En Arabie saoudite, le projet NEOM atteint dangereusement ses limites

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 18 janvier 2025 - 15:45
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Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Ryad le 24 octobre 2017
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© FAYEZ NURELDINE / AFP/Archives
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Ryad le 24 octobre 2017.
© FAYEZ NURELDINE / AFP/Archives

Au cœur du désert saoudien, le projet NEOM, qui intègre la ville futuriste baptisée The Line, suscite fascination et cauchemars. Alors que l'échéance de 2030 approche, les dérives financières, humaines et environnementales révèlent la face sombre de cette mégapole en devenir. On commence à connaître le prix de l'ambition en Arabie saoudite.

Il n'y a qu'à faire un tour sur le site Internet de NEOM pour mesurer le niveau d'ambition du projet. Il s'agit ni plus ni moins que de redéfinir totalement l’urbanisme et la technologie, pour faire naître dans le désert un petit paradis donc le coeur serait The Line : "À peine 200 mètres de large, mais 170 kilomètres de long et 500 mètres au-dessus du niveau de la mer", voilà à quoi devait ressembler ce miroir géant, censé accueillir quelque neuf millions de personnes. Les promesses étaient alléchantes : un accès unique à nature, de la mer à la montage ; de l'air pur pour tous, sans aucune émissions ; plus de temps avec ses proches, car un accès rapide à tout ce qu'il faut ; et un climat idéal toute l'année. Une "révolution de la civilisation", lancée sous l’impulsion du prince héritier Mohammed ben Salmane.

Un mirage devenu cauchemar

Le dernier rapport du Wall Street Journal fait état de changements drastiques : The Line ne mesurera que 2,4 kilomètres d'ici à 2030, et l’on parle désormais de seulement 300 000 habitants. Ce rétrécissement du projet marque l’un des premiers revers d’une aventure où le gigantisme n’aura pas été que géographique. Les ambitions écologiques initiales s’évaporent face à la dureté du terrain : l’énergie solaire et éolienne devaient alimenter la ville, tandis que des fermes verticales et des systèmes de transport écologiques promettaient de transformer le quotidien des habitants. Cependant, ce modèle écologique ambitieux se heurte à la réalité d’un territoire désertique et fragile. L'usage de matériaux comme le verre et les miroirs, symboles de l’opulence de ce projet, pourrait même s’avérer particulièrement destructeur pour l’environnement local, notamment en menaçant la faune aviaire migratrice, en perturbant les écosystèmes et en augmentant considérablement la consommation d’eau dans une région déjà en pénurie. Et sans surprise, les critiques affluent également sur la gestion de l’impact écologique de ce chantier titanesque.

Le rêve s'est mué en un vaste chantier plein de promesses non tenues. Et bien sûr, il faut en payer le prix. Des dizaines de milliers de travailleurs migrants, principalement d’Asie et d’Afrique, œuvrent dans des conditions terribles. En 2023, des émeutes ont éclaté sur le chantier en raison des mauvaises conditions de vie : surpopulation dans les camps, violences, viols collectifs et même tentatives de meurtre sont rapportés par des témoignages de travailleurs et des enquêtes, comme celle menée par Human Rights Watch. Le cynisme de l’entreprise apparaît alors dans toute sa crudité : pour réaliser un projet pharaonique, des milliers de vies humaines sont sacrifiées, et ce, sans réels comptes à rendre. Comme une impression de déjà-vu ?

Allons-y gaiement

Si la vision de Neom s’estompe face aux problèmes internes, l’opération semble néanmoins menée tambour battant par les autorités saoudiennes, soucieuses de marquer les esprits. Comme le rapporte RTS, le royaume prévoit des événements d’envergure internationale tels que la Coupe du monde de football 2034 et l’Exposition universelle 2030, qui devraient accélérer la construction d’infrastructures visibles et concrètes. Dans cette optique, la station balnéaire de luxe Sindalah, inaugurée en octobre 2024, est perçue comme un test grandeur nature. Ce projet touristique se démarque largement des ambitions urbaines de The Line, mais il semble marquer un tournant pragmatique : fini les visions futuristes, place à la rentabilité immédiate.

Bref, c'est un échec sur tous les plans, mais on y fonce joyeusement. Quoi qu'il en coûte, comme dirait notre président, qui entend d'ailleurs se rapprocher de l'Arabie saoudite à travers différents projets, tels que la rénovation du Centre Pompidou. NEOM se transforme en une dystopie où l’ambition et la réalité se percutent violemment, détruisant au passage l'environnement et l'humain, au nom de la grandeur.

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