"Nécessaire souveraineté", de Coralie Delaume : "pour que l’Union européenne disparaisse"

Auteur(s)
Anaïs Lefaucheux, pour FranceSoir
Publié le 18 octobre 2021 - 21:11
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Nécessaire souveraineté
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Michalon
Coralie Delaume, une voix souverainiste qui s'est éteinte mais dont le message demeure.
Michalon

CRITIQUE — Récemment, un proche me demandait quelles étaient, en France, les voix féminines souverainistes qui portaient actuellement. Le premier nom (et avouons-le : le seul) qui m’est venu est celui de Coralie Delaume.

Hélas, celle-ci n’est plus, elle a quitté précipitamment ce monde en décembre 2020 des suites d’un cancer. Elle avait 44 ans.

Cette brillante essayiste, passée par l’Armée, laisse derrière elle quatre ouvrages qui nourrissent une réflexion singulière et pertinente : Europe, les Etats désunis (2014), La fin de l’Union européenne (2017), Le couple franco-allemand n’existe pas (2018) et 10+1 questions sur l’Union européenne (2019) écrit avec David Cayla. Elle tenait également un blog depuis 2011, L’arène nue, au sein duquel elle analysait l’actualité des États membres de l’UE, à la lumière du fonctionnement de cette dernière (crise grecque, instabilité politique en Italie…).

Forte de ses connaissances et convictions en matière d’UE, elle n’hésitait pas à déclarer en 2019 au micro de Thinkerview : « Je ne suis pas pour que l’on sorte de l’Union européenne, je suis pour qu’elle disparaisse. »

N’ayant jamais rien lu de son œuvre, j’ai eu envie de commencer par son ultime texte, paru aux éditions Michalon, ce bref ouvrage au titre qui sonne comme une profession de foi, « Nécessaire souveraineté ».

Seule la préface signée Natacha Polony m’a fait quelque peu bondir, elle qui officie désormais sur BFMTV, et dont le mari a rejoint une liste LAREM aux régionales et qui n’a donc de souverainiste que le nom. Elle ose tout de même écrire, pour conclure son introduction, qu’il importe de combattre « l’hypocrisie, les forfaitures et les mensonges ». On attend avec impatience qu’elle joigne le geste à la parole en invitant dans son émission le vrai souverainiste François Asselineau, par exemple.

Au fil des 70 pages qui composent cet essai, Coralie Delaume s’appuie sur l’actualité de la crise sanitaire de 2020 pour illustrer les dérives, les failles et les manquements de l’Union européenne, ainsi que les innombrables freins à une saine (et indépendante) gestion des politiques nationales des États.

La souveraineté est depuis plusieurs mois sur toutes les lèvres, à commencer par celles d’Emmanuel Macron qui, face à la pénurie de masques, appela à « rebâtir notre souveraineté nationale et européenne ». Toute la classe politique, et notamment les candidats déjà déclarés à la présidentielle de 2022 (pourtant européistes pour la plupart), n’a plus que ce mot à la bouche. Autant de preuves que la bataille des idées est en passe d’être remportée et qu’il convient maintenant de les transformer en choix politiques.

Ces dernières années, plusieurs événements ont remis sur le devant de la scène cette notion cruciale de souveraineté, à commencer par la crise du Brexit et celle des Gilets jaunes. Pour Coralie Delaume, « l’organisation régulière de référendums « ordinaires » sur les grands sujets – et le respect scrupuleux du verdict des urnes – suffirait à étancher la soif de démocratie » de cette « France périphérique » oubliée de la mondialisation. Dans les faits, le dernier référendum organisé dans l’Hexagone eut lieu en 2005 – et son résultat foulé aux pieds, comme chacun sait. Enfin, la crise du Covid fut une nouvelle illustration des déboires de cette globalisation échevelée qu’on survend aux peuples depuis des décennies. La France souffre de ses abandons successifs, à commencer par son industrie qui la rend dépendante d’autres puissances. La relocalisation des industries et l’avènement d’un protectionnisme intelligent devraient donc constituer l’alpha et l’oméga des politiques nationales. Encore faut-il que le peuple soit en capacité de décider.

