Loi asile-immigration : Nadia Essayan, l'autre députée de la majorité qui a voté contre le texte
Jean-Michel Clément (LREM) n'est pas le seul député ayant voté "contre" le projet de loi asile et immigration, dimanche 22. Nadia Essayan, députée du MoDem allié du parti présidentiel, a elle aussi refusé d'apporter sa voix au texte décrié pour son déséquilibre, durcissant le cadre légal plus qu'il n'apporte de nouveaux outils à l'intégration. Elle explique à France-Soir les raisons de son vote.
"J'ai très vite su, au vu de l'évolution des débats, que je voterai contre cette loi, même si j'envisageais au début encore l'abstention", explique la députée née de parents réfugiés palestiniens, elle-même ancienne réfugiée, et naturalisée française à 31 ans. Il lui était ainsi impensable dit-elle, du fait de son parcours, mais aussi de son expérience d'accompagnement des demandeurs d'asile en tant qu'élue locale, de voter un texte qui pose un "problème de justice".
Dans son viseur le temps de rétention doublé pour atteindre 90 jours ("quand on sait les conditions dans les CRA...") et la détention des mineurs accompagnés, comme beaucoup. Mais aussi la question de l'assistance effective par un avocat des réfugiés, en faveur de laquelle elle a notamment déposé un amendement, retoqué, ou encore la réduction du délai de recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Ces 15 jours, au lieu d'un mois, actés par la nouvelle loi "rendent impossible la constitution d'une nouvelle défense". Comment ainsi, et en deux semaines seulement, fournir de nouveaux documents dont certains doivent être demandés à l'étranger? La réponse de l'élue est limpide: "c'est surtout une manière de dire «on ne veut pas de ces recours»".
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Autant d'éléments qui justifient son vote d'opposition. Une voix dissonante par ailleurs bien accueillie au sein de son groupe, direction incluse. "Je ne suis pas la frondeuse du MoDem", plaisante Nadia Essayan qui assure que sa position, qu'elle avait annoncée très tôt, a été comprise par le président de groupe Marc Fesneau. Puis de louer l'écoute et la solidarité ainsi que l'acceptation des positions discordantes qui règnent à tous les niveaux entre députés du Mouvement démocrate.
La comparaison avec LREM, en filigrane, est terrible. Car le président du groupe majoritaire Richard Ferrand a lui fait assaut d'autoritarisme, prévenant ses troupes qu'il n'accepterait aucun vote contre le projet de loi porté par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Une ligne rouge que l'ancien -éphémère- ministre de la Cohésion des territoires a résumé en un avertissement lancé face à ses troupes: "Si l’abstention est un péché véniel, le vote contre est un péché mortel!".
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Serait-ce à cause de cette pression que les troupes LREM ont fait front, quitte à ne pas paraître le dimanche du jour de vote (99 députés de la majorité n'ont pas pris part au suffrage, NDLR)? Réponse de Nadia Essayan: "Un député doit prendre ses décisions en son âme et conscience et assumer. Il n'est pas juste membre d'un groupe. C'est sa responsabilité d'élu et le mandat, la mission, qui lui ont été confiés et ce quelles que soient les pressions".
Une définition du courage en politique qui vaut également pour l'abstention (22 élus LREM ou MoDem, le détail du vote ici). "Il y a visiblement une pratique courante quand on est dans la majorité qui consiste à dire que quand on s'abstient, on vote contre...", ironise la députée qui rappelle que les mots ont un sens, et que l'abstention ne vaut pas l'opposition.
Et si le texte asile et immigration a été le premier à "toucher aux convictions personnelles fortes" des députés LREM, attelage d'élus de tous horizons, le cas pourrait se reproduire avec les discussions sur la réforme des lois sur la bioéthique, prévue d'ici cet été. Et donc créer de nouveaux remous.
Pour autant, Nadia Essayan ne croit pas à l'émergence de frondeurs au sein de la majorité. "LREM est un groupe jeune, cela leur permettra surtout de réfléchir sur la manière de prendre en compte les différences, les opinions des uns et des autres", veut-elle croire.
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