Référendum, assurance chômage : quand le gouvernement bouscule les syndicats

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 05 février 2016 - 16:13
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Emmanuel Macron, Manuel Valls et Myriam El Khomri.
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La réforme du droit du travail prévoit notamment de consulter les salatriés directement par référendum.
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Dans le cadre de la réforme du droit du travail, le gouvernement envisage un nouveau type de dialogue social qui impliquerait moins les syndicats, provoquant la colère de ceux-ci.

Imposer le référendum en entreprise, évoquer la piste de la dégressivité pour les prochaines règles d'indemnisation chômage: le gouvernement bouscule les syndicats et porte un coup de canif au dialogue social, pourtant cher à François Hollande, selon des analystes.

Le président de la République "dit qu'il est pour le dialogue social, mais c'est un dialogue social qu'il pilote. C'est une tradition française: un Etat régulateur avec un dialogue social sous tutelle et sous contrainte budgétaire", analyse René Mouriaux, chercheur honoraire à l'institut Cevipof. En ce sens, "il n'est pas en rupture avec ce que faisait Sarkozy et Chirac", relativise-t-il.

Ainsi, la ministre du Travail Myriam El Khomri a pris tout le monde de court, en annonçant la semaine dernière, qu'en cas d'accords minoritaires dans les entreprises, les salariés pourraient être consultés par référendum pour les valider. Une façon d'éviter que les syndicats majoritaires mettent un veto. Une demande pressante du patronat et de la droite qui sera inscrite dans sa loi sur le droit du travail.

Jean-Claude Mailly, numéro-un de Force ouvrière, l'a immédiatement interprété comme "une manière de court-circuiter les syndicats", l'Unsa comme une "opposition à la démocratie représentative".

Jean-François Amadieu, professeur à l'université Paris-1 et spécialiste des relations sociales, s'étonne du procédé. Cette idée de référendum devrait "être un sujet de négociation entre partenaires sociaux. Pourtant Myriam El Khomri ne l'évoque même pas". "C'est un renoncement à la démocratie sociale", tranche-t-il. "C'est bien sûr pour court-circuiter les syndicats", appuie René Mouriaux.

Et cette semaine, pas moins de trois ministres (Travail, Finances, Economie) se sont immiscés dans la prochaine négociation de la convention d'assurance chômage, pourtant du seul ressort des partenaires sociaux. Ils ont mis à l'ordre du jour la dégressivité des allocations, agaçant cette fois syndicats et patronat.

Dominique Andolfatto, auteur de Sociologie des syndicats (La Découverte) lie cette "interventionnisme" au chômage record, que le gouvernement peine à maîtriser. "Il lance donc quelques ballons d'essai au risque de froisser ses soutiens à gauche et les syndicats, comme les référendums d'entreprise ou la dégressivité".

Toutefois, ces deux "court-circuitages" semblent sans risque, tant les syndicats "sont divisés", "peinent à mobiliser" et "n'ont pas les moyens de créer un rapport de force", selon Jean-François Amadieu et René Mouriaux.

De récents sondages montrent en outre que la confiance des Français envers les syndicats n'est pas au beau fixe. Dans le premier, réalisé OpinionWay pour le centre de recherches politiques Cevipof, les syndicats arrivent en bas de liste des institutions auxquelles les Français font confiance, juste derrière les médias et les partis politiques.

Selon un second, réalisé par TNS Sofres pour l'association Dialogues, 43% des Français avaient confiance dans l'action des syndicats pour la défense de leurs intérêts en octobre 2015 (46% en 2010, 50% en 2008). Ils jugent les syndicats "trop politisés", mais aussi qu'il y a "trop de concurrence" entre eux. Pour 47%, ils sont inefficaces (36% en 2010, 29% en 2008).

De là à dire qu'"il y a trop d'organisations syndicales dans ce pays" et que cela pèse sur le dialogue social, c'est le pas franchi par le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen. Selon Jean-François Amadieu, un tel propos laisse entendre que "les organisations syndicales sont un frein à l'adaptation, à la modernisation".

Or les dirigeants syndicaux "souhaitent sans aucun doute certains déblocages compte tenu de la situation de l'emploi, mais ils ne veulent pas s'engager franchement dans les voies choisies par le gouvernement", souligne Dominique Andolfatto, car ils redoutent la réaction de "leurs troupes".

De quoi laisser la voie à d'autres entorses du gouvernement aux prérogatives des partenaires sociaux? "De toutes les façons, la démocratie sociale ne mobilise pas les gens, c'est un sujet pour +happy few+ (...). Et c'est là que les syndicats ont aussi un problème", dit Jean-François Amadieu.

 

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