La monnaie, partie 6 : une anecdote 

Auteur(s)
Charles de Mercy, pour FranceSoir
Publié le 30 septembre 2022 - 14:50
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La monnaie
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"Soyez-en certains : quand il s’agit de contrôler le grisbi, aucun État n’a de vraies limites."
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TRIBUNE - Des lecteurs penseront sans doute que, si rien ne change, nous nous dirigeons vers une dictature épouvantable.  

Puisque nous avons partagé par cette série d’articles plusieurs secrets, ou des discussions et des liens encore assez confidentiels, vous feriez mieux d’être informés que la Dictature, vous y êtes déjà. Et depuis très longtemps, une cinquantaine d’années en arrière.  

Il se trouve simplement que jusque-là, abondance oblige, vous n’en avez pas (trop) souffert. 

En fait, tout a commencé aux États-Unis. 

Le 15 août 1971 à 19 heures.  

Lorsque sans prévenir personne, M. Richard Nixon a suspendu la convertibilité du dollar en or – qu’il n’avait plus assez. Le 15 août, la mesure fut annoncée comme temporaire et voir un peu. Elle se poursuivra dans les accords de la Jamaïque, le 8 janvier 1976, qui la rendront définitive. Et qui s’était, déjà et de fait, comme généralisée en Occident au fil des ans, dans les cinq années situées de part et d’autre du 15 août 1971.  

La date est donc en partie symbolique ; le système monétaire dérivait vers cette conclusion. 

Ensuite, on a beaucoup écrit de considérations économiques et monétaires sur cette affaire. L’essentiel pourtant a été passé sous silence. Disons-le : le 15 août 1971 au soir, les Américains et les occidentaux ensuite ont, ni plus, ni moins, que perdu formellement leur Liberté.  

Pour le motif simple que, lorsque vous détenez une monnaie convertible en or et en argent, et bien vous détenez également les moyens autonomes de votre financement. Votre liberté pratique. N’importe où dans le monde, où que vous soyez sur Terre, directement ou moyennant d’autres anonymes. Sans avoir à négocier quoi que soit avec une Institution : vous avez de l’or et de l’argent en poche. N’importe qui vous prendra vos billets ou bien vous donnera votre métal précieux sans demander son reste, ni poser de question : c’est de l’Or.  

Si donc vous avez perdu ces moyens, eh bien, vous êtes structurellement comme la marionnette d’un État. Qui est encore et toujours, il ne faut jamais l’oublier, une Puissance essentiellement violente et tyrannique par nature comme par nécessité.  

Vous l’êtes individuellement, mais également collectivement, ce dont on parle beaucoup moins. Et pourtant, c’est cette situation aussi qui bloque ou freine les évolutions politiques et socioéconomiques qui seraient pourtant bénéfiques et nécessaires. 

Le fait est rarement évoqué : tant que des populations disposent de leurs propres moyens de financements autonomes, elles peuvent aussi, peu ou prou, se retirer d’un jeu politico-social qui ne leur convient plus du tout ; et alors, tout s’arrête assez vite. En sens inverse, et c’est le cas actuel, quand ces mêmes populations sont entièrement rendues dépendantes d’un système monétaire, eh bien, elles sont ni plus ni moins que tenues par une laisse qui ne dit pas son nom.  

Puisque, voyez-vous, pour faire plier un pouvoir, il faut aussi toujours un peu de temps. 

Si vos conditions d’existences mêmes, et la pauvreté de l’autonomie de vos moyens, se comptent en jours, alors la chance de faire plier quoi que ce soit est plutôt de l’ordre de zéro.  

Voyez, la monnaie, ça ne plaisante jamais.  

Même si, dans cette affaire-là d’or et d’argent-métal, l’étrangeté fondamentale est que, jusque-là, personne n’a vraiment su établir pourquoi autant d’hommes et de sociétés ont accordé autant de prix et de valeur à ce qui reste, quoi qu’on en dise, des métaux – et d’ailleurs, certaines sociétés se sont par le passé complètement moqué de l’or ou de l’argent. 

On pourra invoquer à ce sujet l’idée d’une convention sociale implicite, si intemporelle et universelle, qu’elle a en quelque sorte force de Loi cosmique.  

Ok. Ce faisant, on a simplement dit que l’or, c’est l’or ; et l’argent métal, le métal d’argent.  

Ou alors, il faudrait faire une hypothèse métallurgique, pour l’or en particulier, pour expliquer ce qui reste un très étrange phénomène de fascination (1). 

Quoi qu’il en soit de ce dernier point, ceci permet de dire que, à l’heure actuelle, vu les grabuges qui s’annoncent, détenir du cash en banque ou chez des assureurs, c’est de plus en plus périlleux, aggravé par des sécurités juridiques associées toujours plus faibles (2). En sens inverse, il est bien entendu recommandé de capitaliser discrètement (3) un peu d’or et d’argent en quantités fractionnées (des pièces plutôt que des lingots).  

Ce métal sera toujours utile. Mais pas trop d’or et d’argent : ces valeurs-là, dans un contexte tendu et si vous en déteniez trop, elles vous transformeront aussitôt en cible universelle, la chose est comme garantie, dans les grandes métropoles en particulier.  

Alors, de manière plus sensée, et on revient par là au territoire, pour aujourd’hui capitaliser une épargne efficace, discrète, et les moyens de sa liberté, il vaut plutôt mieux en revenir au Réel et à des choses utiles. C’est-à-dire, - raisonnablement… -, par exemple, des stocks de biens qui se conserveront des années durant sans soucis, s’ils sont entreposés au grand sec.  

