Et Macron reprit la parole. Mais laquelle ?
TRIBUNE/OPINION - Lundi dernier. Énième allocution télévisée d'Emmanuel Macron. Aime-t-il l'exercice ? Estime-t-il que c'est utile pour convaincre les citoyens qu'il faut lui laisser les mains libres ? (1) À cet égard, des collègues facétieux relèvent que cet intervenant leur fait irrésistiblement penser (réflexe professionnel) à certains étudiants lors d'examens oraux.
En particulier à un candidat lors du "grand oral" pour accéder au Centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA). Ledit candidat scrutait le regard des membres du jury pour voir les réactions à ses propos.
Propos qu'il ajustait en fonction de ce qu'il croyait être notre approbation ou notre improbation. C'était très amusant.
Maintenant, si l'on replace l'exercice oral de ce 17 avril dans le contexte du fonctionnement du régime politique qui s'est coulé dans les restes de la constitution de 1958, les choses sont, sous un certain rapport, moins amusantes.
Expliquons.
Imaginons que le peuple ou ses représentants votent des textes qui enlèvent au peuple et/ou à ses "représentants" le droit de se déterminer sur le sort des citoyens et permette aux dirigeants d'être au service d'une quelconque mafia ou de tel groupe d'intérêts s'enrichissant par exemple sur le dos d'autrui.
Pourrait-on dire que ces textes, qui, en clair, mettent en place une dictature, sont caractéristiques de la démocratie du fait qu'ils ont été adoptés par le peuple ou par ses représentants ?
La réponse devrait être logiquement : "Non !". Sauf à se moquer du monde.
Pourtant c'est ce qui est fait quotidiennement (déclarations des politiciens et argumentaires distribués par les journalistes salariés de financiers et de gros industriels). Depuis que des politiciens ont accepté de faire carrière (ou de la continuer) en se mettant au service de groupes de financiers (2) et d'industriels. Et en faisant "avaler" au peuple (Maastricht), ou à ses représentants - plus ou moins complaisants, donc plus ou moins "félons" - (Marrakech/OMC, Lisbonne et divers autres traités du même acabit) que c'est mieux ainsi. Qu'il n'y a pas d'autre possibilité.
Avec, par voie de conséquence, des argumentaires nécessairement fallacieux.
Car lorsque les faits révèlent que le gouvernement n'est pas celui "du peuple, par le peuple, pour le peuple", lequel n'a plus alors que la rue pour essayer de rappeler qu'il existe (jusqu'à ce que les politiciens au pouvoir jugent que c'est assez et fassent arrêter ou estropier les manifestants) on n'est pas en démocratie. On ne peut pas l'être.
"Les discours d'Emmanuel Macron ont le mérite, celui-ci à la suite des autres, parce qu'ils sont stéréotypés, de commencer à faire réfléchir les citoyens."
Surtout lorsque le gouvernement est explicitement obligé, "noir sur blanc", comme les textes ci-dessus l'organisent (et que les individus qui le composent l'acceptent), de favoriser la liberté de circulation des capitaux (2), est obligé d'endetter l'État auprès des banques privées (et des fonds spéculatifs), est obligé de tailler dans les acquis sociaux et le droit du travail... On n'est évidemment pas en démocratie.
Dans un tel contexte, le fait que les décideurs soient élus, ne transforme pas le régime en question en démocratie. Ne confère pas à l'élection le pouvoir magique de rendre "légitimes" les gens dont le nom est sorti des urnes (3). Pas plus que l'élection ne confère par principe la légitimité à ce qu'ils font, même si ce qu'il font a été plus ou moins annoncé par eux durant la campagne électorale.
Un "sale boulot" reste un "sale boulot".
Et ce qui est fait au profit d'une minorité, et, qui plus est, possiblement fait contre le peuple ou simplement en jouant sur le mépris du peuple est, en principe, et demeure... un "sale boulot".
Les discours d'Emmanuel Macron ont le mérite, celui-ci à la suite des autres, parce qu'ils sont stéréotypés, de commencer à faire réfléchir les citoyens. Lesquels mettent les dissertations du président de la République du moment, en relation entre elles et y voient des contradictions. Lesquels mettent en relations les propos et les faits.
Citoyens qui commencent à se détourner des "grands" médias qui leur paraissent dire la même chose, c'est à dire peu d'information qui aiderait à se faire une opinion, et beaucoup d'argumentaires "chargés".
Citoyens qui ont donc... des envies de démocratie.
À suivre....
- Marcel-M. Monin maître de conférence honoraire des universités.
Notes :
(1) On pourrait toujours poser ces questions, la première, qui sait, à un "psy", la seconde, pourquoi pas, à McKinsey. Mais il faut noter qu'a supposer même que les traits de caractère d'Emmanuel Macron puissent avoir une incidence sur sa manière de prendre des décisions dans l'ordre interne ou dans l'ordre international, lesdits traits de caractère sont, quels qu'il soient (qui incitent certains à trouver dans la constitution des dispositions susceptibles d'y remédier s'il y avait lieu et si elles étaient mises en branle jusqu'au bout, comme celles sur "l'empêchement" ou celles sur la "destitution" - Lire notamment les analyses de François Asselineau) parfaitement exploités par l'intéressé pour le fonctionnement du système...
(2) Sur ces questions, lire les quelques citations reproduites dans notre conférence du 10 février 2016 devant le "Cercle Nation et République". Ainsi que dans la chronique publiée dans "Agoravox" : "Économie et politique : pour une séparation des pouvoirs" (22 février 2016). Citations d'hommes d'État et banquiers (Montesquieu, Napoléon, Woodrow Wilson, de Gaulle, Mayer Anselm Rothschild, Reginald MCKenne, Josiah Stamp, Henry Ford, David Rockefeller) qui rappellent tous que dès lors que l'État est dépendant des banquiers, ce sont ces derniers qui gouvernent dans les faits. Certains se félicitent évidemment de ce que les citoyens l'ignorent.
(3) À cet égard il existe des juges des élections et des juges de la légalité des décisions (ou de certaines). Le problème de la démocratie commence à se poser même si un contrôle existe, mais lorsque les juges font le choix de "marcher" avec le pouvoir. On se rappelle, s'agissant d'une élection présidentielle, que Roland Dumas qui le présidait, avait avoué qu'ils avaient rectifié un certain compte de campagne pour pas invalider l'élection. Par ailleurs, si l'on se donne la peine d'étudier la motivation de décisions de certains autres juges, les mêmes doutes se font parfois jour sur l'existence "de fait" du contrôle.
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