Mariages en Arabie saoudite : c'est bien aussi quand c'est petit
C'est un mariage saoudien comme les autres, avec l'épée décorée du mari, la robe richement brodée de la mariée et les danses traditionnelles. Mais il y a une différence de taille: cette fois, la liste des invités est très limitée.
Dans le riche royaume d'Arabie saoudite, le mariage est une affaire de prestige. Il se doit d'être somptueux, avec une longue liste d'invités, même si cela grève le budget du mari.
Cependant, de plus en plus de Saoudiens, comme Basil Albani, rompent avec la tradition et organisent de petites fêtes à la maison au lieu de louer des salles onéreuses.
Moins d'une vingtaine de parents et d'amis étaient conviés aux noces de ce cadre d'une compagnie d'assurances de 26 ans. Au menu, l'incontournable kabsa, un plat à base de riz et de viande, offert dans la vieille maison familiale de Djeddah, ville de la côte ouest, sur la mer Rouge.
"Les gens deviennent fous quand il s'agit de se marier. Ils invitent des centaines d'invités et dépensent des millions (de riyals). Ils veulent les meilleurs chanteurs, les meilleurs musiciens et les meilleurs habits", affirme le frère du marié, Maan Albani, 21 ans, vêtu d'une robe parée d'or.
Le tout assorti de montagnes de nourriture - signe de générosité et gage de statut social - qui finissent pourtant souvent à la poubelle.
"Nous voulions quelque chose de différent avec une petite fête à la maison, ce qui peut aussi être amusant", confie Maan Albani.
Organisés depuis des années, les mariages à domicile gagnent en popularité dans un royaume qui traverse une période d'austérité et souffre de la baisse des prix du pétrole - et où la jeunesse bataille contre les excès.
Avec la réduction des subventions, la nouvelle taxe sur la valeur ajoutée et la montée du chômage des jeunes, les ménages saoudiens voient leur niveau de vie baisser, ont relevé des analystes.
Cela se répercute sur le marché du mariage local, le plus important des pays arabes avec des dépenses annuelles de plus de 2 milliards de riyals (533 millions de dollars, 466 millions d'euros), selon des chiffres publiés début 2018 par le salon international saoudien du mariage.
- Mariage à crédit -
Les statistiques sur les mariages à budget réduit sont rares, mais deux organisateurs possédant une importante clientèle ont indiqué à l'AFP que les dépenses moyennes pour les mariages avaient diminué de 25% au cours de la dernière année.
Un détaillant de cartons d'invitation de Ryad a estimé que son chiffre d'affaires avait baissé de 70% en un an. Beaucoup de clients souhaitent, selon lui, des modèles à prix réduits.
"Le mariage ne doit pas commencer par un prêt bancaire", clame Murtada al-Abawi, un conducteur d'Uber de 29 ans qui a lancé un groupe d'entraide pour un "mariage abordable" dans sa ville d'Al Ahsa (est).
L'idée de ce groupe est venue de son propre mariage en 2016. Refusant de dépenser 80.000 riyals (21.300 dollars, 18.600 euros) pour louer une salle, régler la dot et d'autres dépenses, M. Abawi a déclenché une tempête familiale.
Il a eu une altercation physique avec son frère aîné qui a qualifié de honteuse l'idée d'un mariage à budget réduit. "Les gens vont nous traiter de pauvres !"
Ses parents et ceux de la future mariée étaient tout aussi furieux mais ont finalement cédé quand M. Abawi a menacé de rester célibataire et de s'établir à Bahreïn, un petit royaume voisin plus libéral.
- Retarder le mariage -
M. Abawi s'est marié en établissant ses propres conditions: pas de dot, pas d'or, pas de fête d'après-mariage.
Il a certes invité tous ses amis et parents pour ne frustrer personne, mais a organisé la fête en milieu de semaine, forçant les familles avec des enfants scolarisés à ne pas rester longtemps.
Le mariage n'a coûté, en fin de compte, que 9.000 riyals (2.400 dollars, 2.100 euros).
Beaucoup de Saoudiens font néanmoins encore des folies, s'offrant des robes onéreuses et ramenant des danseuses du ventre d'Egypte.
D'autres vont se marier à l'étranger pour éviter de s'aventurer sur le champ de mines culturel que constitue un mariage à budget réduit.
Dans une chronique publiée en 2017 et intitulée "Mariages coûteux, un gaspillage d'argent", l'écrivain Abdel Ghani al-Gach a reproché aux religieux de ne pas avoir réussi à éduquer les Saoudiens sur la question du mariage, qui ne devrait pas être, selon lui, une occasion de montrer son opulence.
Les banquets - où hommes et femmes sont séparés - donnent lieu au gaspillage d'énormes quantités de nourriture.
Dans un contexte de hausse des prix et du chômage, la pression pour ménager les apparences incite, selon le quotidien Saudi Gazette, de nombreux jeunes à retarder leur mariage jusqu'à 40 ans.
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