Mondial au Qatar : "Environ 400 à 500 migrants travailleurs sont morts", selon le directeur de l’organisation
“400 à 500” travailleurs migrants sont décédés sur les chantiers du Mondial qui se déroule actuellement au Qatar. Cette fois-ci, les chiffres proviennent des officiels qataris. Dans une interview accordée au journaliste britannique Piers Morgan dans son émission “Uncensored”, le lundi 28 novembre 2022, le directeur de l'organisation du Mondial, Hassan al-Thawadi a dévoilé un chiffre bien supérieur à celui soutenu par Doha. Ses déclarations ne démentent toutefois pas la position officielle précédente, mais la nuance.
Jusque-là, les autorités qataries ont rejeté tous les chiffres avancés par des enquêtes et des études, à l’image de celle de The Guardian, qui avait fait état de 6 500 morts issus de plusieurs pays asiatiques.
“L’estimation est autour des 400, entre 400 et 500 morts”, a-t-il dit. “Je n’ai pas le nombre exact. C’est quelque chose dont nous avons déjà parlé (...) Nous avons toujours été transparents là-dessus (..) Un mort, c’est déjà trop. C’est aussi simple que cela”, a-t-il ajouté lors de la même interview.
Le directeur de l'organisation du Mondial n’a effectivement pas nié les précédentes positions de Doha, qui faisaient état de “seulement” trois décès de travailleurs migrants liés au travail et 37 décès qui ne seraient liés au travail, survenus “en dehors des horaires de travail”. Hassan al-Thawadi a distingué, lors de son interview, les migrants décédés lors de la construction des stades ou lors de la construction des autres infrastructures.
Le chiffre de “400 à 500 migrants” correspondait, cette fois-ci, au total de morts pour la construction de l'ensemble des infrastructures (hôtels, routes, restaurants...) nécessaires pour accueillir la Coupe du monde.
6 500 travailleurs migrants décédés, selon The Guardian
Al-Thawadi a ajouté que “les conditions s'améliorent” pour les travailleurs migrants au Qatar. Il a évoqué la mise en place “d'un salaire mensuel minimum de 1 000 riyals”, l’équivalent de 275 dollars environ. Il a aussi évoqué une meilleure attention accordée à la sécurité. "Je pense que chaque année, les normes de santé et de sécurité sur les sites s'améliorent, du moins sur nos sites, les sites de la Coupe du monde, ceux dont nous sommes responsables, très certainement", a-t-il dit.
Le nombre de travailleurs migrants décédés dans la construction des stades ou des autres infrastructures a toujours fait l’objet de critiques, de spéculations mais également d’enquêtes de la part de journalistes et d’organisations. En février 2021, The Guardian a publié son enquête dans laquelle le journal affirme que “plus de 6 500 travailleurs issus d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, du Népal et du Sri Lanka sont décédés au Qatar depuis l’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde”, en 2010.
The Guardian écrivait même que le nombre total de décès serait supérieur, car les données d'autres pays, dont les Philippines ou le Kenya, qui comptent de nombreux ressortissants travaillant au Qatar, n'ont pas été recueillies.
De son côté, Doha a toujours réfuté ces chiffres, avançant encore et toujours les chiffres officiels bien moins importants de 37 décès, entre 2010 et 2022, toutes causes de mortalité confondues.
La (seconde) mise au point du Qatar
Les chiffres avancés par Al-Thawadi ne constituent même pas la nouvelle version officielle de Doha puisque le nombre ne fait l’unanimité au sein même du Qatar. Un porte-parole du Comité suprême a fait une mise au point sur les chiffres avancés par le directeur de l’organisation du Mondial.
“Lors de l’émission "Uncensored" animée par Piers Morgan, le secrétaire général a indiqué qu’il y avait eu trois décès dus à des accidents du travail et 37 décès non liés à des accidents du travail sur des projets du Comité suprême pour la Livraison et l’Héritage (SC). Ces chiffres sont publiés chaque année dans les bilans produits par le Comité”, lit-on sur Foot Mercato. “Ils comprennent les activités liées aux huit stades de la compétition et celles liées aux 17 autres sites en lien avec le Tournoi et qui relèvent du périmètre du SC. Les citations tirées de l’interview font référence aux statistiques nationales sur la période 2014 – 2020 pour les accidents du travail (414 décès) sur l’ensemble du territoire qatari, tous secteurs et toutes nationalités confondus”.
Une étude de 2019 sur les travailleurs migrants népalais décédés au Qatar, publiée dans le Cardiology Journal, évoquait le nombre de 1 300 décès, révélant une "forte corrélation" entre travailler dans une chaleur extrême et les décès de problèmes cardiaques.
Réagissant aux déclarations d'Al-Thawadi, Steve Cockburn, responsable de la justice économique et sociale à Amnesty International, a appelé à "la vérité, la justice et l'indemnisation" des familles des migrants travailleurs décédés.
"La poursuite du débat autour du nombre de travailleurs décédés lors de la préparation de la Coupe du monde expose la dure réalité que tant de familles endeuillées sont toujours en attente de vérité et de justice”, a-t-il ajouté mardi.
“La chaleur extrême et les conditions de travail exténuantes au Qatar ont probablement contribué à des centaines de ces décès, mais sans enquêtes approfondies, l'ampleur réelle des vies perdues ne pourra jamais être connue”, a regretté Cockburn.
Lors de son interview avec Piers Morgan, Hassan al-Thawadi a évoqué toutes les critiques portées dont fait l’objet le Qatar. Il a dit distinguer les critiques “constructives qui auraient permis à son pays de dialoguer et de s'améliorer en discutant avec des partenaires” et les critiques fondées sur la “désinformation”, qui n'auraient rien fait avancer malgré “les demandes de dialogue que nous avons effectuées”.
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