Manuel Valls au Salon de l'agriculture dans une ambiance tendue
Le Premier ministre a lui aussi essuyé quelques huées et quolibets d'éleveurs désabusés, dans la partie des vaches laitières, après être arrivé bien avant l'ouverture aux visiteurs, avant 7h, entouré d'un imposant service d'ordre.
"Vas te cacher. T'as rien compris petit zizi, tu vas pas changer l'Europe", a hurlé l'un d'eux. Un grand panneau avec une bâche noire avait été dressé, frappé du slogan: "je suis le top de la qualité française mais ma passion ne suffit plus". "Vous êtes les pantins de l'Europe", a lancé François, éleveur dans l'Eure. "Ils sont là pour se pavaner mais ils n'ont aucun pouvoir et nous on crève".
Le Premier ministre lui a répondu sur le même ton: "On vient tous les ans. C'est toujours la même chose. Si on ne vient pas, on est des trouillards, si on vient, on vient se pavaner". Manuel Valls a ajouté qu'après la visite la semaine passée du commissaire européen Phil Hogan, il y avait à Bruxelles aussi, "une prise de conscience de la gravité de la crise".
Les éleveurs attendent "des prix rémunérateurs", il faut que le lait soit payé par les laiteries au minimum à 350 euros la tonne (35 centimes le litre contre 30 voire parfois 27 actuellement), et "pour bien réinvestir, il faudrait avoisiner les 400 euros", a expliqué José Baechler, un éleveur du Lot-et-Garonne.
Cette visite a lieu quelques heures avant la fin officielle des négociations commerciales lundi soir à minuit entre les industriels et la grande distribution (GMS), accusée de tirer les prix vers le bas en entraînant les agriculteurs dans cette spirale infernale.
Depuis une dizaine de jours, les principaux acteurs - industriels de l'agroalimentaire et responsables agricoles - se relaient pour dénoncer des "négociations plus dures que jamais" avec les représentants de la GMS, qui prennent parfois l'allure d'une "garde à vue" selon un industriel s'exprimant sous couvert de l'anonymat.
"Nous avons appelé les enseignes de la grande distribution à faire preuve de solidarité en ne baissant pas les prix lors des négociations commerciales pour 2016", prévenait la semaine dernière Manuel Valls. Samedi, le président Hollande a enfoncé le clou, affirmant que l'Etat devait "faire pression sur les distributeurs pour une vraie reconnaissance du travail de l'agriculteur".
Il a annoncé vouloir modifier "avant l'été" la Loi de modernisation de l'économie (LME) adoptée en 2008, sous le quinquennat précédent, afin de garantir une meilleure protection du producteur, parent pauvre de ces négociations.
Pour les agriculteurs, la LME rebaptisée "Loi Leclerc", d'après les hyper et supermarchés du même nom, instaure la liberté de négociation des prix entre les centrales d'achat des grandes surfaces et leurs fournisseurs. Ce système permet aux premières d'imposer leurs prix et d'exiger des baisses qui pénalisent les producteurs. "Une loi taillée pour Michel-Edouard Leclerc par son ami Sarkozy", accuse ainsi Bruno, un éleveur laitier du Morbihan.
Ces difficultés purement françaises, liées à l'extrême concentration des enseignes de grande distribution, défendues par quatre centrales d'achat, s'ajoutent à une crise plus conjoncturelle de surproduction, de baisse de la demande et d'embargo russe qui pèse pour ce dernier surtout sur les cours du porc.
Xavier Beulin, le patron de la puissante FNSEA, premier syndicat agricole du pays, a dénoncé ces "patrons d'enseigne la main sur le cœur qui viennent gentiment nous expliquer que tout va bien, qu'eux-mêmes vont prendre leurs responsabilités" alors que leurs groupes demandent des baisses de "-4% et -8% sur tous les produits alimentaires".
M. Beulin a par ailleurs lancé des "appels au calme" pour la venue de Manuel Valls, avec lequel il s'entend bien, sans exclure d'autres "mouvements spontanés" après le démontage samedi du stand du ministère de l'Agriculture et les insultes contre M. Hollande.
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