Chronique N°94 – "Les capteurs de CO2, ne protègent pas du virus, mais seulement de l’air confiné. Et encore…"
CHRONIQUE — Je me suis déjà ouvertement prononcé à deux ou trois reprises dans ces colonnes sur mes réticences à l’égard d’un quelconque intérêt à utiliser des capteurs de CO2 (dioxyde de carbone) pour lutter contre les virus respiratoires et particulièrement, contre le Covid-19.
Très critique à l’égard d’un court reportage dans un groupe scolaire de Lille qui avait installé des capteurs de CO2 dans ses réfectoires, diffusé par France Info le 27 avril 2021, j’avais écrit dans ma chronique N°59, sous-titrée «Bêtisier de 4 semaines de reconfinement», au niveau du commentaire [47] (ici) : "On a ce qu’on appelle un critère indirect de jugement. Cela n’a aucun intérêt et relèvera du « gadget » tant que l’on ne disposera pas d’une étude clinique comparative bien conduite entre plusieurs réfectoires d’écoles (clusters) avec des populations écolières comparables et des niveaux d’incidence comparables (clusters), sur un critère direct (pertinent) de jugement, à savoir la réduction des contaminations au covid".
Quelques mois plus tard, réagissant à l’interview accordée par le Pr Antoine Flahault, à France Info, le 4 novembre 2021, voici ce que j’écrivais dans ma chronique N°82, au niveau du commentaire [25] (ici) :
"Elles sont où les études qui lui permettent d’affirmer cela ? Avec quel dispositif ? Beaucoup rêvent, en particulier dans les écoles, de mettre en place des "capteurs de CO₂". Mais, qui en fait la promotion ? Des "marchands du temple" mercantiles qui ne songent qu’à s’en mettre plein les poches. Le taux de gaz carbonique dans l’air n’est qu’un critère intermédiaire de jugement. Rien, mais rien ne permet d’affirmer la présence du virus dans l’air simplement en dosant le CO₂. Je n’ai pas connaissance d’étude sérieuse ayant démontré son utilité… "
Comprenez qu’il y a derrière tout ça un sacré business et beaucoup de marketing !
Il suffit de taper « Capteur de CO2 » sur le moteur de recherche Google pour comprendre à quel « marché juteux » on s’adresse :
- Pas moins de 20 pages, et 191 entrées
- Le géant Amazon affiche 837 résultats pour « Détecteur de CO2 » (prix allant de 4,89 € à 129,00 €)
- Sur le site, cela va de 34,57 € à 2 383,08 €
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- Cdiscount, 119…
La mesure du CO2 dans l’air intérieur a même son site Internet.
Ce site est constitué des rubriques suivantes : Accueil, Webinaires, Capteurs, Guide d’achat, Protocole, Initiatives, Revue de presse, Textes officiels, Documents pédagogiques, Autres sites, Qui sommes-nous, Nous contacter.
Il y a juste un hic : Aucune étude clinique randomisée comparant l’efficacité de la mesure du CO2 à l’absence de mise en œuvre de capteurs de CO2, sur la réduction des contaminations en période pandémique Covid-19, jugée sur l’apparition de symptômes ou mieux sur la positivité de tests de laboratoires d’analyses de biologie médicale !
Le Haut Conseil de Santé Publique s’est fendu de deux avis relatifs à la mesure du CO2 dans les établissements recevant du public (ERP) :
1. Avis daté du 28/04/2021, mis en ligne le 03/05/2021 : « Avis relatif à l'adaptation des mesures d'aération, de ventilation et de mesure du dioxyde de carbone (CO2) dans les établissements recevant du public (ERP) pour maîtriser la transmission du Sars-CoV-2 » (document à télécharger : ici). Cet avis a eu pour origine une autosaisine du HCSP.
Après avoir rappelé les 3 modes principaux de transmission du Sars-CoV-2, à savoir :
- "Une transmission aéroportée, à plus longue distance, par exposition à un aérosol constitué de gouttelettes les plus fines contenant le virus et qui peuvent rester en suspension dans l’air pendant un temps beaucoup plus long (typiquement en heures). Cette transmission aéroportée peut se produire sans contact direct après le départ de la source (en particulier en milieu clos)" ;
- "Une transmission plus rare par contact direct cutané avec une personne infectée ou avec une surface récemment contaminée. Ce dernier cas est parfois nommé "transmission par un dépôt de gouttelettes", encore appelées "fomites". Le virus peut venir en contact avec le visage, soit directement, soit secondairement, par exemple, via les mains".
