Après Benalla, la forteresse élyséenne ébréchée par un Parlement revigoré

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Par Paul AUBRIAT - Paris (AFP)
Publié le 02 août 2018 - 15:13
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Une vue aérienne de l'Elysée, le 14 janvier 2015
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© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives
L'affaire Benalla a relancé le procès, instruit par les oppositions, de la toute-puissance de l'Élysée permise par la pratique de la Constitution. Au passage, elle a fait redécouvrir aux parlementaires la commission d'enquête.
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L'affaire Benalla a relancé le procès, instruit par les oppositions, de la toute-puissance de l'Élysée permise par la pratique de la Constitution. Au passage, elle a fait redécouvrir aux parlementaires la commission d'enquête, un outil efficace de contre-pouvoir.

"Toute-puissance de l'Élysée, sans frein", pour le président LR de la commission des Lois, Philippe Bas; fonctionnement "autoritaire et populiste" pour le patron du PS, Olivier Faure: la dénonciation d'une "dérive" de l'Élysée a scandé l'affaire Benalla dès les premières révélations du Monde sur les violences dont est accusé l'ex-collaborateur du président Emmanuel Macron.

"De la mauvaise foi!", conteste auprès de l'AFP le professeur de droit public Didier Maus, pour qui "tout ça fait partie du discours politique", dans une affaire Benalla qui "n'a pas remis en cause" le mécanisme des institutions.

Car si le chef de l'Etat s'est présenté comme "le seul responsable" de l'affaire devant sa majorité, la Constitution dispose sans ambigüité que "le président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité".

"Ce qui est sûr, c'est que cette affaire souligne tout à la fois le pouvoir quasi-absolu du chef de l'État et un sentiment de toute-puissance aujourd'hui contrarié", fait néanmoins valoir à l'AFP le président du Cercle des constitutionnalistes, Dominique Chagnollaud, selon qui l'attitude du président "fait furieusement penser au +responsable mais pas coupable+", formule popularisée par Georgina Dufoix en 1991, alors mise en cause dans l'affaire du sang contaminé.

- "La Vè se porte bien !" -

La secousse Benalla pourrait-elle faire évoluer les institutions? Si l'affaire sert désormais d'argument aux oppositions pour combattre la révision constitutionnelle, aucune d'entre elles n'a réclamé pour autant que le président devienne responsable devant le Parlement.

"La Vè République se porte très bien!", soutient Didier Maus, même si Dominique Chagnollaud appelle à "poursuivre le rééquilibrage entre les pouvoirs initié par la révision constitutionnelle suivant les recommandations du comité Balladur", dont il faisait partie.

L'hypothèse d'une audition du président par les commissions d'enquêtes parlementaires a en outre été rapidement écartée, "contraire au principe de séparation des pouvoirs", juge Dominique Chagnollaud. "Encore heureux", souffle d'ailleurs un cacique socialiste, "ou alors il faut réfléchir très vite à un changement de régime".

- "Ils ne lâcheront pas" -

Face à la forteresse élyséenne, les deux motions de censure déposées par les oppositions, qui ne pouvaient viser que le seul gouvernement, se sont logiquement révélées vaines. Didier Maus est toutefois convaincu que la mise en place de deux commissions d'enquête parlementaires "créera un précédent".

"C'est la première fois qu'on voit les auditions en direct, on fait venir tout le monde, le préfet de police, ses subordonnés... Ça relève presque de la technique du juge d'instruction", s'enthousiasme le professeur de droit, selon qui les parlementaires, qui redécouvrent ce contre-pouvoir, "ne le lâcheront pas".

Si la technique n'est pas nouvelle, - "les commissions d'enquête parlementaires sont apparues sous la monarchie de Juillet", rappelle Dominique Chagnollaud - , l'ampleur et l'intérêt qu'elles ont suscité semblent inédits. "Si, lorsqu'on en a fait une en 1986 après la mort de Malik Oussekine, on avait fait comparaître en direct (les ministres chiraquiens de l'époque) Charles Pasqua et Alain Devaquet, ça aurait eu de l'allure...", sourit Didier Maus.

Le coup d'éclat parlementaire aura-t-il des conséquence sur le président? "Le maître des horloges en a pris un coup", note Didier Maus. "Et ça, ça va rester."

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