La Turquie fait un pas en faveur de l’adhésion de la Suède à l’OTAN. En attendant la livraison de F-16 américains ?
MONDE - La commission des affaires étrangères du Parlement turc a approuvé mardi 26 décembre 2023 le texte autorisant l’adhésion de la Suède à l’Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN). Istanbul, seul membre de l’alliance à recourir à son véto pour bloquer la route à la Suède, finit par lâcher du lest après 19 mois de tractations, durant lesquels le président Recep Tayyip Erdogan a multiplié les conditions. Adhésion de la Turquie à l’Union européenne, retrait du soutien suédois aux Kurdes ou encore la livraison maintes fois bloquée par Washington de ses avions de chasse F-16 : les justifications ont varié selon le contexte international et l’agenda politique d’Erdogan. L’adhésion de Stockholm doit encore être adoptée de manière définitive par une Assemblée plénière, dont la date n’a toujours pas été précisée...
L’entrée dans l’OTAN ne s’obtient qu’après un accord à l’unanimité de tous ses membres. La Suède et la Finlande ont déposé leur candidature quelques mois après l’invasion russe en Ukraine mais Helsinki, qui rompait un non-alignement militaire de longue date, a été admise en avril 2023. Quid de Stockholm ? Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, promettait en novembre dernier qu’il ne s’agissait plus qu’une “formalité” dont le dénouement devait se préciser “quelques semaines” plus tard.
Pressions sur les Kurdes
Entre-temps, la Turquie s’est montrée intraitable, énonçant à chaque fois une nouvelle condition. Durant les premiers mois du processus d’adhésion, Erdogan a sans cesse dénoncé le “soutien” de Stockholm à des groupes kurdes et leur parti (PKK), considérés comme terroristes par Ankara. Le président turc a ouvertement réclamé un “durcissement de la politique” de la Suède et de la Finlande “vis-à-vis de leur immigration kurde”. Les concessions de la Suède, comme l’expulsion de membres présumés du PKK ou l’adoption d’une nouvelle loi antiterroriste, n’étaient vraisemblablement pas suffisantes.
En juillet dernier, Erdogan exigeait, cette fois-ci, l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne pour débloquer le processus d’entrée de la Suède dans l’OTAN. “Ouvrez d'abord la voie à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et, ensuite, nous ouvrirons la voie à la Suède, tout comme nous avons ouvert la voie à la Finlande”, a-t-il déclaré à la veille de l'ouverture du sommet annuel de l'OTAN à Vilnius.
Ankara a déposé sa candidature en 1987 à la Communauté économique européenne puis en 1999 à l’UE mais le processus d’adhésion était considéré fin 2022 comme étant “au point mort”. “Presque tous les membres de l'OTAN sont membres de l'UE. Je m'adresse à ces pays qui font attendre la Turquie depuis plus de 50 ans”, avait-il ajouté depuis la Lituanie. Une déclaration qui a surpris de nombreux dirigeants européens, qui n’ont pas manqué de rappeler que les deux dossiers n’étaient aucunement liés.
La liste des conditions s’est encore allongée en décembre, lorsque Ankara a exigé le déblocage de la vente par les États-Unis d’avions de chasse F-16 à la Turquie, qui doit moderniser sa force aérienne. Si la Maison-Blanche n’est pas défavorable à cette livraison, le Congrès s’oppose à une telle opération pour des raisons politiques, comme les tensions gréco-turques ou les déclarations de soutien d’Erdogan au Hamas. En réponse au président turc, le Sénat américain a conditionné cette vente à l’adhésion de Stockholm et d’Helsinki à l’OTAN.
Pas de Suède à l’OTAN sans des F-16 en Turquie ?
Ankara mise ainsi sur son statut particulier de carrefour de l'Europe, de l'Asie et du Moyen-Orient et ses relations étroites avec Washington pour fixer ses exigences. C’est depuis la Turquie que les États-Unis peuvent se projeter au Moyen-Orient, à travers les bases militaires mises à leur disposition grâce à l’accord DECA (Defense Economics Cooperation Agreement), signé en 1980.
Mais un entretien téléphonique mi-décembre entre le président américain Joe Biden et son homologue turc semble avoir permis de lever les réticences de ce dernier. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg a “salué” l’approbation par la commission parlementaire du texte qui “rendra l'OTAN plus forte”. Le ministre suédois des Affaires étrangères, Tobias Billström, a déclaré à une chaîne de télévision suédoise : “Nous nous réjouissons de devenir membre de l’OTAN”.
Fuat Oktay, un député du parti au pouvoir en Turquie (AKP), a expliqué ce premier pas par le “changement dans la politique de la Suède” ainsi que par “quelques décisions adoptées par les tribunaux”. “On avait encore quelques demandes pour des avancées supplémentaires” en matière de lutte antiterroriste, a-t-il précisé.
La commission des Affaires étrangères du Parlement turc a transmis le texte approuvé à l'Assemblée plénière pour adoption définitive, devant officialiser l’adhésion de Stockholm à l’OTAN. Pour un observateur, les deux processus, c’est-à-dire l’entrée de la Suède dans l’alliance et la livraison de F-16, “vont avancer en parallèle. Tout ceci est lié”.
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