Il faut se souvenir qu’au début de la pandémie, la communauté scientifique et ses leaders d’opinion, privilégiaient le mode « grosse gouttelettes ». Ils se trompaient lourdement ! Dans ma chronique N°70 (ici), je relatais l’étude « princeps » publiée en novembre 2020 dans l’éminente revue médicale « Nature » par une équipe suédoise, qui avait analysé l’air sortant des conduits du système de ventilation dans les différents étages des services "covid" de l’hôpital d’Uppsala et qui démontrait l’existence d’aérosols de virions, capables de rester en suspension dans ces lieux clos pendant des heures et de se déplacer, parfois sur de longues distances…
Les experts du HCSP pointent du doigt les lieux clos "où une personne infectée expose des personnes, soit en leur présence, soit très rapidement après qu’elle ait quitté l’espace clos » et poursuivent en indiquant que "Une exposition prolongée à des aérosols d’origine oro-pharyngée, souvent générés par le simple fait de parler ou par un effort respiratoire (par exemple, en criant, chantant, toussant, éternuant, en fumant ou vapotant, un exercice physique) qui augmente la concentration des particules virales en suspension dans l’air de l’espace".
Ils en viennent alors au cœur de notre sujet "Une ventilation ou un traitement de l’air inadéquat qui a favorisé une accumulation de particules virales en suspension dans l’air".
Puis l’avis poursuit en expliquant qu’avant la pandémie, la mesure de la concentration en CO2 (gaz carbonique) d’une pièce est un marqueur du renouvellement de l’air dans la pièce. L’organisme avait déjà préconisé des normes pour les restaurants et les établissements recevant du public : Ne pas dépasser 800 ppm (parties par million) en CO2. Il recommande "d’ouvrir les fenêtres 5 minutes toutes les heures [1]".
[1] Je ne connais aucun essai clinique randomisé comparatif en « cluster » qui ait vérifié que d’ouvrir les fenêtres 5 minutes toutes les heures versus les laisser fermées ou ne les ouvrir qu’une minute toutes les heures (on peut imaginer pleins de protocoles similaires ou dérivés), permette de réduire les contaminations dans les écoles, les crèches, les lycées, universités, les restaurants, entreprises…
Le HCSP propose même « pour les établissements scolaires et universitaires de laisser portes et fenêtres ouvertes entre les cours et enseignements, et idéalement d’ouvrir deux fenêtres pendant les cours pour favoriser la circulation de l’air [2] ».
[2] Voilà des experts à l’expertise « au doigt mouillé » qui sont prêts à recommander des mesures jamais évaluées. Mais, qu’est qu’a fabriqué l’Institut Pasteur pendant toute cette pandémie. Incapable d’élaborer la moindre évaluation clinique, notamment sur ce sujet !
2. Avis daté du 21/01/2022, mis en ligne le 15/02/2022 : « Avis relatif à la mesure du dioxyde de carbone dans l’air intérieur des établissements recevant du public » (document à télécharger : ici)
Cette fois-ci, c’est la Direction Générale de la Santé qui avait saisi le HCSP, le 24 novembre 2021.
Vous allez rire (jaune), ce n’était que 4 jours après la publication en ligne de la 5ème actualisation de la revue méthodique avec méta-analyse de la collaboration Cochrane portant sur « les interventions physiques (non pharmaceutiques) pour interrompre ou réduire la propagation des virus respiratoires ». Celle-ci confirmait l’inefficacité (« pas ou peu de différence » avec l’absence de port) des masques pour réduire les contaminations lors de pandémies à virus respiratoires. La Cochrane mettait à mal aussi le télétravail comme moyen de réduire les contaminations chez les travailleurs, n’en déplaise à Mme Elisabeth Borne (Pourvu qu’elle n’accède pas au poste de Première Ministre…), avec la formidable étude japonaise de Miyaki et al. dont les résultats ont été publiés en 2011, réalisée en pleine pandémie de grippe H1N1, chez deux constructeurs automobiles, dont j’ai parlé notamment dans ma chronique N°57 (ici).
