Impôts - Réforme ISF : pourquoi l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) pourrait être le fardeau de Macron
Le gouvernement a confirmé son intention de réformer l'ISF via la récente publication du projet de loi de Finances (PLF) pour 2018. Ce dossier est bien plus poisseux qu'il n'y parait et il est surtout bien plus instable que ne le laisse croire la communication étatique. En fait, peu de gens ont souligné que juridiquement, il va y avoir suppression (éradication par abrogation intégrale) de l'ISF et création ex nihilo de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). On efface et on reprend à partir d'une page blanche.
Dans ce type de configuration et compte-tenu de la charge sociétale émotionnelle qui entoure la fiscalité du patrimoine, il est évident que bien des députés (même LREM) vont avoir des fourmillements dans les jambes à l'idée de déposer un ou plusieurs amendements.
Selon mon ressenti et mon analyse des forces en présence, je doute que l'IFI applicable dès 2018 ressemble fidèlement aux modalités récemment présentées au sein du PLF 2018 passé en Conseil des ministres.
Premier élément, Bercy va être devant un manque à gagner qui va lui paraître insupportable. L'ISF rapportait près de 5 milliards, le rendement attendu de l'IFI est de 850 millions d'euros! Voir s'évaporer 4 milliards est un crève-cœur pour une structure administrative qui a réussi à mettre dans l'embarras jusqu'au président de la République pour les trop fameux 150 millions des APL. Il y aura donc une amicale pression du ministère de l'Economie et des Finances sur certains élus de la majorité pour accroître le rendement de l'IFI.
Deuxième élément, de nombreux clapets peuvent être actionnés pour rendre l'IFI plus attrayant pour l'Etat. On peut remettre en cause tout ou partie de l'abattement (actuellement égal à 30% ) sur la résidence principale et ainsi assurer l'essor du rendement du nouvel impôt.
Troisième élément, rien n'étant figé dans le marbre, puisqu'il s'agit – je le répète d'un nouvel impôt -, on peut concevoir de modifier l'ancien barème de l'ISF. Soit en modifiant les tranches, soit en modifiant les taux. Ce deuxième cas étant politiquement plus sensible mais comment parler de sensibilité lorsqu'il s'agit des intérêts de moins de 400.000 personnes qui sont scrutés avec une passion égalitariste poussée à l'extrême par près de 40 millions de contribuables éclairés.
Dans les bureaux, dans les usines, dans les repas de famille, cette histoire d'ISF reconfiguré fait déjà beaucoup parler et assoit durablement l'équation: Macron = le président des riches. Quand je vous disais que ce dossier était poisseux, il suffit de se remémorer son coût politique en 1986 pour un certain Premier ministre de cohabitation nommé Jacques Chirac.
Quatrième élément, l'ISF a vu des contentieux et connu des conflits interprétatifs. L'IFI sera bien pire, c'est une certitude et plus qu'une simple conviction. En effet, le détourage des biens imposables va être complexe et évolutif. Dans le cas d'une assurance-vie en unités de compte, elle doit normalement être une valeur mobilière et être sortie du périmètre de l'IFI. Mais que se passe-t-il dans les cas, fréquents, où votre établissement teneur a glissé des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) dans votre portefeuille d'assurance-vie. Cette quotité doit alors relever de l'imposition à l'IFI. De même si le contribuable détient une société civile immobilière (SCI) de famille qui dispose de trésorerie donc d'un actif financier au bilan de l'entreprise. Si les immeubles de la SCI relèvent de toute évidence d'une taxation à l'IFI, quid des liquidités? Même remarque pour les SA dite "à prépondérance immobilière". Quels éléments d'actifs retenir?
Cinquième élément, je veux bien comprendre qu'un chef d'entreprise qui transmet, au terme d'une longue carrière, son entreprise puisse bénéficier d'une forme de maintien de son exonération pour détention de droits sociaux. Agréable ou non, c'est une mesure qui aurait du sens pour éviter que le patron vendeur ne soit rapidement un candidat à l'exil fiscal, au Portugal ou en Belgique.
En revanche, j'ai du mal à appréhender la justice ou l'intérêt économique consistant, avec le nouvel ISF, à ne plus taxer les signes extérieurs de richesse. Certains modèles de Bentley dépassent le seuil de déclenchement de l'IFI en matière immobilière. Il y a là quelque chose de très inconfortable hors l'écume des choses.
Quand les députés de La France insoumise vont, en pleine discussion budgétaire, recourir à des exemples sucrés de vrais riches, la note sera salée pour la popularité de l'exécutif. C'est l'évidence. A trop lâcher la bride aux possédants, Emmanuel Macron invente un puissant effet boomerang sur le terrain politique.
Alors, certains avancent la théorie du ruissellement selon laquelle les ultra-riches abondent tout le circuit économique comme une pyramide de coupes de champagne. Ronald Reagan pensait ainsi. Il y a probablement une part de vrai mais le problème c'est qu'aucune étude économique digne de foi ne l'a encore démontré pour le cas d'un pays européen. D'autres estiment qu'il faut tarir le flux d'exilés fiscaux ce qui est effectivement une vraie question.
Enfin, comment ne pas songer à ses propriétaires de lourdes maisons de famille qui craignent déjà que le plafonnement à 75% (rapport ISF sur impôt sur le revenu et taxes foncières) ne soit remis en cause alors qu'ils ont des retraites limitées?
DSK avait eu, en son temps, une intéressante formule en indiquant que "l'ISF embête les millionnaires et ne gêne pas les milliardaires". Sur ce point, tout le monde sera d'accord, son jugement va parfaitement trouver à s'appliquer au futur IFI qui sera, tel un nid de frelons, une source de contentieux tant il est manifeste que l'on ne découpe pas un patrimoine (mobilier versus immobilier) comme on découpe, une par une, les dents crantées d'un timbre-poste. Les réalités économiques patrimoniales sont plus complexes et nous le savons tous ne serait-ce que par le droit des successions.
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