Succession et héritage : quelles dispositions pour les animaux domestiques en cas de décès ?

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Lalia Andasmas, édité par la rédaction
Publié le 21 février 2018 - 13:30
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Chat Roux
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©Mathias Erhart/Flickr
Si les animaux ne peuvent donc pas devenir les bénéficiaires directs d'une succession, des dispositions peuvent être prises pour assurer leur bien-être.
©Mathias Erhart/Flickr
C'est une source de questionnement pour de nombreuses personnes: en cas de décès, que devient l'animal de compagnie du défunt? Qui va subvenir à ses besoins? Pour "France-Soir", Lalia Andasmas, juriste spécialisée dans le droit animalier, revient sur la législation en vigueur.

Dans les difficultés de la fin de vie, qui ne s'est jamais demandé ce qui allait advenir de son animal après le grand saut? Evidemment tout le monde ne pense pas à l'emmener avec soi outre-tombe. Le premier réflexe est de vouloir alors assurer l'avenir financier de son animal. Or un animal ne peut pas disposer ou recevoir par donation entre vifs ou par testament. En effet, les animaux ne peuvent pas figurer au nombre des successibles puisqu'ils ne disposent pas de la capacité juridique pour recevoir[1]. Pour le moment, le fait que les animaux sont "des êtres vivants doués de sensibilité" ne change rien puisque "sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels" [2]. Pour autant certains auteurs ne désespèrent pas de voir le droit évoluer en la matière[3]. Néanmoins il est possible de gratifier, de façon indirecte, son animal ou ceux des associations de protection des animaux; sans pour autant que ce geste de générosité soit le signe d'une quelconque démence[4].

Les animaux ne peuvent donc pas devenir les bénéficiaires directs d'une libéralité[5] néanmoins les libéralités avec charge[6] sont légales. Mais encore faut-il que cette charge n'ait pas de caractère impossible, illicite et immoral au risque d'être réputée non écrite[7]. Ainsi les animaux peuvent être considérés comme les bénéficiaires d'une charge de soins. Celle-ci est alors imposée à la personne gratifiée par le disposant. Certes, l'animal ne va pas bénéficier directement de la libéralité, seule une personne de confiance le sera. Cette personne remplacera celle décédée et recevra les moyens financiers adéquats pour prendre soin de son animal.

Lire aussi - Divorce: que deviennent les animaux de compagnie?

Autre point important, lorsqu'il est envisagé de gratifier une association de protection des animaux, il est nécessaire d'être précis quant à son appellation afin qu'il n'y ait pas de problème d'interprétation. La jurisprudence est nombreuse. 

Par ailleurs, en cas de contestation, de façon classique, c'est au demandeur de prouver ce qu'il avance. Ainsi si un neveu conteste le testament de sa tante qui a institué la Fondation assistance aux animaux légataires universels, il devra le prouver[8].

Tout comme lors de la liquidation de la communauté au moment du divorce, les animaux sont compris dans la masse des biens à partager. Ils sont soumis aux règles gouvernant l'indivision successorale, sa liquidation et son partage. La possibilité d'une attribution préférentielle n'existe pas. Ainsi l'animal peut subir le même sort que celui de la table basse. Avant le règlement définitif, les frais d'entretien et de nourriture de l'animal du défunt sont considérés comme étant des dépenses exposées dans l'intérêt de l'indivision et doivent par conséquent être remboursés [9]. Il convient toutefois de mettre l'accent sur le fait que la jurisprudence a reconnu que la succession ne peut pas rembourser les frais de conservation de l'animal de la personne décédée en l'absence de concertation ou d'autorisation préalable [10].

Parfois la problématique du devenir de l'animal après un accident de la vie ou le passage naturel vers l'au-delà peut être un frein à l'accueil d'un compagnon à quatre pattes. Ainsi des personnes âgées esseulées, se privent d'un compagnon de route qui pourrait égayer leur vie. Il serait temps de leur ôter cette inquiétude en leur garantissant qu'une nouvelle vie serait possible pour leur animal, d'autant que tout le monde n'a pas la possibilité d'assurer l'avenir financier de ce dernier. Par conséquent la question se pose de savoir s'il ne serait pas urgent que les pouvoirs publics aident davantage les refuges voire les Etablissements d'hébergement pour personne âgées dépendantes (EHPAD) afin que le lien affectif fort qui unie la personne âgée et l'animal soit respecté de son vivant et après son décès, faisant en sorte que tant le bien-être de la personne que celui de l'animal soient pris en compte.



[2] Jean-Pierre Marguénaud, Une révolution théorique: l'extraction masquée des animaux de la catégorie des biens, la Semaine Juridique Edition Générale n° 10-11, 9 mars 2015, doctr. 305. Jean-Pierre Marguénaud, Article 515-14- Fasc. unique: Biens. Les animaux, êtres vivants doués de sensibilité, 15 Février 2016.

[3]Il en va ainsi de Jean-Pierre Marguénaud, L'animal en droit privé, Publication de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l'Université de Limoges, 1992, qui propose depuis la fin des années 1990 que soit attribuée une personnalité juridique à l'animal. D'autres auteurs attendent également du droit une meilleure prise en compte de l'animal: Lucille Boiseau-Sowniski, La désappropriation de l'animal, Publication de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l'Université de Limoges, 2013 et David Chauvet, Quelle personnalité juridique est digne des animaux ? Droits- 62,2015.

[4] Jean-Pierre Marguénaud, L'animal en droit privé, Publication de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l'Université de Limoges, 1992, p. 449 et Fabien Marchadier, Jurisprudence Chronique- Droit civil des personnes et de la famille. Point 5: Que révèle du testament ou du testateur la libéralité consentie à l'animal ? (Aix-en-Provence, ch. 1 B, 9 avril 2015, n° 14/21398 p.33 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2016/01/RSDA-1-2015.pdf)

[5] CA Lyon, 20 octobre 1958, D. 1959 p. 111 Cité par Michel Redon, Animal. Répertoire de droit civil, avril 2015, n° 31.

[6] Jean-Pierre Marguénaud, L' animal en droit privé, Publication de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l'Université de Limoges, 1992, p. 449 et 450.

[8] Cour de cassation, Chambre Civile, 14 octobre 2009, n°08-18-150. Sommaires de jurisprudence. Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2009 p. 115 http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/59_RSDA_2-2009.pdf

[9] Cour d'appel Paris, 27 mars2003. Cité par Eloi-Ménart, La place de l'animal dans la succession, AJ Famille 2012 p.80

[10] Cour d'appel Bordeaux, 6e chambre civile, 4 mars 2014, n° 12/04483. Sommaires de jurisprudence, Sous la direction d'Anne-Blandine Caire, Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2014 p. 184. http://www.unilim.fr/omij/files/2014/11/RSDA-1-2014.pdf

 

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