Des conserves, des sacs de céréales diverses, des vins et des alcools, de l’huile et même des paquets de cacahouètes : 27 000 calories au kilo, c’est imbattable ; un être humain vit sur un seul kilo un mois durant et le tout se conserve dix ans ! 

Au-delà, on peut ajouter utilement des moyens énergétiques rustiques, du chauffage au bon bois, à quelques panneaux solaires bon marché. Puisque sans énergie autonome aussi, il est aujourd’hui difficile de simplement pouvoir agir au jour le jour de manière à peu près confortable.  

Et autant de productions réelles des territoires qui, le cas échéant, pourront également servir à toutes sortes d’échanges socioéconomiques sans aucune difficulté.  

Ne soyez jamais démunis et pris de court. 

Un 15 août 1971 en plus grave, ça peut être pour l’heure qui vient.  

 

Notes : 

(1) L’hypothèse métallurgique de la valeur « universelle » de l’or.  

L’or a pour caractéristique de pouvoir être trouvé sous forme de pépites, parfois énormes (le record est à 95 kilos, Australie, 2018). Il peut donc apparaître comme étant pur, au sens de natif, un produit absolument authentique de la Nature.  

Ensuite, c’est un métal à peu près inaltérable, éternel, également pur sous ce rapport : il ne s’oxyde pas. Il faudra d’ailleurs attendre 1300 et l’invention de l’eau régale, un mélange d’acides, pour qu’on sache le dissoudre.  

Enfin, c’est aussi un métal qui s’obtient assez facilement par une température de fusion plutôt basse (1064° C) et des procédés simples (amalgame avec du mercure) : sa métallurgie n’est donc pas très complexe. Sous ce rapport aussi, l’Or a pu apparaitre comme natif.  

En résumé, mais c’est une hypothèse, ce métal précieux peut avoir donné à l’origine le sentiment d’être doté d’une pureté originelle. Ce qui sied assez bien avec la préoccupation miroir d’échanges qui soient sains (cf. la deuxième découverte d’Aristote, plus haut). Et sous ce rapport également d’une fascination pour la pureté de l’or, on comprend mieux que, 2000 ans en arrière, le fils de l’Empereur Vespasien ait trouvé désagréable que l’argent de son père puisse avoir comme une odeur, celle de l’urine – pas très saine.  

C’est donc à ce stade une conjecture, mais tout semble indiquer que la valeur accordée à l’or par la plupart des sociétés humaines (et puis l’argent, un antiseptique naturel, auquel l’or est associé naturellement), ait en fait un rapport étroit avec l’idée de Pureté qu’on lui a trouvé.  

L’ironie, c’est alors de voir que l’or-monnaie, et puis la monnaie de manière générale, n’ont pu devenir sales… que par les manipulations humaines, trop humaines…, qui en ont été faites ! 

Ce qui, finalement, n’est que le récit de l’Histoire.  

(2) Officiellement, les dépôts bancaires font l’objet de garanties étatiques.  

En réalité, celles-ci sont faibles, ont été toujours plus réduites, et elles sont si faibles qu’en Europe, une banque faisant faillite peut maintenant, par l’effet de la Loi, se servir dans les comptes de ses clients pour se renflouer si besoin était (mécanisme du bail in).  

La banque comme coffre-fort, c’est de l’histoire ancienne.  

En France, le fond de garanti des dépôts bancaires est au niveau de 6 milliards d’euros. En face, l’encours de l’épargne est à…. 6 000 milliards, dont 800 milliards de cash. 

1 pour 1000 à 1 pour 100 environ : la sécurité est chiche ! Voir aussi :  "Dépôt bancaire : le fonds de sécurité pour les épargnants n'a jamais été aussi fourni" par Les Échos, et "Les mécanismes du bail in" par Ifpass.

Juridiquement parlant, la seule vraie protection dont les épargnants dispose est que leurs économies soient capitalisées sous forme d’obligations, dont la propriété leur appartient personnellement. Partant de là, le Droit de la propriété, élémentaire, rend beaucoup plus difficile qu’on puisse mettre la main dessus sans réaliser un vol. 

Tout le reste, ça peut aujourd’hui s’immobiliser et s'accaparer d’un clic depuis Bercy.  

(3) Les marchés et le commerce de l’or et de l’argent-métal ne sont plus libres et anonymes dans beaucoup de pays. Et depuis la crise de 2008, la traçabilité de ses échanges, - et savoir qui détient quoi -, a été accrue de manière considérable par divers moyens, en France en particulier. 

Si donc on détient de l’or et de l’argent, l’organisation doit être en conséquence.  

Des agents de police qui viennent frapper aux portes des particuliers et les piller de leur or, ça s’est déjà vu. À partir de mai 1933 par exemple. Mais pas dans l’Allemagne de Monsieur Hitler !  

C’était aux États-Unis, sous l’effet F. Delano Roosevelt, - et oui, un Démocrate… -, qui en interdit alors la détention purement et simplement. Amendes sévères et dix ans de prison à la clé pour les récalcitrants.  

Soyez-en certains : quand il s’agit de contrôler le grisbi, aucun État n’a de vraies limites.  

 

Charles de Mercy est analyste, président de BulletPoint, inventeur de la sémio-morphologie (2008), une méthode d'analyse du langage.

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