La farce du second "impeachment" de Donald Trump

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Anthony Lacoudre, pour FranceSoir
Publié le 15 février 2021 - 11:13
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Donald Trump quittant la Maison-Blanche.
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Le 13 janvier 2021, alors qu'il ne restait plus que 6 jours avant la fin du mandat de Donald Trump en tant que président des Etats-Unis, la Chambre des représentants votait le second impeachment le visant, un peu plus d’an après le premier qui datait du 18 décembre 2019. 

La première fois, il était reproché au Président de s’être entretenu au téléphone avec le nouveau Président de l'Ukraine lors d’un appel téléphonique intervenu au mois d’août 2019, au sujet de potentiels agissements frauduleux en Ukraine de Joe Biden et de son fils Hunter.

Cette fois-ci, il était reproché au Président, à l’occasion de son discours prononcé devant la Maison-Blanche, d'avoir incité à l'insurrection lors de la manifestation du 6 janvier dernier à Washington DC, encourageant la foule à envahir le Capitole.

On se souvient des images choquantes de la foule forçant les barrages de police et pénétrant dans les locaux du Capitole, interrompant les débats sur le vote des grands électeurs et de la fraude électorale qui avaient commencé une demi-heure auparavant dans le cadre de la session jointe du Congrès.

Une procédure de mise en accusation bâclée

A la différence de la procédure conduite en 2019, où l’enquête de la Chambre des représentants avait duré plusieurs mois, aucune enquête n'a été diligentée cette fois-ci. Aucune preuve n'a été produite par l'accusation, personne n'a été appelé à témoigner, la procédure ayant été bâclée, sans que la Maison-Blanche ne puisse même présenter ses observations.

Après seulement deux heures de débats à la chambre dans l’après-midi du 13 janvier 2021, 232 députés (représentants) ont voté en faveur de la mise en accusation, correspondant à l’intégralité des députés démocrates rejoints par 10 députés républicains. 197 députés républicains votaient contre, 96 % des députés républicains s’opposant donc à cette procédure d'impeachment, jugée totalement infondée, inutile, voire néfaste.

Le Sénat est-il compétent pour ce procès ?

La prochaine étape consistait pour le Sénat à ouvrir la phase du procès en destitution à proprement parler. Toutefois, en raison des délais trop courts, le procès au Sénat allait se tenir alors même Donald Trump ne serait plus le président des Etats-Unis. Dans ces conditions, de nombreux experts en droit constitutionnel avaient fait remarquer que ce procès ne serait pas valide, le Sénat étant incompétent pour décider de la destitution d'un président qui n'est plus en fonction et qui, par définition, ne peut donc pas être destitué.

Objectif : empêcher Donald Trump de se représenter à une élection

Mais à quoi donc pouvait servir la destitution d'un président qui n'est déjà plus en fonction ? La Constitution prévoit que les seules sanctions que peut imposer le Sénat à l’issue du procès sont la destitution des fonctions et l'interdiction d'occuper de nouvelles fonctions publiques.

L'objectif principal des démocrates n’était donc pas de destituer l’ex-Président (ce qui était impossible), mais de bannir Donald Trump de la scène politique américaine. La gauche américaine est bien consciente qu’elle a remporté les élections présidentielles de novembre 2020 dans des conditions douteuses, craignant par-dessus tout un retour en fanfare de Donald Trump. Pour les démocrates, il fallait à tout prix empêcher Donald Trump de se présenter non seulement à l’élection présidentielle de 2024 mais même avant, par exemple dans une circonscription législative en Floride en 2022, ce qui lui permettrait de devenir président de la chambre des représentants (speaker of the house), dans l’hypothèse où les républicains regagneraient la majorité à la chambre basse.

Trump mis en accusation pour délit d'opinion

Les débats ont débuté le 9 février. Les avocats de Donald Trump ont souligné que le Sénat était incompétent et que le procès était anticonstitutionnel car il revenait à remettre en cause le Premier amendement de la Constitution, qui garantit la liberté d'expression, leur client étant poursuivi en réalité pour délit d'opinion. Aux yeux des démocrates, Donald Trump n'avait donc pas le droit d'exprimer son mécontentement face à la fraude électorale constatée. Il n'avait pas le droit d'utiliser le slogan "stop the steal" (arrêter le vol - des élections) ou "fight to get back the country" (se battre pour récupérer le pays). 

Or, le discours politique est défendu par la Constitution. Peu importe à vrai dire si les soupçons de fraude électorale sont avérés ou non. Le droit américain prévoit en effet qu'un homme politique ne peut pas être sanctionné pour proférer des mensonges. "Un mensonge est autant protégé que la vérité" précise le professeur de droit constitutionnel Alan Derschowitz. "Dire qu'il y a eu de la fraude est une opinion et une opinion est protégée", précise-t-il. 

