James Darlays, auteur du titre d’été « Un peu de vert un peu de brun » plagié par le rappeur du moment PLK « un peu de haine »

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FranceSoir
Publié le 22 septembre 2020 - 13:42
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James Darlays, auteur du titre d’été « Un peu de vert un peu de brun » plagié par le rappeur du moment PLK « un peu de haine »

 

Le tourisme, la culture et l’art ainsi que tous les acteurs de ces trois pôles ont été très affectés par la pandémie actuelle. Pendant le confinement, ils ont rivalisé d’ingéniosité pour animer le quotidien des citoyens dont les libertés avaient été réduites.  Ce qui montre bien que le confinement n’a pas empêché la créativité.  Cependant à la sortie du confinement les mesures de restrictions du gouvernement sur les évènements culturels, attroupements ou concerts engendrent une incertitude accrue sur les personnes ayant choisi la culture ou la musique comme carrière.

Une étude du cabinet de conseil en stratégie Mckinsey sur l’impact économique de la pandémie avait alors estimé qu’1.7 millions d’emplois étaient à risque dans le secteur du divertissement et de l’art en Europe, soit 50% des emplois de ce secteur. 

Les artistes pendant cette année 2020, vivent une incertitude accrue, eu égard au choix d’un métier à aléas, tant sur le plan des concerts que sur la carrière qu’ils ont choisie.

 

FranceSoir a rencontré un compositeur interprète jazzman, James Darlays, au détour de la rue Royale,

un quartier qu'il aime arpenter.  Autour d’un verre, nous lui avons posé quelques questions sur son parcours et les challenges du secteur. (James nous propose de chercher un vieux bistro, car, la brasserie du coin a déserté les lieux).

 

FranceSoir : James, rue Royale, qu’est-ce que cet endroit évoque pour vous ?

JD : C'est tellement de souvenirs pour moi. J'y tenais là-haut (il désigne un immeuble au 12) mes réunions avec les gens du prêt à porter de Nina Ricci, et du maquillage de cinéma de Max Factor, des noms bien connus qui m'ont aidé à passer mes années d'études et de conquête du doigté musical en ne mangeant pas toujours que des sandwichs et en commençant à acheter de quoi monter un  petit studio de prises de sons en province.   Avant cela je ne connaissais sur Paris que deux amis lyonnais de mon père, Jean Bertola, secrétaire de Brassens et Robert Schneider de l'Express.

J'avais aussi rencontré Philippe Bouvard justement chez France Soir, mais c'est une longue histoire pleine d'humour je vous raconterai.

A l’époque j’étais en relation directe avec les vedettes des films pour lesquelles on apportait des cartons de pots de crèmes que nos équipes utilisaient sous leurs éclairages, Monica Bellucci a été tellement magnifique.

 

FS : Et quel est votre parcours ?

JD : J'ai été cadre en service de distribution, tout cela parce que je venais des labos de recherches dans la région lyonnaise, ma région d’origine, où j'avais quitté les paillasses et les chromatographes du Pr Serpinet, pour le soir aller rejoindre les clubs de jazz parisiens à tendance bebop.

La relation entre les pipettes et les pilules de Glaxo ou Roussel loin de moi à Paris, avait semblé jouer en ma faveur à l'embauche, vers les patrons d'ici.

 

FS : vous êtes donc passé du milieu médical au milieu artistique ?

JD : Oui, mais ne cherchons pas à comprendre tant il y a peu de relations entre mes études d'avec les mannequins ou les parfumeries. Peu importe, le principal est pour moi est d’éclore dans le milieu artistique ou je pouvais retrouver le plus souvent possible, Roger Guérin, Georges Arvanitas, et même des américains comme Johnny Griffin ou Dexter Gordon, les jazzmen du moment qui l'ont été jusqu'à ces dix ans en arrière de maintenant, et quels jazzmen, parmi les plus immortels pour le jazz!

 

FS : Auteur compositeur, difficile de percer ?

JD : En fait, autour de Lyon, j'ai pu monter un petit label de fabrication de phonogrammes, et « arroser » de mes titres les radios françaises. Cela m’a valu d’être employé, dans une émission radio la JameSession.

J’ai aussi travaillé au Palais d’Hiver, cet immense "plus grand music-hall d'Europe" , comme musicien en place fixe, où les meilleures vedettes de la chanson internationale s'y sont croisées. (Ray Charles, Claude François, Cabrel, Johnny, et mille autres, ...)

