Impôt - Ce que cache le projet de disparition totale de la taxe d'habitation, voulue par Emmanuel Macron
Candidat, Emmanuel Macron avait fort bien détecté l'impact positif d'une mesure annonçant une baisse d'impôt. Vieille ficelle électorale s'il en est. Ainsi, il a recouru à cet exercice verbal pour l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), pour la taxation de l'épargne (flat-tax devenue PFU) et pour la trop fameuse taxe d'habitation. Pour cette dernière, il a placé délibérément la barre aussi haute que possible: il devait s'agir d'exonérer 80% des redevables.
Mais, à la lecture de la loi de finances pour 2018, on constate qu'il y a un fossé entre les paroles et les actes. L'exonération se fera par tiers, donc sur plusieurs années, et surtout elle est compensée pour les collectivités locales -ce qui n'est que justice- mais pose une question. Qui va payer la compensation annuelle de 10 milliards d'euros sinon le contribuable national? C'est-à-dire vous et moi! Loin des grands mots, cette affaire ressemble à s'y méprendre à un jeu de bonneteau avec aux manettes un ancien inspecteur des Finances devenu président de la République doué d'habileté pour ce qui concerne les comptes publics.
Concrètement, l'exonération va se dérouler en trois étapes. Pour les contribuables qui n'excèdent pas un seuil de revenus, la taxe d'habitation va être diminuée de 30% en 2018. L'année de référence étant celle de 2017 pour la taxe de 2018 et ainsi de suite jusqu'à l'exonération à 65% en 2019 et 100% en 2020. Afin de ne pas pénaliser les assujettis situés autour du revenu fiscal de référence fixé à 27.000 euros (pour un célibataire), il a été prévu un dispositif dégressif qui ne va pas faciliter nos calculs de contribuables.
Aller plus loin: Suppression et seuils de la taxe d'habitation: combien allez-vous payer?
Là où les choses deviennent moins attrayantes, c'est qu'il ne faut pas omettre d'ajouter les revenus des placements et assimilés au RFR (revenu fiscal de référence). En clair, l'exonération risque de ne pas concerner 80% des contribuables contrairement à l'engagement présidentiel.
D'ailleurs, Emmanuel Macron a indiqué après le vote du PLF 2018 que la totalité de la taxe d'habitation serait supprimée puisqu'il s'est engagé fin novembre à une refonte totale de la fiscalité locale devant le congrès de l'AMF (Association des maires de France). Le big-bang devant être inscrit dans les textes budgétaires de 2020.
La lucidité impose de voir les choses en face: nous allons être un peu déçus par la baisse étriquée de la taxe d'habitation tandis que l'on doit s'attendre à une hausse de la taxe foncière qui viendra frapper de plein fouet les propriétaires d'ici à 2020 où elle pourrait (au conditionnel, donc) elle aussi être supprimée.
Un point est acquis dans l'esprit du président et de ses proches conseillers, le niveau de revenu d'activité des contribuables sera inclus dans les bases de décompte du futur impôt local. Autant dire que des profondes distorsions existeront et qu'un calcul moyen au mètre carré aura encore moins de sens qu'avant.
Tel est le paradoxe français, le candidat Macron loue la valeur travail tandis que le président de la République compte inclure les fruits du travail dans les bases de calcul d'un nouvel impôt local qui sera "gratiné". D'autant que le Conseil constitutionnel a tout récemment rappelé son attachement et sa vigilance au principe d'autonomie financière des collectivités territoriales qui découle de l'article 72 de la Constitution.
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