La prostitution sur Internet peu menacée par la nouvelle loi
"Mec viril très chaud pour réel sexe", tarif "150 euros/heure": sur internet, vendre son corps se fait librement. Sans grande menace à attendre de la loi sur la prostitution, que l'Assemblée nationale devait adopter ce mercredi 6.
Près de 5.600 escorts hommes offrent leurs services sur planetromeo.com, site de rencontre gay. Ladyxena.com, l'un des multiples portails d'escorts féminines, permet de sélectionner sa partenaire selon sa ville, son "ethnie", son âge "minimum" ou "maximum", sa "taille de bonnet" ou encore ses "cheveux". "Comme les sites sont basés à l'étranger, ils ne peuvent pas les faire tomber", commente toutefois Thierry Schaffauser, représentant du Syndicat du travail sexuel (Strass), lui-même référencé sur planetromeo.
La proposition de loi sur la prostitution, dont la mesure phare prévoit la pénalisation des clients, et qui sera définitivement adoptée mercredi après un long parcours parlementaire et d'âpres débats, comporte bien un volet internet. Son article 1 imposera aux hébergeurs et fournisseurs d'accès de mettre en place un système permettant aux utilisateurs de signaler des contenus frauduleux. Information qu'hébergeurs et fournisseurs d'accès devront ensuite impérativement rapporter aux autorités.
Mais un tel dispositif, qui existe déjà pour lutter contre la pédophilie et le terrorisme, se prête mal à la lutte contre la prostitution, remarque Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de la communication. La grande partie des pages pédopornographiques ou djihadistes bloquées le sont en effet via des algorithmes. Or un tel contrôle automatique est "impossible" pour la prostitution car le "risque d'erreur" serait trop grand, observe-t-il. Et d'expliquer: une machine ne peut faire la différence entre une femme dénudée et une prostituée dans une posture lascive. La "modération humaine" est davantage envisageable, mais vérifier tous les contenus nécessiterait "énormément de monde", note M. Ertzscheid.
D'autant que les escorts passent déjà un temps "incroyable" à placer et déplacer leurs annonces aux quatre coins de la toile, une activité qui peut leur prendre "plusieurs heures par semaine", constate Laurent Mélito. Pour ce sociologue, qui étudie le milieu depuis des années, épurer le net de la prostitution relève de "l'illusion totale". "Les sites de rencontre type Meetic sont un des grands paramètres de mise en relation entre prostituées et clients. Puis les gens se téléphonent. Comment contrôlez-vous ça ?", s'interroge-t-il.
Sur wannonce.com, un portail généraliste, une jeune femme propose "un instant de tendresse et de câlins" entre adultes ayant "la tête sur les épaules", le tout accompagné de photos d'elle en petite tenue. Impossible a priori de déterminer s'il s'agit de prostitution ou de la quête d'un rendez-vous galant. Idem pour cette sollicitation d'un "homme prévenant et attentionné", qui aimerait "rencontrer une femme douce pour des massages naturistes... partagés".
"Les gens tapinent partout : sur les petites annonces, les chats, dans la rue, dans les cafés... c'est incontrôlable", réagit "Flo", salariée de Grisélidis, une association de santé pour travailleurs du sexe basée à Toulouse. Alors que, selon les estimations officielles, la France compte de 30.000 à 40.000 prostitué(e)s, aucune statistique ne permet de dire combien d'entre eux/elles oeuvrent sur internet. A titre d'exemple, Grisélidis estime qu'en Midi-Pyrénées, où près de 500 femmes se vendent dans la rue, presque autant le font sur la toile.
La loi a pour "objectif inavoué" de faire "disparaître la prostitution des rues", "la plus visible", pratiquée majoritairement par des étrangères, "sous couvert de les protéger", dénonce Flo. "Mais les gens vont continuer à s'échanger leurs numéros de téléphone pour des prestations sexuelles tarifées. C'est impossible de les en empêcher".
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