Les experts du HCSP rappellent que :
- « Le dioxyde de carbone (CO2) est une molécule produite par l’organisme humain au cours de la respiration. Sa concentration dans l’air intérieur des bâtiments peut être comprise entre 400 et 5000 ppm environ. En l’absence de source de combustion, elle est liée à l’occupation humaine et au renouvellement d’air »,
- « La concentration en CO2 dans l’air intérieur est l’un des critères qui fondent la réglementation en matière d’aération des locaux »,
- « Historiquement, la limitation des concentrations en CO2 visait à satisfaire des exigences de confort olfactif [3] ».
[3] Si j’ai bien compris, dans une pièce mal ventilée, au bout d’un moment, « ça puire », comme dirait Jacquouille la Fripouille. Bref, il vaut mieux y rentrer en se bouchant le nez…
Plus sérieusement, le HCSP cite 3 travaux scientifiques qui selon lui pourraient signifier que la ventilation et les mesures de CO2 puissent réduire les infections respiratoires.
Image « 1. Études d’impact de la ventilation sur les infections respiratoires et de l’intérêt des mesures de CO2 citées dans l’avis HCSP.jpg »
Désolé, mais pour ma part, je ne suis loin d’être convaincu par ces 3 travaux et je m’en explique :
- Le premier est une revue de la littérature publiée dans la revue Indoor air, par Y. LI et al, (téléchargeable sur researchgate.net), qui date de 15 ans (2007). Selon ces auteurs, il existerait « des preuves fortes et suffisantes qui montrent le lien entre la ventilation, les mouvements d'air dans les bâtiments et la transmission des maladies infectieuses comme la rougeole, la tuberculose, la varicelle, la grippe, la variole, le Sars ». D’abord, précisons qu’ils parlent d’infections beaucoup plus graves et transmissibles que celles du covid. Les taux de reproduction sont de 15 à 20 pour la rougeole, de 10 à 12 pour la varicelle, de 3 pour la variole, contre 2 pour le SRAS. Quant à la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis), l’une des dix premières causes de mortalité dans le Monde, une personne infectée et non traitée peu contaminer 5 à 15 autres personnes chaque année, selon l’Institut Pasteur. Ensuite, « lien entre la ventilation, les mouvements d'air dans les bâtiments et la transmission des maladies infectieuses », personnellement, je ne sais pas ce que cela veut dire. De quels mouvements d’air parle-t-on ? Et puis, les auteurs s’empressent d’ajouter que « Les données sont toutefois insuffisantes pour spécifier la ventilation minimale requise dans les hôpitaux, les écoles, les bureaux, les appartements et les chambres d'isolement ». Ce qui limite considérablement leur propos.
- La seconde étude versée au dossier, « miraculeuse », de Chun-Ru Du et al., justement, concernant une épidémie de tuberculose dans un campus universitaire de Taïwan, n’a rien d’une étude clinique randomisée. Il s’agit d’une cohorte observationnelle rétrospective, très sujette à de nombreux biais méthodologiques, de 27 cas infectés et leurs 1.665 cas contacts (sur 10.000 universitaires habituellement présents ?) dans des locaux mal ventilés (ventilation centrale avec air conditionné), suivis pendant un délai médian de 6 ans. Et on peut se demander si l’épidémie n’était pas déjà terminée lorsqu’ils ont commencé à colliger les cas contacts non infectés…
- Enfin, la 3ème et dernière étude citée, également dans un campus universitaire à Maryland (USA), Zhu et al. ont comparé les contaminations des étudiants lors d’épidémies de syndromes grippaux dans les dortoirs situés dans deux bâtiments très différents quant à leur mode de ventilation, l’un hautement ventilé à 100% d’air extérieur, l’autre faiblement ventilé par « infiltration ». Des nombres de volontaires très disproportionnés, 11 dans un bâtiment, 109 dans l’autre, avec des nombres de « personnes-jours » extrêmement déséquilibrés, 522 contre 6.069… Et bien entendu, une étude non randomisée. Que peut-on en tirer ? Franchement ?
Le HCSP rappelle l’existence depuis 2019 de la norme NF EN 16 798-1, suivant le tableau ci-dessous :
Image « 2. norme NF EN 16 798-1.jpg »
- La classe I convient aux personnes sensibles (enfants, personnes âgées, handicapées, etc.),
- La classe II représente le niveau normal pour la conception et le fonctionnement,
- La classe III représente une qualité d’ambiance encore acceptable, mais avec un risque de performance réduite des occupants,
- La classe IV convient d'être utilisé uniquement pendant une courte période de l'année ou dans des espaces à occupation de très courte durée
Les experts du HCSP considèrent que l’élévation des concentrations en CO2 est associée à une diminution des performances cognitives et à l’augmentation de la concentration d’agents infectieux aéroportés (en présence de personnes sources, précisent-ils. Une « lapalissade… »).
