Alcool : l'Union européenne en quête d'une nouvelle stratégie sur l'étiquetage des boissons

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JmC
Publié le 18 mai 2015 - 15:03
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Alcool Bouteilles Magasin Illustration
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©David Huang/Flickr
La Commission européenne veut davantage de renseignements sur les étiquettes des bouteilles d'alcool.
©David Huang/Flickr
Pour lutter contre les dommages liés à une consommation excessive d'alcool, l'Union européenne s'est dotée d'une stratégie qui doit à présent être révisée. Sur la table, entre autres, la question de l'étiquetage des boissons alcoolisées.

Les Européens détiennent le record mondial de consommation d'alcool, avec en moyenne 12,5 litres d’alcool pur par personne (de plus de 15 ans) et par an, d’après un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié en 2012.

Au sein de l'Union européenne, les habitudes varient en fonction des traditions et de la culture. A l'Ouest, on est plus porté sur la bière à l'exception de la France, qui comme ses voisins du Sud, préfère le vin, alors qu'à l'Est et dans le Nord on consomme davantage d'alcool fort.

Même constat au niveau des habitudes de consommation: plus régulière à l'Ouest et au Sud avec des quantités moins importantes, alors qu'à l'Est et au Nord la consommation s'avère plus irrégulière, mais aussi plus intense.

Si  un quart des Européens affirment ne pas avoir bu d'alcool durant les 12 derniers mois (Eurobaromètre, 2010), la majorité en consomment régulièrement, et parfois excessivement. Or, une telle attitude s'avère dangereuse et constitue un problème de santé publique entraînant des dommages sociaux et économiques. Les institutions européennes estiment à 155,8 milliards d'euros les coûts sociaux directs et indirects imputables à l'abus d'alcool en Europe en 2010.

En outre, la conduite en état d’ivresse est responsable d’un accident de la route sur quatre, et l’alcoolisme est un facteur de risque dans plus de 60 maladies chroniques (cancer, diabète, maladies cardiovasculaires, obésité, etc.).

Pour répondre à cet enjeu de santé publique, la Commission européenne a mis en place, entre 2006 et 2012, une stratégie en matière d’alcool. Les politiques de santé sont de la responsabilité des Etats membres. L’Union européenne aide les pouvoirs publics et d’autres acteurs à se coordonner et échanger des bonnes pratiques afin de diminuer les dommages liés à une consommation nocive d’alcool.

Par exemple, tous les pays européens disposent à présent d’un taux limite d’alcool dans le sang pour les conducteurs. Il varie de 0,2 gramme par litre de sang pour la Suède et la Pologne, à 0,8 pour le Royaume-Uni.

Bien que son évaluation par une agence externe fût positive, cette stratégie n'a pas été renouvelée en 2012. Les Etats membres et le Parlement européen ont récemment appelé la Commission à en proposer une nouvelle.

De nombreux sujets doivent être traités, notamment la question de l’inclusion ou non des boissons alcoolisées dans le règlement sur l’étiquetage des produits alimentaires. Adopté en 2011, ce règlement rend obligatoire d'ici 2016 l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, à savoir l'obligation de fournir la liste des ingrédients et la valeur nutritive du produit. Les boissons alcoolisées ont été exemptées le temps que la Commission apporte une définition des "premix" ou "alcopops" (mélange alcool/jus ou soda). Elle devait rendre sa copie en décembre 2014, et se prononcer sur l'intégration ou non de l'obligation d'étiquetage pour les boissons alcoolisées. Mais on attend toujours… et le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) s’agace. Il enjoint à la Commission de rendre son rapport, et juge inacceptable que les consommateurs européens disposent d’informations nutritionnelles sur les bouteilles de lait ou de jus, mais pas sur une bouteille de whisky ou de bière.

Selon l'organisme, les boissons alcoolisées devraient être soumises à la même législation que les produits alimentaires, dans la mesure où ces informations nutritionnelles aident le consommateur à faire des choix informés et facilitent la comparaison des produits. Le BEUC insiste: une grande consommation d'alcool peut entraîner des problèmes de poids et d’obésité, sachant qu'une pinte de bière contient 220 calories, soit l’équivalent d’une barre de chocolat.

The Brewers of Europe, lobby des brasseurs européens à Bruxelles, s'est engagé fin mars 2015 à afficher la liste des ingrédients et nutriments pour la bière pour une quantité de 100 ml, comme pour les autres boissons. Cela permettra aux industriels de la bière d’afficher environ 45 calories pour 100 ml, bien en dessous du vin (74 Kcal) ou des spiritueux (environ 220 Kcal).

Le secrétaire général de Brewers of Europe, Pierre-Olivier Bergeron, se félicite de cette décision de se soumettre volontairement à cette réglementation: "C’est une tempête dans un verre d’eau, ou plutôt devrais-je dire dans un verre à shot".

Effectivement, les producteurs d’alcool spiritueux sont, de leur côté, nettement moins enthousiastes à l’idée de devoir donner des informations nutritionnelles pour 100ml, puisque cette quantité est trois fois supérieure à la quantité servie pour ces alcools. La fédération de producteurs de spiritueux, Spirits Europe, estime que cela trompe le consommateur et va à l’encontre des messages de consommation responsable.

Quant aux producteurs de vins, ils se plaignent que cette règlementation n’est pas adaptée à un produit dont la composition varie chaque année, entraînant ainsi un surcoût lié à l’étiquetage.

Si les fédérations d’industriels d’alcool se disent favorables à des campagnes de sensibilisation pour une consommation responsable d’alcool, elles s’opposent à des politiques trop contraignantes, comme une taxation supplémentaire ou un prix minimum pour l’alcool. La voix des industriels pèse: ils revendiquent au total plus de 3 millions d’emplois directs et indirects liés à la production et à la distribution d’alcool dans l’Union européenne. La Commission européenne prendra-t-elle en considération leur avis au moment de définir sa nouvelle stratégie?

(Avec la contribution de la Maison de l’Europe de Paris)

 

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