Les bacheliers professionnels oubliés de l'enseignement supérieur
Bac pro en poche, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir suivre des études supérieures mais les cursus qui leur sont adaptés sont encore trop rares: parmi les 6.000 bacheliers sans affectation fin août, une très large majorité étaient détenteurs d'un bac professionnel.
La plateforme d'admission post-bac (APB), où s'inscrivent les élèves de Terminale de janvier à mars, a fait les gros titres de la presse cet été: à la fin de la procédure principale fin juillet, 65.000 jeunes n'avaient reçu aucune réponse positive à leurs voeux d'orientation, un chiffre descendu à un peu plus de 6.000 un mois plus tard.
Sur ce nombre, les trois quarts sont des bacheliers technologiques et surtout professionnels, selon le ministère de l'Enseignement supérieur. Dans l'académie de Paris, sur les 547 bacheliers encore sans réponse fin août, 447 étaient issus de filière pro.
"Ce sont les laissés-pour-compte de l'enseignement supérieur", estime Lilà Le Bas, présidente de l'Unef, syndicat étudiant. "Quand ils veulent continuer en BTS, il n'y a pas assez de places pour eux. A l'université, ils échouent car la fac ne se donne pas les moyens pour les faire réussir", regrette-t-elle.
La réforme du bac pro en 2009, pour faire passer les années de préparation de quatre à trois ans, "a créé une égalité symbolique avec les autres bacs", relève Vincent Troger, maître de conférence à l'université de Nantes et spécialiste du sujet.
Ce bac, créé en 1985, permet théoriquement l'insertion directe dans le monde du travail. Mais beaucoup veulent continuer en raison d'un marché de l'emploi difficile et des niveaux de formation accrus demandés dans certains secteurs.
"Beaucoup rentrent en seconde pro avec le projet de continuer après le bac, en BTS dans leur immense majorité", ajoute M. Troger.
A l'image de Nathan et Christophe, 15 ans, élèves du lycée hôtelier parisien Guillaume-Tirel, où s'est rendu jeudi le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer. Les deux jeunes, en seconde pro hôtellerie-restauration, souhaitent poursuivre en BTS dans cet établissement très prisé "mais ça dépendra de nos notes".
- Augmenter les places en BTS -
Cette année, près de la moitié des candidats au bac pro avaient confirmé au moins un voeu sur APB en mars, signe de leur désir de continuer des études. Ils n'étaient que 17% en 2000.
L'immense majorité postulent à un BTS, une formation sélective en deux ans après le bac, plus adaptée au profil des bacheliers pro. Mais les places sont souvent attribuées en majorité aux bacheliers des filières générales ou technologiques.
"Les formations tertiaires (vente, commerce, gestion, comptabilité...) ont une minorité de bacs pro. Les BTS axés sur des formations industrielles accueillent, elles, jusqu'à 80% d'élèves issus de bacs pro, avec un bon taux de réussite", nuance Vincent Troger.
Les bacheliers pro ne vont à l'université que par défaut (lorsqu'ils n'ont pas été pris en BTS) et ils sont peu nombreux, rappelle l'universitaire. "Les élèves pro sont lucides, ils savent qu'ils ont très peu de chance de réussir en licence générale".
La fac accepte --pour le moment-- tous les bacheliers, général, techno ou pro, mais le taux de réussite des filières professionnelles y est inférieur à 6%.
"Il faut augmenter les quotas de places en BTS réservées aux pro", estime Jimmy Losfeld, président de la Fage, syndicat étudiant, qui rappelle que la grande majorité des bacheliers pro sont issus des classes sociales les moins favorisées.
Un point discuté lors des négociations lancées cet été par la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal, pour redéfinir les modalités d'entrée dans les universités, dépassées par l'afflux d'étudiants et confrontées à un taux d'échec trop élevé en licence.
La Conférence des présidents d'université souhaite la mise en place de pré-requis coercitifs, qui interdiraient l'accès des licences générales aux bacheliers pro, à quelques exceptions près (avec une sélection sur dossier).
D'autres évoquent une année zéro avant l'entrée en licence, un diplôme sur un an, ou des licences professionnelles sur trois ans, adaptées au profil de ces élèves.
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