Car souveraineté nationale et souveraineté populaire sont en vérité les deux facettes d’une même médaille. La souveraineté est la condition même de l’existence de la démocratie, de l’autodétermination des peuples : dès lors que la nation est niée, le pouvoir du peuple l’est aussi. Coralie Delaume rappelle que la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen affirme dans son article 3 que « le principe de souveraineté réside essentiellement dans la nation. »

Or, honnêteté est de reconnaître que « l’Union européenne est le cadre d’airain qui emprisonne les souverainetés nationales », soumet et martyrise les États à grands coups de cure d’austérité made in BCE et n’est en vérité que « le foyer du libéralisme maximal » et « un grand marché dérégulé ». Pis, l’UE fait primer les « libertés économiques » inscrites dans les traités sur les droits sociaux nationaux. C’est la raison pour laquelle la réforme des retraites et celle de l’assurance-chômage actuelle sont en grande partie dues à notre inféodation à Bruxelles et risquent d’avoir lieu au mépris des acquis sociaux français.

Avec cet essai très accessible jalonné d’éclairants rappels historiques, Coralie Delaume fait une synthèse édifiante de l’état de l’Union en 2020… et le constat est sans appel : même au sein du marché européen, les pays sont « bien plus adversaires que partenaires ». Elle fait également le point sur l’euro et sur les raisons qui font que cette monnaie est plutôt favorable à l’Allemagne, mais non aux pays de l’Europe du Sud, qu’elle n’a cessé d’appauvrir et de pousser à s’endetter. « Des pans entiers de souveraineté absorbés par une bureaucratie », la BCE, qui elle seule maîtrise la monnaie : voilà notamment où le bât blesse.

Les populations souffrent et la rage sociale gronde : le plus gros risque réside-t-il dans l’émergence de leaders « populistes », ou dans une abstention massive ?

« L’idée selon laquelle voter serait devenu inutile est très largement partagée, notamment dans les catégories populaires, celles-là mêmes qui auraient le plus intérêt à un véritable et profond changement. » Coralie Delaume fait en quelques pages un bel éloge de la nation souveraine, dernier rempart pour amortir les chocs mondiaux et qu’il convient de restaurer urgemment. Et à ceux qui prétendent que nous sommes « trop petits » pour faire face aux grandes puissances, elle répond qu’il faut « se défier de ce poncif » émanant bien souvent des élites, grandes gagnantes de la mondialisation et peu enclines à rendre des comptes au niveau national.

Comme disait Charles Péguy, « seule la tradition est révolutionnaire ». Il s’agit donc de revenir à l’idée « éminemment moderne de nation », celle qui a « accompagné partout les mouvements d’émancipation » des peuples face aux empires depuis des siècles (et l’UE en est un, indéniablement).

Coralie Delaume laisse forcément de nombreuses questions en suspens, l’Histoire se faisant jour après jour sous nos yeux en temps réel : quid des questions d’identité ? De la montée de la violence politique ? De l’ensauvagement des sociétés ? Comment traiter l’immigration dans notre situation ?

Pour elle, il faut tendre vers une « réorganisation de la mondialisation et de l’Europe autour des nations et un réencastrement de l’économie dans le substrat social » et revenir à un « Etat planificateur et producteur, et non seulement régulateur et assureur du marché ».

A l’heure où la Pologne décide de rejeter la supériorité du droit européen, l’UE ignore si elle devra bientôt affronter un "Polexit,  ni à quelle crise financière gravissime à venir s’expose la zone euro.

Plus que nécessaire comme le dit Coralie Delaume, la souveraineté est indispensable – ou plutôt disons-le : vitale.

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