L’excès de gaz carbonique est effectivement connu pour occasionner une augmentation de crises d’asthme chez l’enfant asthmatique, et à de fortes concentrations, une baisse des performances cognitives et psychomotrices. En atmosphère non ventilée, une concentration élevée en gaz carbonique entraine une augmentation de sa concentration dans le sang, une modification du rythme cardiaque, l’envie de dormir, des maux de têtes et même à une acidose lorsque la concentration en CO2 atteint 10.000 ppm.
En revanche, les travaux produits par le HCSP pour affirmer une relation entre augmentation de la concentration de l’air intérieur en CO2 et augmentation des contaminations par les virus respiratoires me paraissent totalement insuffisants.
Pour résumer, le HCSP propose le logigramme ci-dessous d’aide à la gestion de la qualité de l’air intérieur :
Image « 3. Logigramme HCSP d’aide à la gestion de la QAI.jpg »
Désolé pour la mauvaise qualité graphique, non pas de l’air, mais du logigramme, travail bâclé de la part des ingénieurs et scientifiques, « membres qualifiés de la commission spécialisée – Risques liés à l’environnement » du HCSP et « experts extérieurs au HCSP », qui ont constitué le groupe de travail ayant élaboré ces recommandations… (Une seule femme sur 10 membres du GT, voir page 12/19 de l’avis du HCSP). Messieurs, la forme compte aussi…
Toujours est-il que jusqu’à 800 ppm de CO2 dans l’air intérieur, tout va bien.
Entre 800 et 1.500 ppm, la qualité de l’air est moyenne à modérée. Il faut optimiser l’aération (gestion des ouvrants), optimiser la ventilation mécanique, revoir ponctuellement la jauge
Dès qu’on dépasse 1.500 ppm, il faut mettre en œuvre d’urgences des actions correctives : Diminution de la jauge, évacuation du local, modification des moyens techniques d’aération et/ou de ventilation.
Il est temps d’examiner à présent une source d’information un peu plus médicalisée que ce que nous proposent les ingénieurs, les mathématiciens, les physiciens et les industriels intéressés du groupe de travail du HCSP.
Je ne taris plus d’éloges à propos de la rédaction du British Medical Journal, pour son esprit critique et sa capacité à distinguer entre le bon grain et l’ivraie des informations médicales !
Or, cette revue médicale, que je considère être la meilleure, a récemment consacré un article questionnant l’utilité des capteurs de CO2 pour réduire les risques de transmission du covid (publié dans son édition du 23 mars 2022). Voici la traduction que je propose pour son titre :
« Transmission (virale) aéroportée : Les moniteurs de CO2 sont-ils une solution à long terme ou un piratage pandémique ? »
Une manière un peu brutale de questionner leur utilité que les experts du HCSP ne devrait pas trop apprécier…
En effet, Chris Baraniuk, journaliste indépendant, a enquêté et mené des recherches sur le sujet. Il avait notamment signé un an auparavant un article didactique dans le BMJ « Que savons-nous à propos de la transmission aérienne du SARS-COV-2 », à un moment où l’OMS ne reconnaissait pas encore ce mode de contamination. Comme de plus en plus personnes admettent aujourd’hui que la transmission du SARS-COV-2 s’effectue principalement par voie aérienne, les capteurs de CO2 sont apparus comme un moyen abordable de savoir si un espace clos est bien ventilé. Le journaliste demande quelles sont les preuves et s'il faut les adopter plus largement ?
