La Nouvelle-Calédonie célèbre Tjibaou et Lafleur et leur poignée de main immortalisée
Une statue de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou lors de la signature des accords de Matignon le 26 juin 1988 a été inaugurée dimanche à Nouméa sur fond d'espoir que cet esprit de réconciliation se perpétue alors que la Nouvelle-Calédonie est en quête d’un nouveau consensus politique.
Les accords de Matignon, signés sous l’égide de Michel Rocard, alors Premier ministre, avaient scellé la réconciliation entre loyalistes et indépendantistes après plusieurs années de violences meurtrières dans l'archipel, dont la tragédie de la grotte d’Ouvéa en mai 1988 avait été le paroxysme, avec 21 morts, dont 19 militants Kanak et deux militaires.
Cette imposante statue en bronze des deux hommes - Jean-Marie Tjibaou qui représentait le FLNKS (indépendantiste) et Jacques Lafleur le RPCR (anti-indépendantiste) - a été dévoilée dans le centre de Nouméa, sur un site désormais baptisé "Place de paix" ou "Koo Wee Joka", dans une langue kanak. Le choix de ce lieu est symbolique car depuis plus d’un siècle y trônait la statue d’un personnage controversé de l'histoire coloniale, celle du gouverneur qui organisa la sanglante répression de la première révolte kanak en 1878.
La veuve du leader indépendantiste, Marie-Claude Tjibaou, la fille de Jacques Lafleur, Isabelle, et la maire de Nouméa, Sonia Lagarde sont à la base de ce projet. La cérémonie inaugurale a rassemblé élus de tous bords, représentants de l’Etat, chefs coutumiers kanak et plusieurs centaines de Calédoniens.
"Plus que jamais nous aurons besoin de nous inspirer de l’esprit de la poignée de main" dans le cadre du dialogue que l’Etat "ouvrira avec l'ensemble des partenaires calédoniens dans les prochaines semaines", a assuré la Première ministre Elisabeth Borne, dans un message lu sur place par le haut commissaire de la République.
Yaël Braun-Pivet devait participer à l'inauguration mais celle qui n’aura été ministre des Outre-mer qu’un mois – elle est sortie du gouvernement dimanche – a dû annuler son déplacement à plus de 16.000 kilomètres de la métropole, en raison de sa candidature à la présidence de l’Assemblée nationale.
Dans un discours mêlant émotion et message politique, Mme Tjibaou, dont le mari fut assassiné en 1989 par un indépendantiste radical, a déclaré que "célébrer la paix aujourd’hui à l’ombre de ces deux grands hommes, c’est rappeler que la responsabilité est d’abord individuelle avant d’être collective", car "tous deux n’étaient pas mandatés par leurs appareils politiques respectifs pour signer ces accords". Depuis "34 ans nous avons passé notre temps à cultiver nos différences au lieu de susciter l’émergence d’une identité partagée", a déploré Mme Tjibaou.
"Ne jamais oublier qu’ici (...) plus de 90 personnes sont mortes sur une population de 160.000 personnes (entre 1981 et 1988, ndlr)", a souligné Isabelle Lafleur. "Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins", a-t-elle lancé, alors que le dialogue est en panne, après le troisième référendum d'autodétermination du 12 décembre 2021.
Si ce scrutin, boycotté par les indépendantistes, a été remporté haut la main par les pro-France (96,5%), il a surtout radicalisé les positions. Les loyalistes réclament "un statut définitif dans la France" tandis que les indépendantistes veulent discuter "en tête à tête avec l’Etat de l'accession à la pleine souveraineté".
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.