Financement libyen : Djouhri va-t-il entraîner Sarkozy dans sa chute ?
Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue ce mardi 20 au matin dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). Les enquêteurs veulent entendre l'ancien président sur un financement présumé de sa campagne de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi. Un dossier ouvert depuis 2013 et dont les investigations auraient "considérablement avancé" selon Le Monde, qui évoque une possible mise en examen de Nicolas Sarkozy à l'issue de sa garde à vue.
Une audition dont le timing confirmerait la progression récente de l'enquête. Ainsi, l'homme étant soupçonné d'avoir été l'intermédiaire entre le régime de Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy, Alexandre Djouhri, a été arrêté début janvier à l'aéroport de Londres. S'apprêtait-il à quitter le territoire britannique? Quoi qu'il en soit c'est le moment qu'ont choisi les Anglais pour mettre à exécution le mandat d'arrêt européen émis par la justice française.
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Relâché après cinq nuits derrière les barreaux, mais assigné à un strict contrôle judiciaire, l'intermédiaire frayant avec le plus haut niveau des milieux d'affaires et politiques français depuis des décennies a été de nouveau arrêté fin février. "Les autorités françaises et britanniques ont eu vent d’un projet d’exfiltration d’Alexandre Djouhri. Des informations précises sont parvenues, évoquant notamment la mise à disposition d’un avion privé par un homme d’affaires russe", confiait une source porche de l'affaire citée par L'Obs. Un homme d'affaire qui ne serait autre que le beau-père de son fils, un oligarque russe très proche de Vladimir Poutine.
Car Alexandre Djouhri a le bras long. Très long. Proche des premiers cercles chiraquiens et sarkozystes et intermédiaire pour les plus grandes entreprises françaises (il est par exemple intime de Serge Dassault qu'il surnomme "Sergio bin Marcel") cet ancien truand de d'Argenteuil est aussi ami avec des responsables policiers de haut rang. Et si la plupart de ses appuis ne sont désormais plus en poste, tous restent des hommes avec de solides entrées dans les cercles du pouvoir.
"Personne ne veut que tu rentres en France", confiait ainsi au téléphone l’ancien juge Alain Marsaud à Alexandre Djouhri, en novembre 2015. Cet échange entre les deux hommes intercepté par les enquêteurs, une parmi de nombreuses autres révélées par Mediapart, se poursuivait: "Ils ont trop peur que tu… parles (…). Tu vas demander à Sarkozy s'il est pressé que tu rentres". Puis le juge de se faire bien comprendre: "il (Nicolas Sarkozy, NDLR) préfère que tu sois pas en France, que t'ailles pas voir le juge".
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Des mots lourds de sous-entendu à l'aune de l'implication d'Alexandre Djouhri dans le dossier libyen. C'est ainsi "Monsieur Alexandre", son surnom, qui a organisé la fuite du territoire français de Béchir Saleh. Cet homme, le grand argentier de Mouammar Kadhafi, a pris le large alors que la justice s'apprêtait à s'intéresser à son rôle dans des transferts d'argent entre le régime dictatorial et l'entourage de Nicolas Sarkozy. Réfugié en Afrique du Sud, Béchir Saleh vient par ailleurs d'être victime d'une tentative d'assassinat, fin février sur la route de l'aéroport de la capitale Pretoria.
C'est Djouhri encore qui aurait servi à faire transiter des fonds libyens vers les comptes en banque de messieurs De Villepin et Guéant. Djouhri enfin dont la perquisition du domicile genevois, en 2015, a permis aux policiers de mettre la main sur des documents suffisamment sensibles pour déclencher une bataille judiciaire pour qu'ils ne soient pas transmis à la justice française. Bataille perdue par l'intermédiaire: les éléments ont finalement été transmis en toute fin de l'année 2017 aux juges tricolores.
Dans la foulée, donc, le mandat d'arrêt européen était lancé et l'homme arrêté. Et c'est désormais au tour de Nicolas Sarkozy d'être inquiété, comme le prouve son audition sous le régime de la garde à vue -exceptionnel pour un ancien président- de ce mardi.
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