Le journaliste cite une lettre à l’éditeur publiée dans le BMJ le 16 décembre 2021 qui regrettait qu’une large méta-analyse portant sur l’efficacité des mesures prises pour réduire l’incidence, la transmission et la mortalité du SARS-COV-2, publiée également dans le BMJ un mois plus tôt, n’ait pas abordé les interventions destinées à réduire la présence du virus dans l’air expiré, telles que la filtration, l’ouverture des fenêtres, et les équipements de ventilation. Cette lettre à l’éditeur poursuivait en indiquant qu’outre les implications climatiques de telles mesures, elles challengeaient potentiellement la conception des bâtiments, des lieux de travail, des habitats, sur la résilience antivirale. Elle rappelait que la ventilation pourrait-être un facteur déterminant, facilitateur des événements « supercontaminants » qui semblent avoir eu un rôle important dans la transmission du covid-19. La ventilation pourrait à l’évidence jouer aussi un rôle majeur pour la sécurité des professionnels de santé au contact de patients covid-19. En gardant tout cela à l'esprit, il est difficile de comprendre pourquoi la ventilation, la filtration hautement efficace des particules de l'air, la désinfection aux ultraviolets et la surveillance du dioxyde de carbone ambiant n'ont pas été mentionnés, en particulier dans un article qui cherchait à informer les politiques. Pour apporter des réponses adaptées et efficaces aux menaces virales, il est sûrement important de comprendre l'efficacité relative et les interactions entre toutes les différentes mesures ?
Hélas, aucun organe de nos sens ne nous permet d’identifier dans l’air d’une pièce si elle est pleine d’aérosols de virions du SARS-COV-2. Derrière la mesure de la concentration du gaz carbonique dans l’air d’un local clos, se trouve une estimation indirecte, une indication du risque d’accumulation potentielle d’aérosols viraux dans cet espace. Un certain nombre de pays ont utilisé ces appareils de mesures pour obtenir un aperçu de la sécurité d’un espace clos pendant la pandémie. Le Japon a installé des capteurs dans les centres commerciaux, cinémas, les bureaux des entreprises. Au Royaume Uni, le gouvernement a distribué plus de 350.000 capteurs de CO2 dans les écoles anglaises, afin d’aider les enseignants à identifier les classes ou autres espaces intérieur mal ventilés. A noter que ces appareils non seulement affichent la teneur en CO2 de l’air, mais aussi la température et l’humidité.
Au cœur de la communication gouvernemental anglaise, le site web du projet « CoSchools », avec des vidéos et autres supports pour promouvoir la mesure de la concentration en gaz carbonique dans les lieux clos mal ventilés. Pour ce programme, le gouvernement britannique a reçu une assistance académique de la part des universités de Cambridge et de Surrey, ainsi que de l’Imperial College of London, pour qui une concentration en dioxyde de carbone (= gaz carbonique = CO2) inférieure ou égale à 800 ppm, est synonyme d’une bonne ventilation. On retrouve ici la norme européenne adoptée en France par le HCSP.
Selon un gériatre aux hôpitaux universitaires de Cambridge, utilisateur de moniteur de CO2, interviewé par Chris Baraniuk, ces appareils peuvent aider les gestionnaires de bâtiments à identifier les locaux qui nécessitent une amélioration de la ventilation. Le journaliste évoque une étude randomisée menée en « cross-over » dans deux hôpitaux belges. Entre février et mai 2021, douze moniteurs ont été placés dans deux services de gériatrie. Le personnel soignant avait pour instructions d’ouvrir les fenêtres, d’augmenter le taux de renouvellement de l’air ou de réduire le nombre de personnes dans les chambres afin de maintenir en dessous de 800 ppm la concentration de dioxyde de carbone. « Plus facile à dire qu’à faire ». Les résultats n’ont clairement pas été à la hauteur des espérances… Les auteurs ont rencontré d’importants obstacles à la mise en œuvre de l’aération. Typiquement, les patients se sont plaints de l'inconfort dû au froid (56%) et aux courants d'air (3%) résultant de la ventilation accrue, ainsi que le manque de visibilité et d'attention portée aux moniteurs de CO2 (16%). Autres obstacles : Les nombreuses responsabilités des infirmières et du staff clinique, ne pouvant pas lâcher une tâche pour relever les mesures des capteurs, le risque pour les patients de passer par la fenêtre (13%), la rupture de la confidentialité et de l’intimité des patients en laissant ouverte la porte de la chambre (principal moyen d’aération), pendant la toilette matinale ; l’habitude ancrée des couples de laisser fermée toute le nuit la porte de leur chambre.
Une autre étude prise en exemple par le journaliste, menée en Italie dans des classes d’écoles, a obtenu des résultats mitigés. Malgré l’ouverture garantie des fenêtres et des portes, 54% des classes ont montré des valeurs de concentration en gaz carbonique supérieures à 1.000 ppm, et toutes les classes ont dépassé le seuil recommandé de 700 ppm. Les auteurs concluent dans le résumé de leur article : « Par conséquent, cette étude rapporte les premières mesures basées sur des preuves démontrant que, à l'exception de quelques environnements affectés par des limites structurelles, la visualisation et la surveillance en temps réel des concentrations de CO2 permet de mettre en œuvre des échanges d'air efficaces et contribue à prévenir la transmission du SRAS-CoV-2 ». Quelle audace !
