Meurtre de Mireille Knoll : deux mois après, le mystère demeure sur un mobile antisémite
L'antisémitisme a-t-il joué un rôle dans le meurtre de Mireille Knoll, qui a suscité l'indignation nationale ? Deux mois après ce crime au scénario confus, les nouvelles auditions des deux suspects laissent la question en suspens.
Le 23 mars, le corps de cette femme juive de 85 ans, atteinte de Parkinson, avait été retrouvé lardé de onze coups de couteaux et partiellement carbonisé, dans son appartement d'une HLM du XIe arrondissement de Paris.
Un an après le meurtre d'une autre femme juive à Paris, Sarah Halimi, l'affaire Mireille Knoll avait suscité une "marche blanche" de milliers de personnes et relancé le débat sur un "nouvel antisémitisme" lié à l'islamisation de certains quartiers.
Mme Knoll a été "assassinée parce qu'elle était juive", avait affirmé le président Emmanuel Macron le matin de la marche.
Trois cents personnalités ont ensuite signé un manifeste retentissant sur le sujet, suscitant l'émoi de responsables musulmans.
Deux suspects, qui s'étaient connus en prison et s'accusent mutuellement du crime, avaient été vite identifiés : Yacine Mihoub, le fils d'une voisine âgé de 28 ans, et Alex Carrimbacus, un marginal de 21 ans.
S'appuyant notamment sur les déclarations du plus jeune, le parquet avait décidé de retenir rapidement la qualification antisémite.
Mais le 13 avril, Alex Carrimbacus a nuancé devant les juges d'instruction les propos tenus lors de sa garde à vue, où il affirmait que son complice présumé "avait reproché aux juifs d'avoir les moyens financiers et une bonne situation" lors d'une conversation avec la victime.
"J'ai cru entendre ça, on peut croire entendre des choses qu'on n'entend pas", "j'étais sous le choc", a-t-il déclaré aux magistrates qui l'entendaient pour la première fois depuis les mises en examen des deux suspects pour "homicide volontaire" et "vol", avec la circonstance aggravante de l'antisémitisme, selon une source proche du dossier.
"Ils ont juste parlé de la guerre 39-45 avec l'extermination des juifs. Et ça n'a même pas duré cinq minutes. C'était juste une discussion", assure le jeune homme, qui s'était rendu dans l'appartement après un coup de fil où Yacine Mihoub lui proposait, dit-il, "un plan thunes".
"Je ne savais pas que Mme Knoll était juive", affirme le jeune marginal, qui maintient avoir entendu son comparse dire "Allah Akbar" en égorgeant l'octogénaire, ce que ce dernier conteste.
Yacine Mihoub a-t-il tué sa voisine en raison de sa judéité ? "Je ne pense pas", répond aux juges Alex Carrimbacus.
- Probable confrontation -
"On nous dit depuis le début que le mobile antisémite repose sur les déclarations de notre client, alors qu'elles démontrent que le mobile est ailleurs", souligne auprès de l'AFP Me Karim Laouachi, son conseil avec Me Merabi Murgulia.
Leur client a en effet répété aux juges croire à une vengeance personnelle : selon lui, Yacine Mihoub, ivre, s'était disputé avec sa voisine, l'accusant d'être la cause de sa détention pendant laquelle sa soeur était décédée. "Il lui disait +tu vas me le payer, j'ai pas été à l'enterrement de ma soeur+", affirme Alex Carrimbacus.
Condamné après l'agression sexuelle de la fille de 12 ans de l'aide à domicile de Mireille Knoll, Yacine Mihoub était sorti de prison en septembre 2017.
Entendu à son tour mardi par les juges, avant une probable confrontation, ce dernier a confirmé sa version des faits, accusant son camarade d'avoir poignardé l'octogénaire et tenté de mettre le feu à l'appartement, selon une source proche du dossier.
Son avocat, Me Fabrice de Korodi, n'a pu être joint.
Du côté de la famille de Mireille Knoll, on invite à "ne pas opposer crime crapuleux et crime antisémite", deux mobiles qui peuvent s'additionner.
"J'accorde plus de foi à des déclarations spontanées qu'à une volte-face des semaines plus tard après d'éventuelles concertations", a réagi auprès de l'AFP Gilles-William Goldnadel, l'avocat des enfants de l'octogénaire, commentant l'évolution des propos d'Alex Carrimbacus.
La mère de Yacine Mihoub a été mise en examen à son tour le 6 avril pour "modification des preuves d'un crime". Soupçonnée d'avoir nettoyé l'éventuelle arme du crime retrouvée chez elle, elle a été placée sous contrôle judiciaire. Des tests ADN sont en cours sur deux couteaux saisis par les enquêteurs.
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