L'Ile-de-France supprime les aides aux logements "très sociaux" dans les "ghettos"
Le Conseil régional d'Ile-de-France présidé par Valérie Pécresse (LR), a supprimé ce jeudi 17 mars les aides aux logements "très sociaux" dans les communes qui en ont déjà beaucoup, pour "lutter contre les ghettos", une mesure controversée rejetée par l'opposition de gauche. Cette mesure dite "dispositif anti-ghettos", a été adoptée par 134 voix pour (la majorité LR-UDI-MoDem et le FN), et 63 contre (PS, EELV, FG, Radicaux de gauche). Avec cette délibération, le Conseil régional met fin au financement des logements sociaux pour les ménages plus modestes (PLAI, dit logements "très sociaux") dans les communes qui ont déjà 30% de logements PLAI et PLUS (logements sociaux pour les classes moyennes modestes).
Sur 1.300 communes franciliennes, 90 d'entre elles concentrent aujourd'hui 66% du parc social, a souligné Geoffroy Didier, vice-président chargé du logement, estimant "urgent de ne pas empiler de la pauvreté sur la pauvreté", et assumant "de vouloir briser la logique infernale des ghettos". "La région pérennisera le financement de l'aide au logement social et très social" et continuera à financer la rénovation urbaine de ces logements, a-t-il assuré, mais "nous voulons procéder à un rééquilibrage territorial".
"Dispositif anti-pauvre", "politique ségrégationniste", "position idéologique et anti-sociale": l'opposition de gauche a dénoncé vigoureusement ce dispositif. "70% des Franciliens sont éligibles à un logement social", a rappelé le PS, regrettant notamment l'usage du mot "ghetto" qui stigmatise les habitants. Valérie Pécresse a souligné que le Premier ministre Manuel Valls avait lui-même évoqué un "apartheid social, territorial et ethnique" dans les banlieues. Le Front de Gauche et EELV ont réclamé que la Région puisse en contrepartie contraindre à construire les communes qui n'ont pas atteint les 25% de logements sociaux imposés par la loi, notamment en conditionnant les investissements accordées par la Région. "C'est à l'Etat de faire appliquer la loi SRU", a répondu M. Didier, qui a brocardé à plusieurs reprises l'absence dans l'hémicycle une partie de la journée de la ministre du Logement Emmanuelle Cosse, toujours conseillère régionale.
Avant même le débat, la mesure avait fait réagir hors hémicycle: pour Luc Carvounas, sénateur-maire d'Alfortville (Val-de-Marne) et vice-président de la Métropole du Grand Paris, "la construction de nouveaux logements repose déjà sur moins de 10% des communes franciliennes les plus populaires qui respectent les obligations légales". Il a appelé les maires d'Ile-de-France à la tête de ces communes à "se coordonner, quelles que soient leurs appartenances politiques, pour s'opposer à une décision totalement en décalage avec la réalité des habitants". Pour Stéphane Troussel, président de la Seine-Saint-Denis, cette décision "risque surtout de diminuer encore plus le périmètre de logement accessible au plus grand nombre". Il estime qu'en Seine-Saint-Denis, cette suppression des crédits de la Région sur le PLAI dans les communes à plus de 30% de logement social correspond "à environ 1.500 logements construits en moins par an", et que "22 communes vont être punies par cette mesure". Geoffroy Didier a toutefois assuré que de nombreux maires des communes concernées réclamaient une telle mesure, citant notamment le député-maire de Sarcelles François Pupponi (PS), qui s'est dit, dans la presse, favorable à cette délibération.
La majorité du Conseil régional a salué de son côté une mesure "courageuse" et "attendue par les Franciliens". "Le trop plein de logement social est tout aussi répréhensible que le manque de logement social", a insisté Brice Nkonda, conseiller régional UDI. Le FN a salué "une intention louable", proposant même un bulletin d'adhésion à la présidente de Région. La Région a décidé de reprendre le financement, abandonné depuis 2014, du logement social intermédiaire (PLS, pour les classes moyennes moins modestes), "particulièrement dans les secteurs déjà suffisamment dotés en logements sociaux et très sociaux". Seule unanimité dans les débats, la région a décidé de doubler le nombre de logements sociaux réservés aux femmes battues (de 50 à 100).
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