L'Assurance maladie, bientôt finie ? L'hypothèse de la voie référendaire
TRIBUNE — L'Assurance maladie : enfin… la fin ! C’est ce que peuvent dire banquiers et assureurs après l’annonce des projets gouvernementaux de réforme de l’Assurance maladie. Depuis quelques années, le remboursement des dépenses de santé par les banques et les compagnies d’assurances se développe sous l’appellation de « complémentaires santé ». Ce qui veut dire en clair que ces institutions financières ont mis la main sur des sommes d’argent importantes. Il leur reste à mettre la main sur l’argent des mutuelles et sur celui de l’Assurance maladie.
Les gens du gouvernement présentent leur affaire sous un bon jour : pourquoi imposer aux citoyens des cotisations multiples et perdre de l’argent dans le paiement d’agents qui traitent les mêmes dossiers et qui font « doublon » ? Et le coup de main financier qui serait nécessaire sera apporté par l’État à cette nouvelle institution, comme avec l’ancienne
« Assurance maladie ».
Évidemment, alors même que l’équipe au pouvoir ne cesse d’effrayer les citoyens avec l’augmentation de la dette, de prôner la diminution des dépenses, et de leur faire accepter le rétrécissement des services publics (en vue de leur transfert vers les groupes privés), les mauvais esprits sont tentés d’émettre l’hypothèse que ces discours « cachent quelque
chose » (et que ceux qui les émettent se "moquent du monde").
Ce qu’il y a « derrière » le discours, se trouve en réalité déjà inscrit dans la Constitution elle-même. Expliquons.
En 1995, furent ajoutées à la liste des questions pouvant être soumises à référendum (art. 11), les réformes « relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ». Ces dispositions permettaient que l’Assurance maladie puisse devenir un « produit » parmi d’autres, vendu par les compagnies d’assurances. Parce que la constitutionnalité des futures lois de financement de la sécurité sociale devant réaliser ces changements paraissait incertaine au regard des dispositions du préambule de la Constitution de 1946. Le référendum permet du point de vue de la technique juridique, que ces réformes soient faites sans risque puisque le Conseil constitutionnel refuse (jusqu’ici) d’apprécier la constitutionnalité des lois référendaires [1]. Et il suffit que le texte du projet de loi référendaire soit habilement rédigé pour que le bon peuple soit content d’être consulté, sans pour autant qu’il puisse mesurer la portée de son vote. Dans le moment, des compagnies d’assurances engagèrent d’ailleurs des juristes pour voir comment elles pourraient avoir accès au dossier médical de leurs futurs clients avant de signer le contrat. Donc… Ça y est !
Ce que les dirigeants n’ont pas encore dévoilé (ils ne peuvent pas en prendre le risque sans préparation préalable de l’opinion publique, préparation dont l’organisation de symposiums fait traditionnellement partie), c’est la manière dont ils s’y prendront. Ils pourraient par exemple le faire en mettant en place un organisme dont le capital serait détenu par l’État / Assurance maladie, par les banques, par les compagnies d’assurance et par les mutuelles. Il suffirait que, plus tard et progressivement, les banques et les compagnies d’assurance augmentent leurs parts (et que l'État et les mutuelles diminuent les leurs) ; puis que ces parts soient transférées (l'organisme disparaissant) vers les propriétaires du secteur de la finance, pour que le vieux projet des idéologues de la société dérégulée, connaisse son aboutissement dans ce secteur.
À suivre.
Marcel-M. MONIN est maître de conférence honoraire des universités.
[1] sur cette question : v. « Textes et documents constitutionnels. Analyses et commentaires. » Dalloz – Armand Colin
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