Chaque été depuis, elle revient avec funambules et jongleurs pour proposer des stages de cirque en plein air.
Un héritage que porte le jeune directeur du festival, Martin Palisse, tout premier, et encore seul artiste, nommé à la tête d’un Pôle national des arts du cirque. Et le jongleur ne boude pas son plaisir. "Nexon dans le réseau des 12 pôles nationaux, c’est mythique. Ici, il y a une ambiance particulière et un cadre idyllique, on est porté", estime-t-il.
Nommé en 2014 à la tête de la structure, il s’est fixé des objectifs draconiens et veut faire de son expérience à Nexon un exemple. Après avoir réinjecté l'activité et les bénéfices de sa compagnie dans les circuits du festival, et fait bloquer son propre salaire, il continue de développer une politique culturelle à contrepied des poncifs du genre.
Pour cette 30e année, pas d’anniversaire, mais une édition spéciale dont la programmation a renoué avec les racines de Nexon: la transmission. Ainsi le site a accueilli ateliers d’initiations et master class pour les étudiants des écoles de cirque.
"La transmission c’était le cœur de la démarche d’Annie Fratellini, mais c’est aussi ce qui a assis les bases du cirque contemporain: un apport de sang neuf avec des artistes venant d’horizons divers et plus enclins à bousculer les codes", détaille Martin Palisse, selon lequel "cette façon de faire a réussi à notre art parfois considéré comme mineur et qui pourtant aujourd’hui irrigue toute sorte d’art dit majeur, du cinéma au théâtre".
Sur le plan artistique, celui dont l’œuvre entend réconcilier les impossibles, proposant dans sa performance "blind/action" un numéro de jonglage aveugle, désire désormais développer une politique au service d’un art qu’il veut populaire-élitiste "parce qu’il ne prend pas le public pour un idiot".
Nourri aux influences de ses amis, telle la famille Morallès qui compte parmi les artistes majeurs du cirque contemporain, ou de son mentor, Jérôme Thomas, père du jonglage contemporain en France, Martin Palisse désire réaliser à la tête de Nexon la synthèse des arts du cirque. Il a ainsi réuni cette année trois générations d’artistes et quelques pépites issues de la nouvelle scène circassienne pour cinquante représentations qui ont rassemblé 14 compagnies à Nexon.
Tout comme les spectacles qui se conçoivent à 360 degrés sur "le cercle, cette piste où l’on peut être vu sous chaque angle", le directeur a conçu une proposition faisant le tour des arts du cirque avec la famille Morallès, cirque familial créé par le grand-père, un sportif émérite qui "souhaitait vivre une aventure en famille, une aventure qui dure maintenant depuis 1975!", raconte Bernard Morallès. Et, à l'autre bout du cercle, Johann Le Guillerm et son "Cirque Ici" où il développe une œuvre ultra-contemporaine, déroutante, dans laquelle il livre au public son travail sur les variations du monde.
Dimanche 21, le festival tirera le rideau mais l’effervescence au chapiteau permanent se poursuivra. Loin des regards, Nexon continuera d’accueillir des créations et des résidences d’artistes, dans ce lieu magique qui depuis 30 ans inspire le cirque.
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