Réflexions sur la légitimité
TRIBUNE - Le président de la République (légitime), convoque (légitimement) les chefs de partis à une réunion. Et certains n’y vont pas ! Quid alors de la légitimité ?
Pour réfléchir sur cette notion de légitimité, remontons à la source : les élections. A cet égard, les élections présidentielles de 2017 et de 2022 seront peut-être, en fait de "légitimité", présentées par les historiens du futur comme des "scandales" parmi les plus gros de l’histoire politique française récente.
Pourquoi ?
En 2017 et en 2022 (depuis Maastricht, en fait), l’enjeu de la présidentielle est toujours le même : avoir un chef d’Etat qui ne remette pas en cause la liberté donnée aux financiers et aux gros industriels de faire ce qu’ils veulent, dans leur intérêt. Et qui ne se mette pas en tête de redonner aux citoyens l’entier usage de leur bulletin de vote, amputé de l’essentiel par le jeu du titre XV de la Constitution.
C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron fut trouvé par les gens de ces réseaux. Lesquels ont dû, nécessairement, trouver (comme cela se fait toujours avant de recruter quelqu’un) dans la psychologie de cette personne, dans sa vie privée, et dans sa trajectoire (sautant de poste en poste, dans le public et le privé), des éléments leur permettant de penser qu’ils pourront compter sur lui.
Problème : si Emmanuel Macron leur plaisait, il ne plaisait pas à suffisamment de Français. Pas plus de 20 ou 25 % des électeurs à vue de nez.
Alors, ils ont fait en sorte de reproduire, cette fois-ci artificiellement, avec le recours aux techniques les plus lourdes de manipulation, la situation de 2002 : faire en sorte que Marine Le Pen soit présente au second tour de la présidentielle. Et, entre les deux tours, l’agonir, afin de provoquer un vote anti-Le Pen.
Ce qui a fait que le nom d’Emmanuel Macron est sorti des urnes.
Ce qui explique probablement aussi qu’Emmanuel Macron et son équipe ne manquent pas de revendiquer à tout propos une légitimité due à l’élection. Ce qui relève d’un syllogisme au demeurant osé (qui occulte la part de la manipulation – donc, de vice du consentement – dans le résultat) (1). Comme est osé, le syllogisme tendant à faire croire que cet élu pense personnellement ou ce qu’il arrive à décider - par le jeu de l’exploitation mécanique des prérogatives attachées au poste -, est nécessairement légitime.
Quant aux juristes, ils produiront peut-être (au moins ceux qui ne se contenteront pas de paraphraser les textes) l’observation suivante.
La réforme de 1965 qui avait instauré l’élection du président de la République au suffrage universel direct, avait pour but de donner, grâce à une large assise populaire, aux successeurs du général de Gaulle, l'autorité que ces derniers ne tireraient pas, comme lui, de leur personne. Autorité pour imposer un fonctionnement "rationalisé" et décent au régime parlementaire.
Et voilà que la mécanique est utilisée pour procurer une autorité, non contre l’assemblée (et le régime des partis), mais en réalité contre le peuple. Puisque le "travail" du président de la République (comme celui des parlementaires) - ainsi que le prescrit le titre XV de la Constitution - est d’exécuter les instructions découlant de divers traités (organisant la liberté d’action des détenteurs du pouvoir économique et financier comme il a été rappelé ci-dessus) et de décisions prises à l’extérieur de la France.
Les historiens auront peut-être à allonger leurs développements pour les élections présidentielles de 2027 si, par exemple, Marine Le Pen est toujours volontaire pour jouer le même rôle. A moins que, d’ici là, des évènements surviennent au cours desquels les citoyens auront décidé qu’on ne les prendrait pas, une fois encore, pour des sots (1).
1) Lorsque l’élection d’un élu local est intervenue après une manœuvre déloyale (comme la distribution d’un tract mensonger dans la nuit précédant le scrutin), le juge de l’élection annule celle-ci. Dès lors que les techniques de manipulation sont connues et répertoriées, la possibilité existe que l’élection d’une personne à la présidence de la République soit pareillement annulée pour la même raison. Là encore, lorsque les citoyens se seront ressaisis…
2) On se rappelle, en effet, que lors des élections présidentielles de 2002, Jean-Marie Le Pen arriva en seconde position au premier tour. Ce qui n’avait été semble-t-il ni prévu ni organisé par personne. Et Jacques Chirac (qui récolta moins de 20 % des votes au premier tour) s’installa à l’Elysée après avoir bénéficié du vote anti-Le Pen.
Marcel-M. Monin est maître de conférences honoraire des universités.
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