Le problème principal, souligné par Chris Baraniuk, étant que l’association avec une réduction des contaminations covid-19 observées chez les écoliers et le personnel des écoles n’a été ni étudiée, ni rapportée dans ce travail !
De ses investigations, interviews et lectures, le journaliste observe que « Tout le monde n'est pas convaincu que nous puissions nous fier à des moniteurs de CO2 pour s’assurer de la sécurité de l’air que nous respirons, eu égard à la présence du covid-19 »
Ces dispositifs ne sont qu'un « piratage pandémique », une solution à court terme, soutient Angela Eykelbosh, spécialiste de la santé environnementale et de l'application des connaissances au Centre de Contrôle des maladies et de prévention de la Colombie-Britannique (Canada), également interviewée par Chris Baraniuk. Quand quelqu'un me dit : "Puis-je utiliser le CO2 comme indicateur du risque de covid ? Je réponds : « Non, comment savez-vous combien de personnes infectées se trouvent dans la pièce ? ». Angela avait publié en mai 2021 pour le compte du Centre de Collaboration Nationale en Santé Environnementale, un rapport officiel au Canada, que l’on peut traduire par « Capteurs de CO2 en intérieur pour la réduction du risque COVID-19 : Conduite et limites actuelles ». Elle concluait sur le fait que les mesures de concentration du dioxyde de carbone ne devraient pas être interprétés comme un indicateur du risque de covid, étant donné entre autres raisons, l’absence de preuve solide d’une relation directe entre les concentrations en CO2 en intérieur et la transmission du SARS-COV-2, mais aussi compte-tenu de l’imprécision des moniteurs ;
Clairement, une ventilation améliorée n’empêchera personne d’attraper le covid, lorsqu’on est assis ou qu’on se tient en face d’une personne infectée, pendant qu’elle parle ou chante, par exemple, puisque cela va exposer la personne non-infectée à des aérosols de gouttelettes contenant le virus
« Dans un grand espace faiblement occupé, il y a une plus grande incertitude sur les relevés de CO2, par exemple » a fait remarquer (SAGE) le groupe consultatif scientifique du Royaume-Uni pour les urgences dans un communiqué du 23 octobre 2020 portant sur la relation entre la ventilation et la transmission du covid, et qui concluait aussi sur le fait que « La surveillance continue du CO2 n'est pas susceptible d'être un indicateur fiable du risque de transmission dans la plupart des environnements ».
Et Angela Eykelbosh d’ajouter « Je ne veux pas voir des salles de classe équipées de capteurs de CO2 collés au mur alors qu'elles devraient avoir d’abord une bonne ventilation »
J’aimerais ajouter un commentaire, ou plutôt une interrogation toute personnelle, concernant les effets de la ventilation par ouverture de portes et de fenêtres, par courants d’air, et autres systèmes automatisés de ventilation. A part la chaleur, et mieux encore, la chaleur humide qui peut nuire au virus, je m’interroge sur les effets éventuels et les impacts de ce type d’interventions sur la qualité de l’air intérieur dans les lieux clos :
- Dans quelle direction les aérosols de virus présents dans une pièce vont-ils se diriger ?
- Les aérosols ainsi aérés, propulsés, aspirés, vont-ils survivre plus longtemps ?
- Vont-ils parfois, ou souvent, se diriger vers des personnes non-infectées qui vont les inhaler ?
Je pense que la communauté scientifique ne sait pas grand-chose là-dessus !
En conclusion, les capteurs de CO2, sont une vraie fausse bonne idée.
En réalité, et cela fera probablement l’objet d’une prochaine chronique, je dois avouer qu’en préparant celle-ci, je suis tombé sur des processus « innovants » bien plus prometteurs pour débarrasser l’air des espaces clos de leurs virus, champignons et bactéries. Je veux parler des filtres dits « HEPA » pour « filtre à air à haute efficacité », qui seraient capables de filtrer en un seul passage au moins 99,97% de particules de diamètre supérieur à 300 nm (sauf que le SARS-COV-2 est 5 fois plus petit…), mais ils ont aussi leurs inconvénients, et vu leurs prix astronomiques, ils ne pourront pas être déployés dans tous les espaces clos…
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