Dès lors les titres paroles-musique assez 'swing' que je composais ont pu ici ou là se faire entendre, ces mêmes titres qu'à Paris où toutes les firmes que j'avais vues, n'avaient jamais écoutés en rangeant dans un tiroir chaque échantillon que je leur passais à grands frais de pressages et séjours ! Plus mal reçu que dans ces 'majors' tu ne trouvais pas !

 

FS : Et comment ce milieu évolue-t-il ?

JD : Ayant eu l’opportunité de créer mon petit Label EMM, j’ai pu y enregistrer et éditer la moitié de mon travail soit une cinquantaine de compositions personnelles 'chansons et swing', en plus des reprises de 'standards' d'autres auteurs. Et les radios en France ont été pourvues d'échantillons tirés avec la Sdrm(Sacem), avec cependant un réel problème d’efficacité de programmation sur les ondes !

Internet aide beaucoup à faire connaître les titres une fois qu'ils sont déposés, mais c’est à un public restreint. Ce public a besoin comme pour tout d’être alerté. Il ne découvre plus les sons sur toutes les radios, mais par d’autres canaux comme les réseaux sociaux ou un email. Le contexte a changé et change encore et personne ne peut prévoir ce qu'il sera en 2021.

 

FS : Cependant certains arrivent bien à percer ? quelle est la recette ?

JD : Oui, par exemple, avec un seul titre, Patrick Hernandez a pulvérisé un jour les écoutes et s'est baladé de partout. Mais pour la plupart comme moi, il faut arpenter les pays européens et américains, 'derrière les autres'. En fait j’étais donc un accompagnateur, mes titres n’étaient pas sollicités, mais mes arrangements (orchestrations) demandés par eux tout comme au pupitre sax-clavier que j'ai longuement occupé.

 

FS : Accompagnateur de la tournée d’une star, pas mal en rêverait ?

JD : Oui bien sûr, cependant ce n'est pas comparable ! Le resto du soir en tournée est le même qu'à Paris aux heures du conservatoire.  Bien sûr des amitiés avec les copains musiciens et le leader du moment qu’on accompagne sont précieuses et irremplaçables. Ça reste dans le cœur.

 

FS : Vous étiez très proche de Manu Dibango qui nous a quitté il y a trois mois en pleine crise du coronavirus ?

JD : Difficile de comprendre l'émoi qui a frappé mon groupe et entourage musical.  Manu nous l'avons accompagné de nombreuses, fois, il me passait ses titres et je ventilais les partitions aux collègues. Je ne sais d'où il tenait cette gentillesse d'un homme affable et courtois, amoureux de l'Humanité, et qui, sur scène aussi, décrivait la vie en couleurs, comme s'il était en prestation de concert dans sa banlieue de Douala qu'il aimait par-dessus tout. Le public repartait dépaysé et heureux.

 

FS : Vous semblez vraiment questionner la cause de son décès et les soins qu’il a reçu ?

JD : Oui, je me pose vraiment la question suivante « Comment peut-on à Paris, en 2020 signer la mort d'un artiste en pleine forme, en ne permettant pas l'usage de médicaments reconnus ailleurs en France ou dans le monde comme efficaces ?

Le coronavirus a eu raison de lui, contracté lors de manifestations évangéliques avec ses amis africains. Habitué aux dérivés de la quinine dans sa jeunesse, il n'aurait peut-être fallu que deux ou trois jours du protocole du Professeur Raoult de Marseille, pour que ce colosse retrouve les bienfaits d'un produit qu'il a utilisé dans son enfance contre le paludisme.

 

FS : Au travers de cet entretien vous rendez un hommage à Manu Dibango et à son œuvre?

JD : Oui en effet. Manu était une force de la nature.  Il a été complètement meurtri car il a fallu qu'il s'oppose à un plagiat contre Michael Jackson et encore plus contre Rihanna qu'il aimait beaucoup.  Elle a finalement dû consentir à le reconnaître.

Pour les très jeune, dans soixante ans, ce sera notre super Annie Cordy que nous venons de perdre, moins pitre peut-être, mais quand elle s'y mettait, elle avait aussi ce talent inné.

 

FS : Vous venez de nous parler des combats de Manu Dibango sur le PLAGIAT.  Est-ce vraiment un fléau pour les compositeurs ou plutôt un besoin de reconnaissance avant tout ?

JD : C’est les deux à la fois car inspirer est un plaisir pour tout artiste, c’est un moyen de reconnaissance de ses pairs.  Le droit est aussi là pour faire constater la créativité et conférer le droit d’auteur. Les conseils de Manu Dibango auraient été pour moi une aide précieuse, car je viens de constater le premier plagiat flagrant et conséquent, d'un de mes titres qui date des phonogrammes à tirages que je laissais aux firmes du disque de Paris quand je cherchais à y être édité par elles et non par mes soins, ce qui fait trop de frais pour un artiste !

