De l’importance des élections législatives – des élections législatives de haute importance

Auteur(s)
Xavier Azalbert, directeur de la publication de FranceSoir
Publié le 10 juin 2022 - 19:05
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Bureau de vote
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LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
La Cinquième République va-t-elle rebasculer dans une configuration similaire à celle des années pré-58 ?
LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

EDITO - La Cinquième République est considérée par beaucoup comme un « régime présidentiel », certains allant jusqu’à le qualifier de « monarchique » ou de « jupitérien ». Dans les faits, elle est devenue un régime de type semi-présidentiel depuis le référendum de 1962, sorte de régime hybride présentant simultanément des caractéristiques propres au régime présidentiel et au régime parlementaire. Une originalité de la Constitution de 1958 qui explique l’effacement temporaire de la fonction présidentielle au profit du Premier ministre dans les périodes dites de cohabitation.

Selon l’article 8 de la Constitution, le Premier ministre est nommé par le président de la République, pouvoir propre de ce dernier, puisqu’il n’a pas besoin de l’aval d’un autre membre du gouvernement pour cette nomination. Ce choix du Premier ministre n’est, en revanche, pas si libre que ça.

Si les pouvoirs du président de la République sont nombreux et forts, les cohabitations de 1986-88 et de 1998-2002 ont montré que celui-ci a besoin d’une majorité acquise à sa cause à l’Assemblée nationale pour pouvoir mettre en œuvre son programme. Le président de la République est donc tenu à ceci : concrètement, s’il veut que le Premier ministre nommé soit capable de gouverner - puisqu’en vertu de l’article 20 de la Constitution, il est celui qui dirige l’action du gouvernement -, il doit être choisi parmi la majorité parlementaire. Le choix du président est donc contraint par les résultats des élections législatives. Ne pas prendre en compte les résultats de ce scrutin et la majorité parlementaire qui en découle, ce serait, pour le président, risquer de voir ses projets de lois bloqués ou de voir l’Assemblée nationale voter une motion de censure contre le gouvernement.

Il y a alors deux cas de figure : si le président décroche une majorité à l’Assemblée, il est relativement libre dans son choix. En revanche, s’il n’est pas soutenu par la majorité, il est alors contraint de choisir quelqu’un dans la majorité parlementaire d’opposition, ce qui donne de facto une cohabitation.

L’état d’urgence sanitaire des deux dernières années a entrainé une succession de décisions, souvent jugées « hâtives » voire « anti-démocratiques », ce qui démontre que la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale est une clé de voute du pouvoir exécutif.

Si le président de la République se retrouve sans majorité parlementaire, il se retrouve contraint de partager le pouvoir exécutif avec un Premier ministre qui dirigera l’action du gouvernement selon la volonté d’une coalition de députés, et non pas la seule volonté insufflée par le président de la République, d’où le terme de « cohabitation » et d’où l’importance des élections législatives, les députés étant désignés par cette voie.

Les élections législatives qui se tiendront ce weekend sont d’autant plus importantes qu’elles rendront peut-être impossible la formation d’une coalition de députés en nombre suffisant pour valider la nomination d’un Premier ministre, laissant ainsi planer le risque que la France soit dans l’impossibilité d’avoir un gouvernement apte à la gérer. Une configuration que la Belgique a connue à plusieurs reprises, avec son lot de conséquences.

C’est d’ailleurs parce que la spécificité du système juridique de la Quatrième République, encadré par la Constitution du 29 octobre 1946, a conduit à cette impasse, que le Général de Gaulle a révisé la Constitution, qui fut approuvée massivement (70% de oui) lors du referendum de septembre 1958.

En 2022, si le système actuel a beau favoriser à l’extrême les grandes formations politiques lors des élections législatives, il n’en demeure pas moins possible qu’en raison du ras-le-bol des Français des partis politiques – comme en témoigne l’initiative de Reciproc.org où près d’une centaine de candidats ont signé la « charte de l’élu » -, la présence d’une poignée de députés « indépendants » viennent rebattre les cartes et rendre impossible la formation d’une majorité parlementaire ou d’une coalition de députés suffisamment importante.

Les paramètres actuels semblant vouloir aller en ce sens, il suffira peut-être qu’un seul candidat « hors système » soit élu député, pour que cette impossibilité intervienne.

Je m’explique.

Premièrement, si on se réfère aux résultats du premier tour de l’élection présidentielle de cette année, aucune des trois grandes formations politiques actuelles que sont ENSEMBLE (la République en marche, le Modem, le Parti radical…), la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), et les partis dit « d’extrême droite » (Rassemblement National, Reconquête, Debout la France, les Patriotes), ne semble à même de pouvoir obtenir à elle seule la majorité absolue, requise à l’Assemblée nationale pour valider la nomination du Premier ministre de son choix.

La tendance des derniers sondages (Ifop-Fiducial) montre la poussée de la NUPES à 26% des intentions de vote, devant ENSEMBLE (la majorité présidentielle) à 25%, qui pourrait donc se retrouver sans la précieuse majorité de 289 députés sur les 577 élus.

Etant donné qu’il est hautement improbable que deux de ces trois coalitions s’associent pour acquérir cette majorité absolue, l’impossibilité d’avoir un Premier ministre en capacité de gouverner est plus que jamais envisageable au terme des élections législatives de cette année.

Deuxièmement, il faut ajouter à ceci que les abstentionnistes lors de l’élection présidentielle semblent finalement décidés à voter ce dimanche pour des candidats extérieurs aux trois grandes formations politiques. S’ils votent, ils le feront pour ceux qu’on appelle « les candidats citoyens » : des citoyens qui s’affichent précisément comme des opposants aux trois grandes coalitions politiques.

Et ces « candidats citoyens », que certains « spécialistes » des plateaux de télévisions se sont permis de taxer de « farfelus », il y en a à peu près dans toutes les circonscriptions. La victoire dans moult autres circonscriptions de plusieurs d’entre eux n’est donc pas une utopie criante, loin s’en faut.

La Cinquième République va-t-elle rebasculer dans une configuration similaire à celle des années pré-58 ? Début de réponse ce dimanche.

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