Apologie du terrorisme : pourquoi les immunités de Gilbert Collard et de Marine Le Pen ont été levées
Le poids des mots, le choc des photos. L'Assemblée nationale a voté ce mercredi la levée de l'immunité parlementaire du député FN Gilbert Collard, poursuivi pour diffusion d'un "message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine" ayant été "susceptible d'être vu ou perçu par un mineur". L'élu avait ainsi retweeté un message de Marine Le Pen: la photo d'un homme gisant au sol, le crâne défoncé. Le tout accompagné du commentaire "Bourdin compare le FN à Daech: le poids des mots et le choc des bobos!", après que le journaliste de BFMTV ait supposément comparé le parti frontiste au groupe terroriste Etat islamique.
"La presse m’apprend que, pour un tweet, l’Assemblée a levé mon immunité que l’ancienne n’avait pas levée: je les trouve ridicules!", a répondu dans la foulée de l'annonce, ce mercredi, Gilbert Collard sur son compte Twitter. Puis de contre-attaquer en séance à l'assemblée ce mercredi en assurant "ne pas avoir le cancer de la lâcheté, de la soumission (...). Prenez garde quand même: ce qui arrive à l'un peut arriver à l'autre (...). Il y aura je l'espère un procès et j'aurais l'honneur de faire citer bien des personnes, bien des personnes (il insiste, NDLR) et on pourra s'expliquer". Visant par cette dernière phrase le président de l'Assemblée François de Rugy qu'il accuse, cité par Franceinfo, de "vengeance politico-judiciaire".
Retour sur les faits qui sont reprochés au député frontiste, ainsi qu'à Marine Le Pen, qui a vu son immunité levée par le Parlement européen en mars pour la même affaire, sont pourtant graves. Tous deux encourent une peine de trois ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
Mercredi 16 décembre 2015, la présidente du FN est invitée de la matinale de BFMTV-RMC. Jean-Jacques Bourdin lance: "Je voudrais revenir sur les liens... euh... entre Daech et le Front... enfin les liens, pas les liens directs entre Daech et le Front national, mais ce repli identitaire, qui finalement est une communauté... d'esprit, parce que l'idée pour Daech c'est de pousser la société française au repli identitaire". Colère de la frontiste, qui tweete dans la foulée des images d'exactions du groupe terroristes: un homme vêtu d’une combinaison orange sous les chenilles d’un char, un homme en feu dans une cage et un corps d’homme décapité avec la tête posée sur la poitrine. "Daech c'est ça!" pour seul commentaire.
Outre la polémique, la justice s'empare du dossier car les photos ne sont pas censurées. La mort, la violence extrême sont ainsi jetés à la face des centaines de milliers d'internautes suivant Marine Le Pen sur le réseau social. En retweetant, c'est-à-dire en republiant, Gilbert Collard en a fait de même avec ses dizaines de milliers d'abonnés.
La polémique prend encore de l'ampleur le lendemain, jeudi 17 décembre, avec la réaction des parents de James Foley. Leur fils, un journaliste américain, avait été exécuté par un bourreau de Daech en août 2014 et c'est sa photo (celle de la tête décapitée posée sur sa poitrine) que la présidente du FN a diffusée. "Voudriez-vous voir aux informations une photo de votre fils avec la tête tranchée? Je ne veux pas que ce souvenir de Jim soit ainsi partout. Jim, ça n'été pas que cela. On a le sentiment que c'est très mal de sa part (celle de Marine Le Pen, NDLR) de rajouter encore de la douleur sur la famille" avait réagi Diane Foley, sa mère.
Ce mercredi, Gilbert Collard a donc préféré dénoncer une machination "politico-judiciaire". Une ligne qu'avait déjà choisie Marine Le Pen en mars dernier, lorsque les eurodéputés ont décidé de lever son immunité parlementaire. "Je suis députée, je suis dans mon rôle quand je dénonce Daech", s'était-elle alors défendue, dénonçant "une enquête politique".
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Dans le détail:
Les 22 députés du bureau de l'Assemblée nationale ont voté ce mercredi pour "autorise(r) le juge à délivrer un mandat d’amener à l’encontre de M. Gilbert Collard, dès lors qu’il apparaîtrait nécessaire pour le contraindre à assister à son interrogatoire de première comparution". L'élu frontiste devra donc désormais se rendre aux convocations du juge.
La décision a été validée à l'unanimité moins une voix, celle de la députée de la France insoumise Clémentine Autain. "Les députés Insoumis sont en désaccord total avec ce qu'a fait Gilbert Collard, que nous combattons politiquement de toutes nos forces. Mais le bureau ne statue pas sur le fond. Ce qui s'est joué ce matin est une remise en cause de fait de l'immunité parlementaire, dans des délais pas démocratiques (...) LREM joue avec le feu", s'est-elle justifiée.
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