Qui plus est, aucun des écrits (tweets reçus par 85 millions de followers) ou des paroles de Donald Trump n'a jamais incité à la violence, ni préalablement ni au cours de cette journée du 6 janvier. Plus précisément, à la fin de son discours, Donald Trump prit soin de recommander à la foule de marcher vers le Capitole "pacifiquement" et de façon patriotique, en respectant les hommes en uniforme, afin de « faire entendre votre voix », chacune de ces actions étant parfaitement légale. 

Des procureurs amateurs aux mains vides

Les travaux des procureurs démocrates oint surpris par leur manque de rigueur et de crédibilité. « La présentation faite par les managers de la Chambre était insultante et absurde », a cinglé le sénateur Lindsey Graham. "Les managers de la chambre ont manipulé les preuves. Devant un tribunal, ils auraient été sanctionnés par le juge" s'est exclamé à la tribune David Schoen, l'un des avocats de Donald Trump. 

"Ils insultent le Sénat en montrant des preuves qui n'auraient pas été admissibles devant un tribunal. C'est une présentation sélective de preuves qui aurait été rejetée par un juge, ce n'est pas un procès conduit de façon juste et équitable" renchérit le professeur de droit Harry Hutchison. Le professeur faisait référence notamment à la présentation d'articles de presse relatant de fausses informations, à des modifications du contenu d’un tweet présenté comme preuve à charge, ou à des montages vidéos grossiers réalisés par une société de production d’Hollywood sans aucune valeur probatoire présentés aux sénateurs. Ces incidents ont mis en lumière la légèreté des procureurs. Depuis quand les articles de journaux constituent-ils des sources de preuves ? « C’est comme si vous aviez cherché vos preuves sur Google » leur a rétorqué l’avocat de la défense. 

Donald Trump n'a ni planifié ni incité l'invasion du Capitole

Les procureurs n'auront donc pas réussi à démontrer l'incitation, se contentant de constater que l'ex-Président avait menti sur le vol des élections (ce qui n'est d'ailleurs pas démontré non plus, le sujet de la fraude électorale restant encore ouvert à ce stade, notamment devant les tribunaux) et que le Capitole avait été le théâtre de violences inacceptables, mais sans pouvoir établir de lien de causalité.

Une majorité renforcée des 2/3 des sénateurs nécessaire

La Constitution prévoit qu’une majorité renforcée des 2/3 des 100 sénateurs en faveur de la destitution du Président était nécessaire. Les 50 sénateurs démocrates devaient donc être rejoints par au moins 17 des 50 sénateurs républicains. Il faut reconnaître que la situation des sénateurs républicains n’était pas facile. Un vote en faveur de l’acquittement serait nécessairement exploité par la gauche lors des prochaines élections sénatoriales alors qu’un vote en faveur de la condamnation serait synonyme de répudiation par l’électorat dur de droite.

Donald Trump à nouveau acquitté

Finalement, au soir du 13 février 2021, l’ex-Président est acquitté, seulement 57 sénateurs votant en faveur de sa condamnation, contre 43 en faveur de son acquittement. La majorité des 2/3 n’est pas atteinte, 10 voix manquant pour une condamnation. Donald Trump devint alors le premier Président dans l’histoire des Etats-Unis à faire l’objet deux fois d’un impeachment et à être acquitté deux fois.

Parmi les 7 sénateurs républicains qui ont rejoint le camp démocrate, on compte deux sénateurs en fin de carrière qui ne se représenteront pas, ainsi que l’éternel ennemi de Donald Trump, Mitt Romney, malheureux prétendant à la course à la Maison-Blanche en 2012 contre Barack Obama, qui avait déjà voté en faveur de la condamnation de Donald Trump en février 2020. Il n’est pas évident dans ces conditions que Romney soit réélu au Sénat lorsqu’il se représentera en 2024 dans l’Utah.

43 sénateurs républicains (que Nancy Pelosi s’est empressée d’insulter, les qualifiant de « sénateurs lâches ») ont donc constaté que Donald Trump ne pouvait pas être condamné car
1. le Sénat était incompétent, si bien que le procès était inconstitutionnel
2. l’accusé n’avait pas eu le droit à un procès équitable
3. une condamnation violerait le droit d’expression protégé par la Constitution
et enfin 4. Donald Trump n’avait commis aucune infraction.

Ces sénateurs n’auront donc pas été sensibles à l’argument final des procureurs selon lequel, dans le cadre d’un procès en destitution au sénat, c’est la responsabilité morale de l’accusé qui est jugée et non sa responsabilité juridique, autrement dit le droit et ce que prévoit la Constitution ne s’appliquent pas.

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