Opération graffiti à Toulouse pour "laisser pousser" les plantes sauvages
Nommer les plantes pour récréer, même en ville, lien et respect entre l'humain et le végétal: c'est la démarche qui a poussé Boris Presseq, botaniste au muséum d'histoire naturelle de Toulouse, à s'improviser cet été marqueur de trottoirs.
"Laitue sauvage", "Figuier" "Eleusine d'Inde": ces inscriptions à la craie au côté de pousses émergeant des interstices du bitume ont fait leur apparition dans le quartier du Busca, en bordure du centre historique.
D'autres ont surgi dans le quartier Saint-Pierre. D'abord anonymes, leurs auteurs, M. Presseq et un collègue Pierre-Olivier Cochard, ont fini par tomber le masque, buzz sur les réseaux sociaux oblige.
L'idée est née un peu par hasard -- "on a trouvé ça marrant" sourit M. Presseq -- au détour d'une étude de la biodiversité sauvage menée quartier par quartier.
Elle faisait suite à un premier recensement entre 2004 et 2014 des plantes sauvages poussant à Toulouse, quelque 800 espèces répertoriées, dont 20% d'origine exotique, échappées des jardins ou parcs botaniques.
Les étiqueteurs se sont aussi inspirés de l'exemple d'une précédente graffeuse nantaise Frédérique Soulard.
Pour mieux faire réagir, le duo a choisi de jouer sur les mots. Exit les appellations latines au profit des dénominations communes, de préférence poétiques ou évocatrices: ruines de Rome, renouée des oiseaux, ou pariétaire de Judée.
- "Laisser pousser" -
"L'idée de nommer c'est très scientifique, en sciences, il faut toujours mettre des noms", explique M. Pesseq.
L'opération, espère-t-il, doit inciter les gens à "laisser pousser ces plantes plutôt que de se dire qu'il faut s'en débarrasser".
"C'est le bon moment" pour une telle initiative, car avec l'interdiction entrée en vigueur des désherbages au pesticide dans les municipalités, la flore sauvage peut espérer échapper à l'éradication, relève-t-il.
"C'est quand même une super chance d'avoir sur nos trottoirs des espèces qui poussent toutes seules, sans entretien, le minimum serait d'y faire attention".
Surtout avec des villes en pleine surchauffe: "on peut faire toutes les canopées qu'on veut, si on perd le végétal au sol cela ne sert à rien, ce sont les surfaces enherbées qui luttent contre le réchauffement".
Et de citer le pourpier maraîcher, "une plante qui fait un couvre-sol génial sans aucun arrosage", ou la renouée des oiseaux "qui s'adapte au piétinement".
M. Pesseq livre aussi sa surprise d'avoir découvert autant d'arbres en devenir, resemés naturellement grâce notamment au travail de dispersion des oiseaux urbains.
"Si on laissait Toulouse évoluer sans les humains, la ville serait recouverte de figuiers", s'enthousiasme-t-il. En attendant, "on pourrait déjà se nourrir de pêches et d'amandes en sillonnant les périphériques à la fin de l'été".
Ce qui irait dans le sens de l'histoire pour ce botaniste de 45 ans, qui voit "arriver une humanité où les végétaux d'ornement seront remplacés par des végétaux utiles".
- Passion carnivore -
Les coups de craie, "un matériau choisi parce que totalement biodégradable", ne sont qu'une des manifestations de sa passion pour le végétal.
Le coup de foudre date de juste après son bac, quand il voit pour la première fois des plantes carnivores dans une exposition. Il renonce dans la foulée à des études d'ingénieur mécanique, au profit de la botanique puis de l'agronomie tropicale, qu'il pratique en Thaïlande puis au Congo Brazzaville pour le compte de la FAO.
"Pas trop média", l'écho rencontré par l'opération lui a plutôt donné envie, comme à son complice, de passer à autre chose.
"D'un autre côté le meilleur moyen de communiquer autour de la nature c'est peut-être celui-là, de trouver des moyens de com originaux qui perturbent un peu les gens dans leur quotidien et restent accessibles, gratuits".
Pour l'heure, il réfléchit à une "expérience" à mener avec les services municipaux: "chercher des espèces qui ne gênent personne et n'entravent pas la circulation, les laisser pousser, et voir ce que ça donne".
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