Financement libyen : Takieddine dit avoir été "manipulé" et charge Sarkozy

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Par Guillaume DAUDIN - Paris (AFP)
Publié le 17 février 2022 - 21:25
Mis à jour le 18 février 2022 - 14:20
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L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine (c) au palais de justice de Paris, le 7 octobre 2019
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© Bertrand GUAY / AFP/Archives
L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine (c) au palais de justice de Paris, le 7 octobre 2019
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Connu pour ses déclarations aussi fluctuantes qu'à charge, l'intermédiaire Ziad Takieddine a livré en novembre à Beyrouth sa version du retrait fin 2020 de ses accusations de financement libyen visant Nicolas Sarkozy: il affirme avoir été "manipulé" et charge l'ex-président.

Depuis mai, deux juges enquêtent sur ce qu'ils décrivent comme une "affaire d'une gravité majeure".

Ils soupçonnent entre autres l'escroc Noël Dubus, la "papesse" des paparazzi Mimi Marchand ou le publicitaire Arnaud de la Villesbrunne d'avoir payé ou promis de rétribuer M. Takieddine, avec l'éventuel aval de Nicolas Sarkozy, pour qu'il retire ses propos accusant l'ancien chef de l'Etat d'avoir touché de l'argent de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne présidentielle victorieuse de 2007.

Dans un entretien en novembre 2020 à Paris Match et BFMTV, le Franco-Libanais avait opéré une spectaculaire volte-face, aussitôt acclamée par Nicolas Sarkozy.

Son revirement avait été confirmé dans une "sommation interpellative" transmise à la justice le mois suivant... avant que, nouveau coup de théâtre, il ne revienne peu ou prou à sa version initiale en janvier 2021 devant les juges.

En fuite au Liban après sa condamnation dans l'affaire Karachi en juin 2020, Ziad Takieddine, 71 ans, a été récemment incarcéré et a répondu les 11 et 12 novembre à Beyrouth aux deux juges et à un procureur financiers parisiens pour la première fois.

Dépeint comme versatile, accusé de "mentir sans arrêt" lors du procès Karachi, il a expliqué, dans un interrogatoire dont l'AFP a eu connaissance, avoir voulu à l'époque donner sa "vérité" mais s'être retrouvé victime d'une "manipulation".

Sa déclaration de 30 secondes à BFMTV ? "Truquée", "je n'ai pas exactement dit ce qui a été diffusé". L'article de Paris Match ? "Confusion", car le journaliste "a mis son point de vue".

- "Ni promis, ni payé" -

Quelle est donc sa "vérité" ? Le premier jour de son interrogatoire, le septuagénaire martèle avoir "toujours dit la même chose (...) Sarkozy n'a pas touché un centime des Libyens pour sa campagne présidentielle de 2007. Ni de moi, ni d'autre."

"Vous a-t-on promis de l'argent en échange de vos déclarations en faveur de Nicolas Sarkozy ou contre les juges" ? "Non, ni promis ni payé ni demandé", répond l'intermédiaire.

Après quelques colères, consignées sur PV, contre les éléments que lui opposent les magistrats, et une nuit de sommeil, il promet le lendemain "toute la vérité" et nuance ses propos: "Je n'ai jamais dit que M. Sarkozy n'avait jamais reçu d'argent mais j'ai dit que M. Sarkozy n'avait pas reçu d'argent de moi personnellement".

M. Takieddine charge alors l'ex-président et d'autres. "Les phrases qu'on m'a demandé de dire durant l'interview étaient des phrases ambiguës laissant croire que (Sarkozy) n'avait rien touché, et qui avaient fait l'objet d'un accord de la part de (celui-ci) et Thierry Herzog", son avocat.

A ce stade, MM. Sarkozy et Herzog ne sont pas mis en cause dans ce volet du dossier.

"C'est Mimi Marchand", intime des couples Macron et Sarkozy, "qui m'a demandé avant l'interview de dire (ces phrases)", poursuit-il.

L'enquête de la police a mis au jour des transferts d'argent de certains protagonistes français du dossier vers des proches de Ziad Takieddine au Liban qui pourraient constituer un paiement de sa rétractation.

L'intermédiaire confirme ces transferts, mais précise qu'ils n'ont pas servi à payer son témoignage mais plutôt un placement au Maroc et une protection contre la milice chiite pro-iranienne du Hezbollah.

Au risque de se contredire, l'intermédiaire acquiesce lorsque les juges évoquent l'hypothèse que cet argent pourrait avoir servi à "l'appâter" mais conteste l'avoir touché ou en avoir eu connaissance.

- "Appât" -

Il finit par assurer que les versements étaient "pour ce fameux article dans la presse", mais maintient qu'il n'y est pour rien.

Juste avant de conclure, il évoque un volet récent de l'enquête: les soupçons de tentative de corruption de magistrats libanais pour faire libérer le fils de Mouammar Kadhafi détenu au Liban.

Les magistrats soupçonnent certains protagonistes d'avoir voulu faire sortir Hannibal Kadhafi de prison pour qu'il fournisse d'éventuels éléments de preuve innocentant Nicolas Sarkozy des accusations de financement libyen.

Ziad Takieddine accuse l'ex-chef de l'Etat d'avoir "dépensé 100.000", sans préciser la devise, "pour soudoyer des juges libanais pour faire libérer le fils Kadhafi".

Mimi Marchand, qui conteste toute tentative de subornation de témoin et dont l'avocate Caroline Toby n'a pas souhaité réagir, avait semblé suggérer dans une écoute que Nicolas Sarkozy était informé de ces démarches.

Sollicité par l'AFP, l'entourage de l'ancien chef de l'Etat a indiqué que "ces déclarations prêtées à M. Takieddine sont ridicules, sans fondement et ne sont étayées par aucun élément concret. C'est une nouvelle version qui fait suite à tant d'autres".

Ziad Takieddine, mis en examen pour "corruption" dans l'enquête principale sur les soupçons de financement libyen, n'a pour l'instant pas été inquiété dans ce volet sur sa "rétractation", dans lequel au moins huit personnes sont mises en examen.

La plupart contestent avoir tenté d'orienter le témoignage de l'intermédiaire.

Le 25 novembre, une communicante l'a été pour "complicité" de subornation de témoin et pour "association de malfaiteurs", soupçonnée d'avoir travaillé sur la rétractation de M. Takieddine et d'avoir envoyé de l'argent.

"J'ai jamais eu le sentiment d'œuvrer contre la justice française", s'est-elle défendue devant les juges, désolée d'avoir été "idiote et crédule".

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