 

FS : Un plagiat d’un de vos enregistrements ?

JD :  Indiscutablement, quelques rappeurs ont vidé les tiroirs des firmes, parce qu'en manque d'idées et mon travail les a intéressés. Mon titre « un peu de vert, un peu de brun » est en écoute permanente depuis quelques années sur Soundcloud. UN PEU de vert, un peu de brun,... James Darlays - aut.comp.inter. arrangement de Roger Guérin par James Darlays | Écoute gratuite sur SoundCloud.

Mais pour vous résumer la situation, nous avons d’un côté l’auteur d’une chanson pour l’été et l’autre l’auteur d’un rap pour le combat des rues. PLK - Un peu de haine (Clip Officiel) - YouTube. 

 

FS : et vous prenez cela personnellement en tant qu’auteur compositeur ?

JD : Oui, il est difficile de supporter cet « emprunt » ou « vol ». C’est d'autant plus difficile que le titre « un peu de haine » (dans le CD Mental) se retrouve en excuses dans la bouche du rappeur qui en a fait un clip dont des images sont passées à la télé, couvrant une démonstration de force de vendeurs de drogue dans le quartier Mistral de Grenoble fin août 2020.

Tolérer ce plagiat c'est tolérer le vol, la drogue, l'immoralité, le banditisme, que soutient un titre de rap avec un clip anti-police.  Tout l’inverse du titre original aux saveurs d’été.

 

FS : Et que fait-on pour faire valoir ses droits ?

JD : Les contacts récents avec Universal Music, la firme mère des rappeurs et avec la SACEM dont je suis membre, font entrevoir un plagiat à 80% de la musique, non du texte, par un titre rap qui plus est serait non déposé.

Personne ne connait vraiment la fin de l’histoire et c’est un véritable combat.

Le paradoxe est que depuis quelques mois, si mon titre, pour les étés, ne bat pas les records d'écoutes sur les plages au soleil, celui du « rap » en question dépasse les plafonds de ventes dépassant le million d’euros en vente.  Et ceci, même pendant la covid19, grâce aux réseaux de labels, sous-labels et du contexte de l’album dit "Mental".

Dans les faits, le public de Jazz ne bénéficie pas de la promotion en radios de chansons ou jazz, celui du "Rap-mouvance" matraquent le son sans filtre, sur des fréquences précises, lesquelles sont pourtant dirigées par les mêmes groupes.

 

FS : Y aura-t-il un arrangement financier ou un procès ?

JD : Nul ne peut en prévoir le scénario, car il est très difficile de faire valoir ses droits. En fait je remercie les médias qui se penchent sur ce problème, comme France Soir, Le Progrès (en cours), ou Europe1 qui ne m'a pas découragé d'aller les voir avec une cravate.

Je dois passer mon temps dans les couloirs de firmes du disque, en y perdant mon temps.

 

FS : et tous les artistes ont le même combat ?

JD : Pas vraiment. Un des rares qui m’a supporté à l’époque a été Joe Dassin, je l’avais croisé au détour d’un couloir d’une maison de disques et il m’avait dit « cela peut demander quelques mois ! ».  Je lui ai d’ailleurs passé le manuscrit d’une chanson avant qu’il ne disparaisse dans un terrible accident d’avion.

Mais de manière générale dans les Majors du disque, ce n’est que luxe et dédain. On peut venir de milieu modeste, se présenter pour parler d'activités commerciales, sans jouer au « faux-pauvre gratteur de guitare » et repartir comme j'en ai vu parmi les plus connus en Ferrari, qui s’était garé à coté de ma Clio

Ce n’est vraiment pas aussi transparent que dans votre média FranceSoir ! La Capitale ne contient pas que des bisounours.

 

FS : C’est donc difficile d’être artiste ?

JD : Oui, Nous étions un groupe de 5 « pointures » du jazz français, que nous avons fondé avec Benjamin Legrand, parmi les meilleurs et nous n'avons pas été suivis. C'était en 2018. La direction de sélection de l'O.N.J. nous a désagréablement occulté, refusé pour ne pas dire volé 800.000 euros par an de subventions avec nos 25 musiciens.

Depuis je considère que ce qui est normal et plausible et doit sortir parce que de qualité, doit être demandé avec une main d'acier dans un gant de boxe.

 

James Darlays : « On reprend un verre? ».

 

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