Salle de shoot : un an d'une expérimentation controversée en France

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Par AFP
Publié le 12 octobre 2017 - 14:27
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Du matériel d'injection de drogue dans la salle de shoot à Paris, à l'époque de son inauguration le
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© PATRICK KOVARIK / POOL/AFP/Archives
Du matériel d'injection de drogue dans la salle de shoot à Paris, à l'époque de son inauguration le 11 octobre 2017
© PATRICK KOVARIK / POOL/AFP/Archives

"C'est mieux que les parkings ou les entrées d'immeuble", lance Tito, 28 ans, "drogué à plein temps". Un an après son ouverture controversée à Paris, la première "salle de shoot" de France à Paris intensifie ses maraudes pour sortir les toxicomanes de la rue, mais aussi apaiser le voisinage.

"Le but est d'aller à la rencontre des usagers de drogue qui ne fréquentent pas la salle, mais aussi de rencontrer les riverains pour que ça se passe bien dans le quartier et maintenir le lien avec les usagers qu'on connaît", explique Mathieu, 39 ans, éducateur à l'association Gaïa, qui gère la salle.

Depuis le 17 octobre 2016, 53.582 actes de consommation de drogue ont été comptabilisés dans la salle, officiellement baptisée "Salle de consommation à moindre risque" (SCMR), dont 38.058 injections, selon les chiffres recensés par l'association et la mairie de Paris.

"Soit autant qui n'ont pas eu lieu dans la rue", se félicite la directrice de la salle, Élisabeth Avril.

Pourtant il y a un an, le 17 octobre 2016, des banderoles "Non à la salle de shoot en quartier résidentiel", "Salle de shoot: ni hier, ni demain" ou encore "Ici vivent 32 enfants", couvraient de nombreuses façades des immeubles de ce quartier proche de la gare du Nord, déjà connu pour la forte présence de toxicomanes.

Craignant une montée de la délinquance et du trafic, une partie des riverains s'était soulevée contre le projet, reprochant notamment aux autorités le choix de l'emplacement.

Le débat politique aussi fut vif, l'UMP, qui a défendu de nombreux amendements de suppression et prôné le sevrage et l'abstinence, considérant ces salles comme un feu vert à des "paradis artificiels officiels".

Adopté le 7 avril 2015 par l'Assemblée nationale après plus de quatre heures de débats houleux, le projet lancé au titre d'une expérimentation pour une durée de six ans dans le cadre du projet de loi porté par la ministre de la Santé de François Hollande Marisol Touraine, a été définitivement adoptée en décembre 2015 par le Parlement.

- "Faune" -

Un an après, les banderoles ont disparu mais le mécontentement dans le quartier reste palpable. "Ca crée des nuisances, on peut pas dire autre chose!", lance Roger, 30 ans, qui tient le salon de coiffure en face de la salle de shoot. "Les clients hésitent à venir et pour moi depuis un an, ça représente un manque à gagner".

"Ca attire une faune dont on se passerait bien", estime Bernard, un riverain de 79 ans.

Membre du collectif "Non à la salle de shoot en quartier résidentiel", vivement opposé à l'expérimentation, Céline estime que "le quartier s'est fortement dégradé en un an".

"Il y beaucoup plus de toxico, de deal, de seringues par terre. On assiste régulièrement à des scènes de consommation dans la rue et des riverains ont déjà été menacés juste parce qu'ils passaient par là", se révolte-t-elle.

Selon le maire du Xe arrondissement Rémi Féraud, "un an après, la salle a démontré toute son utilité puisqu'elle accueille plus de 150 usagers chaque jour. Mais les progrès en terme de tranquillité publique dans le quartier ne sont pas assez visibles".

En février, une bagarre entre des usagers a entraîné une fermeture temporaire de la salle, sans toutefois entraîner de perturbation sur la voie publique, précise la mairie de Paris. "On reçoit une population qui est très dégradée et présente de multiples problèmes de santé, d'hébergement ou avec la justice", explique Élisabeth Avril.

"Ce genre d'incidents n'est pas rare dans les lieux qui accueillent ce type de public", dédramatise-t-elle. Selon l'association Gaïa, 52% des usagers de la salle ont un logement précaire et 43% sont sans revenus.

"Ce qui est vraiment à déplorer, c'est qu'il reste des gens dans la rue qui n'ont pas accès au dispositif", estime Mme Avril. Selon elle, il faudrait ouvrir d'autres salles de consommation en Ile-de-France et ailleurs. "Si on compare à d'autres pays européens, la France est très en retard", souligne-t-elle.

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