Du ministère de la parole au gouvernement de la France

Auteur(s)
Alain Tranchant pour France-Soir
Publié le 12 janvier 2024 - 15:48
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Premier Conseil des ministres Tribune Alain Tranchant
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Ludovic Marin / AFP
Stéphane Séjourné et Rachida Dati, à la sortie du Conseil des ministres du 12 janvier : les deux seules arrivées notables au sein du gouvernement Attal.
Ludovic Marin / AFP

TRIBUNE - Gabriel Ier a donc succédé à Elisabeth II…

Au terme de durs palabres, la composition du gouvernement Attal a été confirmée jeudi soir sur le perron de l'Elysée, après de nombreuses annonces ayant fuité tout au long de l'après-midi. On a connu mieux que cet incroyable désordre en matière de présentation d'une nouvelle équipe gouvernementale.

Il est vrai, cependant, que le nouveau gouvernement n'a pas grand-chose de nouveau, si l'on excepte le changement de locataire à Matignon et les débauchages à droite qui sont la marque de l'échec du macronisme, qui n'a pas réussi à sortir de ses rangs — au bout de sept ans de pouvoir ! — des personnalités capables de devenir ministres.

Où est le nouveau monde ?

A beaucoup d'égards désormais, le nouveau monde promis en 2017 ressemble à s'y méprendre à l'ancien, quand ce n'est pas en pire. De ce point de vue, le ralliement de Rachida Dati à Emmanuel Macron, après tant de paroles venimeuses à son endroit, relève de l'opération politicienne par excellence, si ce n'est du billard à plusieurs bandes. Si "Paris vaut bien une messe", tenter d'arracher l'hôtel de ville de Paris à Anne Hidalgo en 2026, avec un statut de ministre de la Culture, vaut bien un retournement de veste. Mais cela ressemble à s'y méprendre à la IVe République, où les adversaires de la veille se trouvaient le lendemain assis à la table du même Conseil des ministres.

Sur le fond, il est bien clair que pour le chef de l'Etat, il s'agit de tourner la page du peu glorieux vote de la loi dite immigration, dont on ne sait du reste pas ce qu'il restera après le verdict du Conseil constitutionnel. Ce qui appelle une réflexion et des décisions pour l'avenir de la France, qui ne saurait être confié à une assemblée de juges, mêmes nommés par le président de la République.

L'analogie est flagrante avec l'épisode de la réforme des retraites au temps de Nicolas Sarkozy. Immédiatement après le vote de la loi portant l'âge de la retraite de 60 à 62 ans, il avait procédé à un remaniement de son gouvernement, en repoussant toutefois l'offre de service de Jean-Louis Borloo pour l'hôtel de Matignon et en maintenant François Fillon au poste de Premier ministre. Cette fois-ci, le président Macron a demandé, et obtenu, la démission d'Elisabeth Borne, puis nommé un nouveau Premier ministre pour tenter de limiter les dégâts aux élections européennes du 9 juin prochain, essayer de terminer sans trop de problèmes un second et dernier mandat fort mal engagé, et promouvoir le cas échéant un candidat à sa succession.

Point question d’idées

Nous sommes aux antipodes des grandes heures de la République gaullienne, où les crises se réglaient en recourant au suffrage universel, par la dissolution de l'Assemblée nationale ou le référendum, et parfois les deux ! Aujourd'hui, ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, mais les hommes et les femmes qui occupent les palais nationaux, se partagent le pouvoir et finalement ne tiennent que grâce à des institutions qu'ils sont hélas ! en train de discréditer aux yeux du peuple français. Car d'idées, il n'est point question. On n'a rien entendu, en effet, sur les énormes difficultés qui assaillent la France et les Français, qu'il s'agisse de l'endettement colossal du pays, du déséquilibre permanent des comptes publics, de la crise du logement, du pouvoir d'achat des ménages, de l'insécurité qui se répand sur tout le territoire, du système de santé à l'agonie.

Interrogé au journal de 20 heures de TF1, dans la foulée de la présentation de son gouvernement, M. Attal nous a dit : "J'aime mon pays" (ça vaut mieux ! ), a parlé d'"une majorité plurielle rassemblée derrière le projet du président de la République" (tiens donc, il a trouvé en guise de joyeux avènement une majorité absolue à l'Assemblée nationale ! ) et souhaité "que l'Europe puisse protéger les Français" (moi, je préfère que ce soient les Français qui prennent soin de leur patrie ; ce qu'ils ne feront pas pour eux, personne ne le fera à leur place).

Après le temps des discours, dont le peuple français est lassé, va venir celui de l'action. Ce sera une autre paire de manches tant les marges de manœuvre sont étroites. Et, pourtant, les urgences sont criantes, et pas seulement à l'hôpital !

Le ministère de la parole est une chose. Le gouvernement de la France, alors que la tempête souffle de toutes parts, en est une autre...

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