Sites djihadistes : pourquoi le Conseil constitutionnel a censuré le délit de consultation
Le Conseil constitutionnel a censuré ce vendredi 15, pour la deuxième fois et malgré une modification, l'article de loi sanctionnant le fait de consulter les sites djihadistes "de manière habituelle, sans motif légitime".
Les sages ont jugé que l'atteinte à la liberté de l'information que constituait de facto cette mesure n'était ni justifiée ni proportionnelle. Ils tracent ainsi une ligne à ne pas dépasser, après que l'arsenal judiciaire a été largement renforcé depuis le 13 novembre, et rappellent que le simple fait d'avoir des opinions, même les plus extrêmes, n'est pas illégal.
Sur la nécessité, la décision du Conseil constitutionnel (source site officiel), rappelle ainsi qu'il existe déjà un "ensemble d'infractions pénales (...) et de dispositions procédurales pénales spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission d'actes de terrorisme", de l'apologie du terrorisme à la préparation active d'un attentat.
Par ailleurs, la loi permet déjà de contrôler les sites, de sanctionner leurs auteurs et de surveiller ceux qui les consultent même en l'absence de toute autre infraction.
Le texte rappelle également que le fait de consulter de tels sites peut être considéré comme un acte de terrorisme et sanctionné comme tel, mais uniquement si cela est accompagné par "le fait de détenir, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui" (source legifrance).
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Autrement dit, une personne qui détient des armes de guerre et consulte des sites djihadistes peut être arrêtée et condamnée, cela sans avoir commis d'attaque. Cette possibilité de sanctionner en amont de l'acte terroriste semble être la limite pour les gardiens de la constitutionnalité des lois.
Ils retiennent que la consultation même habituelle de ces sites "n'impose pas que l'auteur ait la volonté de commettre des actes terroristes". Dans la deuxième version de la loi, le législateur avait donc ajouté la nécessité d'éléments prouvant l'adhésion à ces thèses djihadistes. Mais il s'est heurté au même refus, faute d'"élément constitutif de l'infraction".
Le Conseil constitutionnel explique donc qu'un sympathisant avéré de l'Etat islamique qui consulte régulièrement des sites djihadistes ne peut être sanctionné que si des éléments matériels démontrent son intention de commettre un acte terroriste. Mais aussi que cette homme peut être surveillé, et que de nombreux éléments suffisent à le faire basculer dans l'illégalité (apologie, détention d'arme, financement de groupes terroristes, préparation matérielle, repérages...).
Il dresse donc une barrière contre ce qui reviendrait à une interdiction de penser, d'avoir une opinion. Il se base pour cela sur l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1789 qui dispose notamment que "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme".
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